lundi 29 octobre 2007

"Moi, ma langue, c'est ma vraie patrie" 1. (C.Nougaro)

L'enfer de l'école !


Il y a quelques années, on avait cherché des poux à Alain Finkielkraut parce qu’il avait osé dire que l’intégration des immigrés passait par leur accession à la langue, et pas seulement à celle utilisée en banlieue pour régler de façon simple des problèmes complexes. L’idée d’une norme et d’une référence incontestables (la langue française, la seule, l’unique, la vraie, la bonne) était visiblement devenue scandaleuse, surtout aux yeux de ceux qui la maîtrisent correctement.
Parler le français en France, quelle drôle d’idée ?

La question de l’intégration des immigrés est ici largement dépassée : il s’agit plutôt d’une bataille idéologique contre la norme par excellence que représente le langage (la plus subtile des activités humaines : voir les pitoyables essais de traduction informatique, comme les chansons des Beatles…). Les films dits populaires des années trente font partie du patrimoine français, avec l’argot qui y était parlé. On en connaît des tirades entières, qui valent bien celle du Nez, on se les répète mi-rigolards, mi-admiratifs, elles donnent au cinéma de ce temps un charme spécial qui ne laisse insensibles que les plus blasés d’entre nous. Les personnages de ces films, petits malfrats, grands voyous, marginaux de tous poils, parlent une langue qui leur est propre, qui leur permet de se comprendre sans être compris des non-initiés, et surtout de marquer une différence entre leur monde, et celui des caves. D’un côté, les flics et les caves ; de l’autre, les affranchis. Le Jean Gabin de cette époque ne demandait pas le respect, il l’imposait. Il ne réclamait pas que la société des honnêtes gens et des bourgeois l’accepte et lui tape sur le ventre, il s’en excluait par sa façon de vivre, de s’habiller et de parler. Céline le dit : « l’argot, ça veut dire : je vais t’crever ! ». Deux mondes, deux langues. L’apache vit en marge des lois, n’est pas assez con pour travailler, et accepte implicitement que son jeu de gendarmes et voleurs le conduise de temps en temps en cabane.

Bande de caves !

Le paradoxe actuel, qui serait presque noyé dans le flux de paradoxes où nous barbotons, c’est qu’on cherche à valoriser l’argot issu (pour aller vite) des banlieues, à lui reconnaître a priori les mêmes qualités littéraires que l’argot du siècle passé (sur le principe, pourquoi pas, mais attendons quand même qu’il en sorte des œuvres, et rangeons les clairons), on en utilise volontiers certains traits pour faire rire à table, et surtout on recommande à ses utilisateurs d’en être fiers puisque il s’agirait d’une langue d’une valeur égale à celle de la langue bourgeoise, mais sans accepter qu’ils en paient le prix : l’exclusion. On veut parler zyva mais trouver un boulot d’hôtesse d’accueil ! La caillera à crâne rasé vient se plaindre à l’assistante sociale que personne ne veut lui donner ce boulot de commercial dont il rêve… Minute !

Le langage rassemble ceux qui le parlent, qui en respectent les règles, mais rejette forcément les autres. La différentiation est une de ses fonctions. Le marlou d’avant-guerre est rejeté de la bonne société, comme le cave l’est du monde des « hommes ». C’est dur, c’est pas gentil, ça fait pas dans le social, mais c’est comme ça que ça marche. Ceux qui ont fait l’expérience de passer une soirée au milieu de gens dont on ne parle pas la langue savent très bien que, même avec les meilleurs intentions du monde, les discussions se font sans eux, qu’ils sont exclus de facto de ce qui se passe.

Il faudrait donc que les belles âmes qui trouvent « limite facho » de recommander l’apprentissage du français le plus excellent, le plus subtil, le plus nuancé, le plus beau, au nom d’un relativisme aberrant, sachent que l’Exclusion (si tant est quelle est un phénomène guettant le citoyen comme la mort guette l’être vivant) se nourrira aussi de cette incapacité à se fondre dans le langage de tout le monde, de la majorité. Tant que la majorité des habitants de ce pays parle français, il n’y a pas d’autre moyen d’y trouver sa place qu’en apprenant le français, le seul, le bon, l’unique ! Il ne s’agit pas de vouloir abolir les argots, les patois et les jargons (quelle absurdité) ou de savoir si l’argot est mieux ou moins bien ou plus utile que la langue de Molière, il s’agit de comprendre que l’argot appartient par essence à un groupe (ou population) qui renforce sa cohésion à la mesure de sa différence d’avec « les autres », et qu’il est donc inconséquent de prétendre en faire une norme pour tous : le genre s’y refuserait. Que chaque enfant apprenne le français le plus classique ne devrait d’ailleurs pas empêcher qu’il connaisse, en plus, la langue astucieuse de son quartier, de sa ville, de sa région.

(à suivre)

vendredi 26 octobre 2007

Saint Guy Môquet des victimes

Guy Môquet

La France ne manque pas de héros. Ni la France ni les autres pays d’ailleurs, puisque le héros est un mythe qu’il suffit de produire, comme on produit de l’argent avec une planche à billets. La plupart du temps, on s’arrange pour choisir un personnage possédant les qualités qu’on veut magnifier à travers lui. Michel-Ange est un héros de la Renaissance parce qu’il est surdoué, parce qu’il est un travailleur acharné, parce qu’il construit, en face de Dieu, une place essentielle à l’homme. Saladin est un héros parce qu’il est patient, souverainement efficace à la guerre, qu’il combat pour le Bien, qu’il est magnanime avec ceux qu’il vainc, c'est-à-dire qu’il n’est pas atteint par la haine (pas plus que notre Jeanne d’Arc). Jean Moulin était jusqu’ici le héros type de la Résistance française. En proie au doute quand il tente de se suicider (l'aspect « faiblesse humaine »), il choisit l’action, se rend indispensable, part à Londres, organise la Résistance, se fait prendre sur dénonciation (rôle repoussoir de la traîtrise), et meurt martyrisé en juillet 43, après une longue œuvre de résistance.

Guy Môquet est un héros de la Résistance depuis le lendemain de sa mort. Il n’est pas le seul, et on peut donc se demander pourquoi c’est sur lui que Nicolas Sarkozy a décidé de miser.

La France a décidé de faire de Guy Môquet un modèle pour la jeunesse. C’est en effet dans les écoles que sa lettre a été lue, ce sont les enseignants qui ont été requis pour le faire, c’est son exemple que l’on veut montrer aux jeunes gens nés 70 ans après lui. Mais l’exemple de quoi, au juste ? Guy Môquet n’a jamais tué d’Allemands, il n’a peut-être jamais manipulé une arme de sa vie. C’est un militant communiste qui a été emprisonné en octobre 1940 pour avoir diffusé des tracts dénonçant la misère et les riches désignés responsables de la guerre et de la défaite. Il n’a pas posé de bombe, il n’a poignardé personne, il n’a organisé aucune action d’éclat. Il reste emprisonné un an, au bout duquel il est fusillé, avec d’autres, en représailles de l’assassinat d’un officier allemand auquel il n’a eu aucune part. C’est donc une pure victime. On peut se demander si le choix d’une victime comme emblème est de nature à « faire réfléchir » la jeunesse Ipodisée de notre beau pays, et si il existe une seule personne en France pour penser que son exemple est à suivre en quoi que ce soit. Se faire tuer comme au casse-pipes, les mains attachées, avec comme seul fait d’armes celui d’avoir des convictions !? Mais les convictions, c’est comme le trou du cul : tout le monde en a… pas seulement les héros ! L’idée est peut-être, en pinaclant une victime absolue (un quasi-enfant désarmé, prisonnier, innocent), de donner un miroir compatissant à la jeunesse française déjà bien auto apitoyée. Dans une époque où un malabar de 20 ans en pleine santé est capable de prétendre qu’il n’y a pas d’avenir, à quoi sert vraiment de statufier un pauvre garçon, un loser, comme Guy Môquet ?

Pour ce qui est de l’édification historico-nationale, le choix de Môquet est tout aussi curieux. C’est un fils de communiste, et communiste lui-même comme on l’était alors : passionné, absolu, fanatique. Son idéal, comme beaucoup de gens sincèrement convaincus à l’époque, c’est l’Internationale. Ce projet désuet est-il vraiment un exemple de nature à renforcer la cohésion de notre micro nation ? Pourquoi ne pas avoir choisi un combattant comme Missak Manouchian, étranger de naissance ayant servi la France en le payant de sa vie, par ailleurs auteur d’une lettre d’adieu aux siens qui révèle une grandeur d’âme incomparable (c’est un avis personnel) ? C’est clairement parce Môquet n’a tué personne qu’il est choisi comme emblème : réussir à devenir un héros en temps de guerre, mais sans tuer d’ennemis. C’est la gageure que la France du Bien a réussie grâce à la finesse présidentielle. Vaincre, mais sans qu'il y ait de vaincus ! Un héros aux dépens de personne, juste un mec qu’on butte contre un mur pendant qu’il crie maman ! C’est la traduction française de la tradition euphémisante qui permit à des bombardiers titanesques de ne pratiquer que des frappes chirurgicales dans une récente guerre télévisée...

L’utilisation de la lettre de Guy Môquet à des fins de galvanisation sportive a montré ses limites il y a peu de temps. Elle montrera ses limites sociétales bientôt. Dans quelques années, on se souviendra de cette première période de règne Sarkozien comme d’un rêve, un moment abstrait où tout le monde savait bien qu’on ne gagne pas un match de rugby en se ramollissant le cœur à l’évocation d’une vie brisée, où chaque citoyen avait parfaitement compris que les héros sacrificiels du passé ne sont plus d’aucune utilité dans la France de Laure Manaudou, de Marc-Olivier Fogiel et des sports d’hiver, mais où le Président de la République et les journaux continuaient de faire comme si.

mardi 23 octobre 2007

Drapeau blanc européen

C'est petit mais c'est vert.

Pour remplacer le Traité constitutionnel européen refusé par la France et les Pays-Bas il y a deux ans, on nous propose un Traité simplifié. Bon. Il fallait s’y attendre, on n’allait quand même pas rester devant ce fiasco comme des poules devant la Joconde. Les eurobalèzes spécialistes de ce genre de littérature juridique ont cru bon de supprimer du nouveau texte toute référence à un drapeau et à un hymne européens. Ils ont dû penser que drapeaux et hymnes n’étaient plus utiles que les soirs de matchs de football, de rugby, de tennis, enfin ces divertissements de beaufs où des foules hilares et menacées d’obésité viennent faire du raffut autour d’une élite jeune, riche, bondissante et totalement inculte. Ce projet sans drapeau et sans hymne se place d’ailleurs dans la continuité d’une monnaie européenne où les références réelles (du monde réel, concret) ont disparu (à l’exception parfois d’une tête de monarque sur les pièces des pays encore assez archaïques pour se payer un roi, et qui n’ont pas compris que l’Europe se faisait sans les hommes, fussent-ils grands ou historiques). Les portes et les ponts (imaginaires) qui décorent nos billets furent présentés comme des symboles, jugés préférables aux symboles qu’auraient pu représenter les tronches de Charlemagne, de Michel-Ange, de Shakespeare, d’Einstein ou de Sophia Loren. Question de point de vue, me direz-vous si vous êtes vraiment prêts à tout. Mais alors, si on a jugé utile et bon d’utiliser des supersymboles (même affreux) quand il fallait décorer une monnaie, pourquoi mépriser à ce point la force des symboles lorsqu’il s’agit de trouver un hymne et un drapeau communs ?

La question fut âprement débattue. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, dans tous les pays, ce furent les groupes dits de gauche qui semblèrent le plus attachés à ces poussiéreux vestiges de l’Histoire. Et c’est probablement parce qu’ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur l’adoption d’un drapeau et d’un hymne que ces europragmatiques ont préféré ne pas en avoir du tout. Méthode qui promet.

Les quelques indiscrétions qui ont filtré nous permettent de nous représenter la vigueur des débats, entre les tenants italiens, bulgares et tchèques du Printemps de Vivaldi comme hymne commun, ceux du Parsifal de Wagner (Allemagne, Luxembourg, Grèce et Espagne), les partisans du Messie de Haendel (Belgique, Roumanie, Hongrie, Pays-Bas et Grande-Bretagne), et ceux de la version instrumentale du Paradis blanc, de Michel Berger (France, Lettonie, Chypre, Slovénie et Malte). Les Lithuaniens, pour leur part, restèrent isolés de bout en bout en soutenant Radioactivity, de Kraftwerk (Ralf Hütter, co-fondateur du groupe, est parent d’un représentant lithuanien...)

La question du drapeau fut plus simple. En bon cartésiens, les français menèrent les débats, cadrèrent les enjeux, définirent les objectifs et les priorités. Après quelques échanges, il apparu qu’aux yeux de tous, une couleur devait être bannie de l’espace européen, même symbolique : le rouge. Trop de sang sur les mains, le rouge, « trop de testostérone », plaisanta même Jean-Claude Junker. L’arc-en-ciel propose assez de variantes pour qu’on passe des années en eurotergiversations autour des couleurs d’un drapeau. A Bruxelles, des problèmes s’enlisent pour moins que ça. Le sort des autres couleurs fut réglé en un seul paquet, si l’on peut dire, au sens où elles cédèrent la place sous le poids d’un seul argument : « […]quelle est la couleur de l’espoir, quelle est celle qui représente le mieux la nature qui nous fait vivre et qui doit redevenir l’écrin où les perles humaines prospèreront, quelle est celle qui n’est entachée d’aucun héritage belliqueux, quelle est celle qui est naturellement répandue sur les prairies du globe, sur les cimetières où nous finirons, sur les terrains de sports de notre jeunesse ? » demanda le représentant français exalté de la Commission. Le vert. Oui, les français proposèrent que le drapeau européen soit uniformément vert, sous les acclamations de leurs collègues.

Pour emporter les suffrages comme une bourrasque emporte le bois mort, les français proposèrent même de donner l’exemple en se faisant fort d’obtenir une modification de la Constitution française sur le sujet, et l’abandon du fameux drapeau tricolore, qui est pourtant le plus beau et le plus envié du monde. La quasi unanimité était faite, l’affaire semblait dans le sac, le sujet clos. Mais deux jours plus tard, un représentant bulgare fit sensation en rapportant des rumeurs yéménites : dans le Golfe, on commencerait à s’offusquer de la « colonisation de la couleur verte [couleur de l’islam] par les croisés européens ». Un haut fonctionnaire turc, interrogé sur l’affaire et semblant la découvrir à l’instant, déclara qu’il ne savait pas le détail du scandale mais que, « tant que la Turquie est repoussée à la porte de l’Europe, celle-ci n’a pas le droit de se dire islamique ! »

« Devant la menace, même informulée, du Yemen, l’Europe affaiblie ne pouvait pas se permettre de courir le risque de l’affrontement et de menacer ses intérêts économiques vitaux ». A. Merkel.

samedi 20 octobre 2007

le génie de Gary Larson



Personne ne sait vraiment pourquoi un homme comme Jacques Chirac a pu séduire la France au point de devenir, par deux fois, Président de la République. Ni pourquoi, ni comment, ce mystère nous dépasse et, j’en prends le pari, il laissera les historiens sur le cul. La chose est comparable avec Gary Larson.

Les dessinateurs étrangers traduits en France sont souvent des dessinateurs de bande dessinée, assez rarement des dessinateurs de daily comic strip. Mais il est curieux que le meilleur d’entre ces derniers soit justement le moins connu chez nous. C’est un mystère qui ne s’explique pas plus que celui du règne chiraquesque.

Rapidement, pour situer le bonhomme : il est né en 1950 sur la côte ouest, il a commencé à publier des dessins dans le Seattle Time en 1979, puis dans d’autres journaux dont le San Francisco Chronicle, sans interruption jusqu’à sa retraite en 1995. Son œuvre doit être vue comme elle fut construite : un exercice quotidien, une plongée dans un monde personnel (le sien) parfaitement cohérent.

L’humour de Gary Larson est fait de quelques grands principes qu’il décline avec virtuosité, et de quelques personnages types qu’on retrouve plus ou moins modifiés tout au long de l’œuvre. Parmi ceux-ci, des figures typiquement américaines (cowboys), des matrones domestiques dictatoriales, des savants qui semblent totalement tombés en enfance, des débiles innocents, des hommes préhistoriques et des explorateurs paumés. L’ensemble de cette population est en permanence confrontée au personnage principal de Larson : l’animal. Là où Disney utilise des lions ou des ours pour en faire de gentils compagnons des enfants, Larson introduit l’animal comme miroir de nos comportements, c'est-à-dire comme source inépuisable d’inquiétudes, de dysfonctionnements et surtout de grotesque. Quand un explorateur et un crocodile se rencontrent, chez Larson, ils ne vont pas se mettre à danser ensemble en clignant des yeux face caméra, l’explorateur va se faire bouffer et ça va nous faire rire.

"Par Jupiter! Nous l'avons trouvé, Simmons!...
La mystérieuse aire de jeux des éléphants!"

Les animaux sont utilisés de plusieurs façons, soit une scène les montre seuls dans des situations typiquement humaines, soit humains et animaux sont mélangés comme si de rien n’était (des hommes et des cochons dans un restaurant, c’est courant), produisant toujours un déséquilibre qui touche. On peut même dire que Larson dépasse ce principe en utilisant aussi des personnages végétaux : c’est le monde sauvage qui est ici montré à notre place (des carottes au petit matin tapinent en aguichant un homme céleri, par exemple).

Dans le monde de Larson (le Far Side), la catastrophe est là, imminente, souvent cruelle, souvent noire ou burlesque, et toujours grotesque. C’est un des ressorts de son humour. C’est aussi pourquoi les savants (je préfère parler de savants, à l’ancienne, que de scientifiques pour désigner ses personnages, allez voir pourquoi) en sont des acteurs familiers : ils représentent l’effort jugé risible de l’homme pour échapper à la sauvagerie et à l’anarchie du monde. Les dessins les mettant en scène sont sûrement ceux qui définissent le mieux la vision Larsonienne de l’humanité : de grands enfants doués, totalement bordéliques, que leurs instincts ramènent toujours vers le chaos et la farce.

Un fait curieux, les catastrophes qu’on voit se réaliser sous nos yeux sont toujours sources de rire. Il montre ce qui arrive quand une logique est poussée à bout, ou quand un élément habituel est remplacé par l’étrangeté imprévue, mais sans aucune noirceur. Larson rit de tout, avec tout le monde, car il sait bien que la lutte est ce qui définit le mieux la vie. Il ne s’en formalise pas, et la « cruauté » ne l’intéresse que dans la mesure où elle est drôle. Il semble nous dire que finalement, nous allons tous (plus ou moins abruptement) vers notre destin, qui est d’y passer. Pas de quoi en faire un plat.

Son oeuvre est abondante, d’une constante tout à fait exceptionnelle dans la qualité, et il serait vain d’essayer de la saisir autrement qu’en la lisant. Sa puissance est tout à fait hors de proportion avec les dessinateurs que nous avons par chez nous. Il n’y a ni Cabu, ni Wolinski, ni Bosc, ni Reiser ni personne qui puisse lui être comparé. Depuis quelques années seulement, une petite partie de son travail est disponible en français. Je recommande pourtant de l’acheter en anglais : sans avoir un niveau formidable, on peut parfaitement s’y retrouver (disons avec un bon niveau terminale) et elle est moins chère... Andrews and McMeel l’ont compilée en quelques tomes. En revanche, son site est un des plus merdiques du monde Web : il doit s’en foutre énormément (. http://www.thefarside.com/)

mardi 16 octobre 2007

Gisement de fraise pour toujours

Cheveux. Paix. Lit. Paix.

Je ne peux pas résister. Une TAO (traduction assistée par ordinateur) est toujours susceptible d'apporter de la joie. Elle ne traduit jamais que ses propres tares.

En passant, elle démontre combien ce splendide outil qu'est l'ordinateur est surtout efficace pour les tâches simples (mathématiques, calculs époustouflants, compilation). Pour la vraie difficulté, LE LANGAGE, il fait rire l'univers entier. Et on ne parle ici que d'une chansonnette des Beatles...

Gisements de fraise pour toujours

Laissez-moi vous prendre vers le bas,
'cause que je vais aux gisements de fraise.
Rien n'est vrai et rien à obtenir le hungabout.
Gisements de fraise pour toujours.

La vie est facile avec des yeux fermés,
mal comprenant tous vous voyez.
Elle obtient dur d'être quelqu'un mais elle que tout établit,
il n'importe pas beaucoup à moi.
Laissez-moi vous prendre vers le bas, 'cause que je vais aux gisements de fraise.
Rien n'est vrai et rien à obtenir le hungabout.
Gisements de fraise pour toujours.

Personne que je pense n'est dans mon arbre,
je veux dire qu'il doit être haut ou bas.
C'est vous ne peut pas vous savoir l'air dans mais il est tout exact,
c'est moi pensent que ce n'est pas trop mauvais.
Laissez-moi vous prendre vers le bas, 'cause que je vais aux gisements de fraise.
Rien n'est vrai et rien à obtenir le hungabout.
Gisements de fraise pour toujours.

Toujours, aucun parfois, pensez elle est moi,
mais vous savez que je sais quand c'est un rêve.
Je pense je sais je veux dire des 'ouis mais il est tout erroné,
cela est moi pensent que je suis en désaccord.
Laissez-moi vous prendre vers le bas,
'cause que je vais aux gisements de fraise.
Rien n'est vrai et rien à obtenir le hungabout.
Gisements de fraise pour toujours.
Gisements de fraise pour toujours.

Ce qui donnait à l'origine ceci :

Strawberry fields forever

Let me take you down, 'cause I'm going to Strawberry Fields.
Nothing is real and nothing to get hungabout.
Strawberry Fields forever.

Living is easy with eyes closed, misunderstanding all you see.
It's getting hard to be someone but it all works out, it doesn't matter much to me.
Let me take you down, 'cause I'm going to Strawberry Fields.
Nothing is real and nothing to get hungabout.
Strawberry Fields forever.

No one I think is in my tree, I mean it must be high or low.
That is you can't you know tune in but it's all right, that is I think it's not too bad.
Let me take you down, 'cause I'm going to Strawberry Fields.
Nothing is real and nothing to get hungabout.
Strawberry Fields forever.

Always, no sometimes, think it's me, but you know I know when it's a dream.
I think I know I mean a 'Yes' but it's all wrong, that is I think I disagree.
Let me take you down, 'cause I'm going to Strawberry Fields.
Nothing is real and nothing to get hungabout.
Strawberry Fields forever.
Strawberry Fields forever.

Trouvé sur
http://www.lyricsfreak.com/


lundi 15 octobre 2007

Des drones pour la vie

Un drone moche

Nous avons appris récemment que le ministère de l’intérieur envisageait d’utiliser des drones pour surveiller les « zones sensibles », banlieues chaudes et manifs diverses. De petits avions furtifs équipées de cameras (non, les gaz de combat, MAM le jure, c’est pas pour tout de suite) pour faire du renseignement opérationnel depuis les airs. Bien sûr, certains dénoncent l’utilisation de matériels militaires pour traiter des problèmes civils, oubliant que les armes à feu, les gilets pare-balles, les casques, les jumelles à intensificateur de lumière sont par essence des objets d’origine militaire. Passons.

De source bien informée, on nous fait savoir que la mairie de Paris utilise déjà des drones, appelés Pacificator (Petit Auxiliaire Commandé Informatiquement, Furtif, Invisible, Capable d’Alerter sur les Troubles à l’Ordre Républicain) depuis deux ans. Il ne s’agit pas d’un drone proprement dit, mais d’un système espion pouvant être embarqué sur des drones de types différents. La première utilisation (été 2005) fut faite dans le cadre de Paris-Plage. Un sous-marin automatique surveilla les bords de seine, renseignant les autorités sur la fréquentation des berges (et donc sur les moyens à mettre en face pour que l’ordre, même discret, règne), sur les pugilats et les vols de sacs de plage. Une attention toute particulière fut accordée dès cette année aux bousilleurs de tous genres, notamment les tagueurs, canaille réputée ennemie personnelle du responsable de la sécurité de l’opération. Quelques viols furent empêchés, « mais pas les tripotages », nous apprend-on.

Pacificator aux abords de l'île Saint Louis. 25/07/2005.

Bien que l’info n’ait pas été confirmée pour l’instant, nous savons que Pacificator est également employé pour la surveillance de certaines terrasses de cafés et des abords de cinémas à titre expérimental. Monté sur un minuscule engin volant (de la taille d’une grosse libellule, en moins bruyant), ce système envoie des informations aux commissariats voisins de ses lieux de chasse, sous forme de vidéos et de sons. Il est désormais techniquement possible de capter des conversations à plus de dix mètres de distance (grâce à un système directionnel mis au point chez Vlangare à Taiwan) et surtout de faire le tri entre les paroles anodines (conversations sur le foot, sur les embouteillages et les barbecues) et les conversations sensibles (gloses sur l’actualité politico sociale, controverses philosophiques et projet d’assassinat d’innocents). En temps réel, un ordinateur « comprend » ce qui se dit (en réagissant à des mots-clés) et bascule la bavette dans la case des « enregistrées » ou dans celle des « non sensibles ». L’image suit le même traitement.

Le tout premier essai de ce type de surveillance fut réalisé du 4 au 30 octobre 2005 aux terrasses des cafés des abords de la Sorbonne, mais la teneur trop systématiquement révolutionnaire des conversations englua le dispositif, et les disputes, à l’analyse, furent jugées peu sérieuses.

Méfiance...

Nos ancêtres les Gaulois

Le Galate mourant. IIIème siècle av. J.C


On aurait pu dire nos ancêtres les Romains, nos ancêtres les Germains, nos ancêtres les Francs, le problème reste le même. Je m’explique.

Depuis pas mal d’années, on se moque de la formule qui m’a servi de titre au prétexte qu’elle est fausse, simplificatrice et, par-dessus tout, qu’il y a dans les écoles de France beaucoup d’enfants dont les ancêtres NE SONT PAS des Gaulois. C’est une erreur fondamentale ou, au mieux, un malentendu.

Quand on apprenait aux gosses que leurs ancêtres étaient des Gaulois, on ne prétendait pas faire la généalogie précise de chacun d’entre eux. Cent mille écoliers ont forcément cent mille généalogies différentes. Par cette formule, on prétendait dire qu’EN TANT QUE FRANÇAIS (c'est-à-dire membres de la Nation), nous avons des ancêtres, dont les Gaulois, ceux qui habitèrent ce pays il y a plus de vingt siècles, et qui continuèrent d’ailleurs de le faire, sous d’autres appellations (croyez pas qu’ils ont soudain disparu en tant qu’individus). Les ancêtres des Français actuels, d’un point de vue territorial, sont les Gaulois, et tous les autres peuples qui ont successivement campé ici. Historiquement, la formule est incomplète, fausse, réductrice, elle s’apparente au mythe, oui, mais il ne faut pas se tromper sur ce qu’elle signifie profondément. Elle s’adresse à chaque petit citoyen actuel en lui disant que ce pays existe depuis un paquet d’années en tant que tel, que des gens y ont vécu, comme nous le faisons aujourd’hui, et ces gens-là sont forcément nos ancêtres. Pas génétiquement, pas ethniquement, mais « nationalement ».

En tant que Français, je me sens tout à fait descendant des Romains, par exemple et entre autres. Je suis né à Lyon, à un kilomètre du théâtre antique, et je ne vois pas pourquoi je refuserais cet héritage. Parce que mes parents ne viennent pas de Rome ? mais ce serait un hors sujet complet ! Et que signifie, à l’échelle de l’Histoire, l’origine des parents d’un pauvre type comme moi ? Celui qui, en tant qu’individu, veut en savoir plus long sur ses ascendants a toujours la possibilité de faire des recherches généalogiques. Ce n’est quand même pas l’école qui va se charger de ça, et pour chacun d’entre nous en plus !

La question tourne en réalité autour de ce qu’on appelle une Nation. Sans être forcément « nationaliste », on ne peut pas faire l’impasse sur le fait que nous vivons dans un système appelé Nation. La Nation française repose sur ce qu’on appelle une communauté de destin. En clair, qu’on soit Savoyard, Piémontais, Polonais, Togolais (c'est-à-dire qu’on soit originaire d’un « ailleurs » plus ou moins lointain), on accepte de partager son destin avec les autres membres de la nation à partir du moment où on devient « français ». Ça ne signifie pas que notre arbre généalogique personnel soit subitement modifié, ça veut dire qu’on ne parle plus de ça, ou que ce n’est pas le sujet. Gambetta ou Mac Mahon, ou Bonaparte, ont des noms qui fleurent bon l’étranger, ce qui ne les empêche pas de faire partie de l’Histoire et de la nation françaises.

Prétendre que l’école doit apprendre aux enfants dont les parents viennent d’Afrique ou d’Asie que leurs ancêtres sont les Béninois ou les Cambodgiens, par exemple, revient à introduire une idée ethnique dans un système qui veut justement dépasser cette question archaïque. On ne peut pas à la fois être universaliste, vouloir abolir les différences de traitement selon l’origine « ethnico raciale » des citoyens, et ne parler que de leur origine ethnico raciale, à tous moments et dès l’école primaire ! Faire partie de la Nation, c’est faire théoriquement COMME SI les ethnies n’existaient pas. Ça paraît gonflé, mais c’est exactement ça. Et dans tous les pays où on ne fait pas ça, les problèmes se traduisent toujours en termes ethniques (un peu comme on commence à le faire en France depuis quelque temps). La merde. D’ailleurs, si on extrapole la situation actuelle des échanges entre les peuples, on peut prédire qu’au bout de quelques siècles de mélanges et de migrations intenses, les ethnies proprement dites disparaîtront. Autant ne pas se fier à cette réalité changeante…

Je propose d’ailleurs aux lecteurs de cet article de faire un petit exercice, pour que chacun puisse relativiser la notion de racines, autrefois exclusivement réservée aux poireaux, aux pissenlits, aux platanes et autres molaires, mais qu’on entend évoquer à tout bout de champ, sous prétexte d’exactitude. Voilà :

Chacun d’entre nous a deux parents (réels, génétiquement parlant), quatre grands-parents, huit arrière grands-parents, etc. Si on considère qu’il y a une génération tous les 25 ans, nous avons quatre générations par siècle. Un gosse né en l’an 2000 a donc sur un siècle 2 parents + 4 grands-parents + 8 arrière grands-parents +16 arrière arrière grands-parents ascendants, c'est-à-dire trente personnes qui ont fait génétiquement qu’il existe. Sur un siècle donc, 2 exposant 4 ascendants. Si on veut remonter jusqu’en l’an 1500, ce qui n’est pas de la haute antiquité, nous avons 2 exposant 20 ancêtres, c'est-à-dire 16 777 216 gugusses ! Que celui qui croit connaître ses ancêtres vienne me donner les noms de ces millions de papys, pour voir ! et leur ethnie, leurs opinions, leur religion, le pays où ils ont vécu, et s’ils avaient les yeux verts !

Non, on voit par un simple calcul que les limites de notions comme origines, racines, race, ethnie, sont vite atteintes : il s’agit pour une grande part d’un MYTHE auquel on se raccroche (genre « ma famille vient de Bretagne », qui signifie souvent que les grands-parents viennent de là-bas, au mieux qu’on a fait des recherches et qu’on a trouvé des noms sur quelques centaines d’années, des noms le plus souvent masculins, ce qui exclut mathématiquement des millions d’ancêtres féminins, et qui de toutes façons ne remontent pas bien loin si on considère que chacun d’entre nous à forcément des ascendants depuis des millénaires !). Et ce mythe est le plus fragile qui soit, pour peu qu’on y réfléchisse : un individu issu d’un peuple très homogène, par exemple un Japonais, qui fait un enfant avec un individu issu d’un peuple hétérogène, Américain, Français, Turc, Colombien, etc. produit donc immédiatement un enfant dont l’origine ethnique se perd pour moitié dans le labyrinthe du temps et des hasards, c'est-à-dire un enfant qui n’a plus d’ethnie proprement dite. C’est fini. Or c’est qui nous arrive à tous, ou ce qui nous arrivera à travers nos enfants.

La question des ancêtres d’un individu est donc une question privée qui touche à la croyance, à la représentation, au mythe. L’école ne peut pas en parler, sinon pour en rappeler justement les limites. Elle doit en revanche apprendre à ses jeunes citoyens que les gens qui vécurent ici furent successivement des Gaulois, des Romains, etc. Simplement l’histoire du pays, merde !

A cette liste, nos descendants dans deux siècles ajouteront probablement des Vietnamiens, des Turcs, des Marocains, des Portugais, etc. c'est-à-dire que la liste sera tellement longue qu’elle perdra peut-être à leurs yeux tout sens.

samedi 13 octobre 2007

Les muscles du ministère



Ne niez pas : beaucoup d’entre vous sont allés jeter un œil discret et fébrile sur le calendrier du XV de France. Une brochette de malabars passés à la gonflette, huilés, cambrés comme des sirènes, c’est un spectacle qui ne se refuse pas.

Chacun sait par ailleurs que le patron de cette équipe, Bernard Laporte, est pressenti pour un secrétariat d’Etat aux sports à partir du 21 octobre prochain.

Ce que beaucoup de gens ignorent, c’est que le futur secrétaire d’Etat avait proposé au gouvernement de réaliser un calendrier supplémentaire : un calendrier mêlant joueurs (force de frappe, jeunesse) et … ministres (sérieux, expérience) !

L’idée, qui peut surprendre au pays de Raymond Barre et de Jean-Pierre Raffarin, fut accueillie diversement par les responsables politiques, mais fut jugée « formidable et dépoussièrante » à l’Elysée. Dès lors, les réticences tombèrent une à une, en vertu du principe qui veut qu’on est beaucoup mieux vu du Chef si on évite d’avoir des opinions contraires aux siennes.

Les photographes spécialisés dans ce genre de chef d’oeuvre rassurèrent rapidement les novices : on peut mettre en valeur le corps d’un bureaucrate aussi facilement que celui d’un athlète trentenaire. Il suffit d’étudier la pose en fonction des avantages et des disgrâces du corps à traiter, d’avoir dans l’équipe des éclairagistes de génie, d’utiliser Fotochope comme un Stradivarius, et de répandre sur les fessiers flapis l’huile camphrée nécessaire pour les faire scintiller. L’affaire fut presque faite, mais…

Les révolutionnaires de l’image politique n’avaient pas prévu la persistance des préjugés sexuels.

Les rugbymen se foutent à poil entre eux, soit. Mais l’idée qu’apparaissent sur un même support glacé des joueurs sexuellement crédibles, des ministres hommes et des ministres femmes, non ! Madame Boutin fut la première à soulever le problème de cette affolante promiscuité, et bientôt tous les pudibonds s’engouffrèrent dans la brèche. Madame Bachelot prit aussitôt la tête de la résistance et se battit comme une lionne pour (selon certains) « au moins faire un petit essai perso, merde ! ». Les avis étaient partagés, les pour et les contre, en nombre presque égal, se faisaient face autour de la table du Conseil. On se traita de « gros cul » et de « mollets de coq »… Le revirement d’un seul fit pencher la balance dans le camp des réfractaires : fidèle au franc-parler qui l’a rendu célèbre et à une certaine idée de la constance en politique, le ministre des relations extérieurs lâcha un « me foutre à poil sur un calendrier alors qu’on a des bombardements en retard, mon cul ! ».

Voilà ce à quoi nous avons échappé. Le mélange prometteur de la politique et du spectacle sportif ne déclenche pas encore l'adhésion complète, contre toute attente. La France, dans cette affaire, a une nouvelle fois perdu l’occasion de se distinguer du reste du monde et surtout de définir pour lui, comme aux temps héroïques des révolutions, un nouvel horizon pour les siècles à venir.

Amen.

vendredi 12 octobre 2007

Eloge de Jerry Stobbart

Jerry Stobbart (http://police.lapin.org/)


Depuis que les Américains dominent le monde, certains domaines, certaines activités humaines semblent leur appartenir, tant leur maîtrise y est totale, tant leur inventivité donne le ton. Un show parfaitement réglé, par exemple, est toujours dit « à l’américaine ». Le comic strip fait partie de ces domaines. Ça explique peut-être que tant de gens croient avoir affaire à une traduction de l’américain quand ils tombent sur un strip de Jerry Stobbart. On se dit qu’un rythme aussi tendu, qu’une fantaisie si maîtrisée et qu’un humour si simplement bon ne peuvent venir que de là-bas. Devant une telle rigueur dans le rythme des gags, on n’imagine pas que l’auteur, ALE, est français comme tout le monde.

Le strip est il est vrai une discipline typiquement américaine. C’est peut-être aussi pour ça que les Ricains la dominent tant. C’est dans cette forme, entre autres, qu’ils ont développé leur humour particulier. L’idée de gag y est tout entière contenue : avec trois cases, faire rire. Cette condition impérative entraîne la plupart du temps un comique de répétition qui suppose des personnages bien définis, de forts contrastes entre eux, et l’imagination de l’auteur fait le reste. C’est ce que fait Ale à la perfection.

Jerry Stobbart est un flic, un flic de plus. Comme on peut s’y attendre, il n’est pas très intelligent, il foire tout ce qu’il tente, sa hiérarchie ne doit pas le trouver très rentable. Mais sa particularité est son caractère enfantin. Il n’est pas là, il ne se rend compte de rien, il joue.



Le mieux est encore de lire ses aventures en commençant par le début. On se familiarise avec les caractères de tous ces personnages curieux, tueur en série, l’infâme pervers Morlock, le cynique président, etc. Plus ça avance, plus ça part en couille : le burlesque dans son principe.

Ale tient aussi un blog de dessins sur l’actu qu’il faut absolument aller voir. Il y a un peu de tout, c’est visiblement selon son humeur. Un des derniers parus donne le ton.

http://jerry-stobbart.blogspot.com/

La gifle comme médiatrice citoyenne.

Piéton, vois l'ennemi !


Jusqu’à une date récente, un piéton qui voulait se faire renverser devait quitter le sanctuaire du trottoir et se jeter sur la chaussée, sous les roues des véhicules. C’est fini. Depuis quelque temps (quelques mois à Paris, deux ans et demi à Lyon), le piéton peinard n’existe plus. Avec la mise en place des Vélov et des Vélib, des milliers de cyclistes au rabais déferlent sur les trottoirs comme en territoire occupé, effrayant les enfants, renversant les vieilles dames, coupant les petits chiens en deux. Ces lâches veulent bien jouer les Che du transport-citoyen, mais sans prendre le « risque » de rouler à leur place : sur la chaussée. Et que je te klaxonne, et que je te siffle, que je t’hèle par derrière !

Il est vrai qu’il est plus gratifiant d’être cycliste urbain que piéton quand on veut afficher à la face du monde son désir de changer les choses, quoi ! quand on veut exprimer par son attitude une conscience citoyenne au top, quoi ! On arrivera bientôt à soupçonner le salaud qui reste à pied de ne pas être concerné par le problème de la pollution et des transports urbains… Et puis un type à pied est peut-être ne train de se diriger vers sa bagnole ! L’enflure…

Entre les horodateurs, les vélos-plus-belle-la-ville, les patineurs-concernés, les skateurs-free et les poubelles-citoyennes, le trottoir moderne rassemble en permanence tout ce qu’il faut pour gêner le quidam. Les bouchons, vous le verrez bientôt, ça sera sur les trottoirs ! Et la circulation des quelques derniers automobilistes en sera d’autant facilitée…

Personne n’irait jusqu’à dire que les vélos n’ont pas leur place en ville. Personne non plus, espérons-le, pour vouloir en exclure les piétons. Or, si ces derniers ne peuvent plus marcher en toute quiétude sur les trottoirs, où vont-ils donc aller ? (je rappelle qu’un piéton qui reste chez lui par peur de se faire bousiller sort immédiatement de la catégorie des piétons). Par conséquent, les cyclistes n’ont pas d’autre choix que de se tirer des trottoirs fissa, et en demandant gentiment pardon. Or, on en est de plus en plus loin.

Les héritiers de Mad Max

Soucieux de pondération et avide de proposer des solutions humaines aux tracas qui nous minent le moral, je suggère une solution qui fit ses preuves dans bien d’autres cas: la gifle.

Vous cheminez sur un beau trottoir bordé de boutiques formidables (chocolatiers, magasins de soutiens-gorge, etc.), vous sifflotez, jaloux du privilège qui vous permet d’avancer sans vraiment regarder devant vous, lorsqu’un « attention devant ! » vous somme de laisser le passage à un quinqua-citoyen ravi de son coup de pédale. Quand il arrive à votre hauteur, tendez la main : une bonne grosse baffe dans la gueule ! Le cycliste giflé perd souvent ses lunettes (il est myope, oui) et se vautre invariablement sans savoir ce qui lui arrive. Tant mieux. Profitant de sa chute, vous pouvez sadiquement fuir (vous lui retirer la possibilité même de se défendre !) au cri de Intifada ! ou Les trottoirs aux trotteurs !

A chacun de scander ce qu’il veut.

mercredi 10 octobre 2007

Tournante tragique à Orsay.

Le pont d'Argenteuil. Claude Monet.1874.


Cinq personnes viennent d’être arrêtées pour avoir fait une entaille de dix centimètres dans Le pont d’Argenteuil, célèbre tableau de Monet, qu’on pouvait voir jusqu’ici au musée d’Orsay. Une belle bande de cons qui disent s’être bourré la gueule et avoir pratiqué la boxe contre le tableau. L’enquête en dira plus, et plus précisément.

La liste des attentats contre les œuvres d’art est très longue. Sans remonter très loin, on se souvient de la mutilation d’une œuvre de Richard Tassel (La résurrection du Christ), coupée en deux en 2006 dans la collégiale de Beaune (cas de banditisme flagrant), du passage à tabac au musée de Milwaukee d’un David tenant la tête de Goliath, d’Ottavio Vannini, par un type qui ne supportait pas la violence de l’image, et qui décida qu’une bonne raclée allait rendre le tableau plus doux, ou d’un lapideur fou qui balança une pierre sur la Joconde en 1957, exigeant peut-être qu’on la voile, etc.

La Résurrection du Christ. Richard Tassel. 1618.

La question est assez rarement celle de la « valeur » de l’œuvre : les vandales sont dérangés par ce qu’ils veulent détruire. Le fait qu’ils soient très souvent eux-mêmes dérangés ne doit pas faire sous-estimer la puissance des œuvres. Les gens affirmant qu’une toile de De Kooning (par exemple) est un paquet de merde sont en quelque sorte révoltés par ce qu’elle représente, prouvant ainsi qu’elle n’est pas « rien ». Ce fut la même chose avec les impressionnistes, qualifiés de barbouilleurs avant que « l’œil commun » puisse les apprécier. On ne peut pas à la fois dénier tout caractère artistique à un travail et vouloir le détruire : on n’a jamais vu quelqu’un s’acharner contre une photo de Michel Drucker et ses enfants glanée dans Paris-Match ! Non, pour qu’un vandale existe, en dehors du vandale involontaire ou inconscient, le couillon qui ne fait pas attention qu’en labourant son carré de patates, il bousille des mosaïques antiques, pour qu’un vandale agisse, il faut qu’il ait conscience de s’attaquer à quelque chose de sacré, ou de sacralisé, et qu’il ne supporte pas. Il y a une forme de respect inversé dans le geste du vandale : les révolutionnaires ou les huguenots qui martelaient les têtes des saints aux portails des églises avaient le sentiment qu’il tuaient quelque chose de bien vivant, qu’il y avait une authentique force dans la pierre taillée. S’ils avaient considéré les statues comme de risibles gadgets, on les aurait encore. Idem pour les évangélisateurs destructeurs d’idoles indiennes en Amérique. Quand les Allemands bombardèrent la cathédrale de Reims en 1914, ils annonçaient qu’ils ne respecteraient plus rien après ça. S’étant attaqué à un des plus anciens symboles de la France (le couronnement des rois, symbole désuet et « désactif » en 1914, mais dont aucun français, même républicain, ne pouvait se foutre), ils inauguraient la guerre sans merci qui eu de si brillantes héritières et qu’ils goûtèrent si parfaitement par la suite.

La volonté de détruire une œuvre d’art est peut-être aussi à l’origine des coups de feu que Valérie Solanas tira sur Andy Warhol en juin 1968. Au lieu de s’attaquer à des œuvres proprement dites, Solanas tenta de détruire la personne qui, d’une certaine façon, représentait elle-même l’art à cette époque. On peut même se demander s’il n’y avait pas un fond de vandalisme dans Shoot, la performance de Chris Burden : un ami se place à quelques pas de lui, une carabine 22 long rifle en mains, et lui tire une balle dans le bras. Détruire (partiellement) l’œuvre que constitue son propre corps, le soumettre au danger de la disparition, à la violence des coups, le désacraliser enfin.

Shoot. Chris Burden. 1971.

Dans Fight club, le personnage de Jack, après avoir gratuitement défoncé la gueule d’un type, avoue avoir eu envie de « détruire quelque chose de beau ». Qu’une œuvre d’art soit jugée « belle » ou « laide », ne change rien à ce principe du vandale : détruire quelque chose de sacré.

lundi 8 octobre 2007

NON à la statue de Raymond Barre !

Le sculptural Raymond Barre

Comme vous le savez, Raymond Barre, récemment décédé, a été maire de Lyon. Il a même été maire de Lyon plus longtemps que Premier ministre. Bon. Etant moi-même lyonnais d’origine, je suis un peu au courant de ce qui s’y passe, notamment des projets qui parfois circulent dans les couloirs de l’hôtel de ville avant même d’être débattus. Et je veux ici parler d’un projet qui risque fort de devenir réalité si nous n’y faisons pas tous obstacle.

En deux mots : il s’agirait de débaptiser la place Bellecour (la plus grande place de Lyon, au cœur de la ville) et de lui donner le nom… de Place Raymond Barre. Ne croyez pas qu’un sentiment vulgairement politicien m’anime : je me fiche pas mal que Raymond Barre donne son nom à une place, une rue ou un lycée agricole. Dans cette affaire, c’est la place Bellecour (où, enfant, je venais jouer à la balle et pisser derrière les marronniers) qui m’importe : pas touche !

Et le plus beau n’est peut-être pas qu’on veuille changer le nom de la place, mais qu’on envisage aussi de remplacer la statue équestre de Louis XIV par… une statue du grand homme ! Monsieur Quatorze n’a peut-être pas été très bon pour faire baisser l’inflation, mais il n’a quand même pas mérité ça ! D’après ce que je sais, il s’agirait de trouver une autre place à la statue du Roi (plusieurs pistes sont envisagées, dont une dans le vilain huitième arrondissement, pour « apporter la culture là où elle est absente ») et de la remplacer d’ici la fin de l’année par une statue de Raymond Barre. Un projet qui est loin d’être marginal envisage même une statue EQUESTRE de Raymond ! Je ne sais pas si vous avez déjà vu un cheval, mais imaginer quoi que ce soit SOUS Raymond Barre est déjà vertigineux.

Si nous n’y prenons pas garde, nous nous réveillerons bientôt avec un attentat en plein milieu d’une des plus belles places de France.

Je propose donc à tous ceux que cette initiative terrorise de m’envoyer un message de protestation en commentaire (écrivez simplement un truc du genre « non à la statue équestre de Raymond Barre place Bellecour » ou développer comme bon vous semble).

Quel que soit le nombre de commentaires, je ferais suivre en envoyant ça au maire de Lyon au plus tôt.

Restons de toutes façons à l’écoute sur le web pour une éventuelle pétition unitaire.

jeudi 4 octobre 2007

Sarkozy chanteur


...on tombe la cravate


La France a un nouveau Président de la République. Depuis la rentrée, personne ne peut ignorer que ce président est partout, qu’il s’occupe de tout, qu’il donne des instructions pour tout, en un mot, qu’il dirige le pays. Rien à redire à ça puisqu’il a tout de même été élu pour bosser.

Si vous faites un tour sur sa page Myspace (http://www.myspace.com/nicolassarkozy) vous y serez surpris : la dernière connexion remonte au 22 août 2007, c'est-à-dire à un mois et demi ! Aucune activité pendant un mois et demi !? c’est de la catalepsie…

De source non officielle, on nous dit que la personne qui s’occupait de gérer la page du président a été jugée un peu molle, et que désormais, l’élu du peuple s’occupera PERSONNELLEMENT DE SA PAGE !! Imaginez le successeur de Louis XIV et du président Deschanel rentrant d’un voyage de trente-quatre minutes au Nicaragua et se jetant sur son ordi pour mettre à jour ses demandes d’ajout ! « Thx 4 the add !! »

Ce qu’il faut surtout savoir, pour ne pas être surpris quand ça arrivera, c’est que, fidèle à son hyper activité multiforme, l’Elyséen aurait décidé de se mettre à la chanson ! Vous ne rêvez pas, la chanson ! Il ne faut quand même pas s’attendre à ce qu’il entame une véritable carrière, mais le bruit circule qu’il aurait décidé d’enregistrer « Win La France » avec la Funky Liberale Crew, un groupe de jeunes mecs « apolitiques, mais pas de gauche », dit-on en haut lieu.

Il est probable que cet essai restera unique. L’éventualité d’un album complet a jusqu’ici été démentie. Il n’en reste pas moins qu’on peut s’amuser à imaginer un certain succès à l’entreprise, et, pourquoi pas, un statut d’intermittent du spectacle avant la fin de l’année pour un homme qui n’aura pas de mal à boucler ses 43 cachets.

mercredi 3 octobre 2007

La semaine de la dénonciation.

Connaissez-vous le nouveau concept d’une émission de télé à venir bientôt en France, appelée Allo Police (concept suédois, déjà vendu dans quinze pays, dont les USA)? Simple : vous avez sûrement entendu un voisin, quelqu’un du quartier, un habitué du bar d’en face tenir des propos scandaleux ou, pire, se conduire de façon inacceptable. Ça nous arrive à tous et, hélas, nous sommes souvent démunis devant la chose. Pas de panique désormais puisque la télé nous propose de faire d’une pierre deux coups en dénonçant l’individu à la police, et en gagnant un petit quelque chose. Ho là, pas la vraie police, non, on n’est pas des monstres, la police supplétive mise en place par la chaîne elle-même, qui ne possède pas réellement les pouvoirs d’une vraie police mais qui pourra, par l’éclairage public qu’elle braquera sur les « prévenus », orienter le travail de sécurisation de l’espace public que la police réelle n’a pas toujours les moyens d’assurer.

Premier avantage, donc, assainir l’espace public des remugles qui n’ont rien à y faire.

Deuxième avantage, donner la possibilité aux bons citoyens de faire connaître à un jury (lui aussi populaire) la portée de leur contribution au nettoyage moral de nos rues. Les dénonciateurs seront ainsi classés en fonction du bien collectif que leur action a permis de réaliser. Un barème indicatif permettra aux jurés de juger en toute sérénité, sachant qu’une marge de manœuvre non négligeable leur sera laissée pour apprécier les affaires en fonction de l’actualité du moment.

Pour que le succès soit automatiquement au rendez-vous et que l’opération ne perde pas le caractère festif que chacun souhaite dès qu’il s’agit de télévision, les lauréats ne se contenteront pas de l’assurance d’avoir rempli un devoir citoyen, ils gagneront de l’argent ou des voyages, parfois les deux.

D’après les observateurs spécialistes du monde de la télévision, toutes les chaînes françaises, à l’exception d’Arte et de la Cinquième, seraient actuellement en lice pour l’adaptation de ce concept. Avec une option « plus que favorable » pour le Service Public... démarrage prévu à la rentrée 2008.

(A titre d’information, quelques exemples de gens dénoncés dans les émissions déjà réalisées à l’étranger :

* un faucheur de maïs transgénique volontaire mais anonyme

* un chauffard qui roule trop vite

* un incendiaire de poubelle

* un fumeur (USA)

* un type qui ne paye pas ses impôts

* un prof homo

* un flic dépressif

* un citadin collectionneur de 4X4 (cinq véhicules)

* un musulman qui a giflé sa fille

* un jeune qui dit « se foutre » des Palestiniens

* un retraité qui insulte le Dalaï Lama au bistrot

* une jeune femme qui « n’a rien contre Fidel Castro »

* un étranger qui critique son pays d’accueil

* une famille de « sans-papiers »

* un antisémite

* un type qui se promène à poil devant sa fenêtre

* une femme qui va dans les supermarchés pour manger sans payer

* un couple membre d’une secte

* un touriste qui fréquente les bordels au Vietnam

* un lycéen qui dégrade les panneaux publicitaires

* un catholique intolérant

* une femme qui n’aime pas les nains