mercredi 14 novembre 2007

Les Restos du cul.

Avec le froid qui arrive, les Restos s'y remettent...

En 1985, Coluche créait les Restos du cœur, une tentative de réponse à un phénomène de l’époque : les « nouveaux pauvres ». Dans l’urgence, apporter de quoi manger à ceux qui sont dans la mouise, parer au plus pressé en attendant que les situations s’améliorent. Vingt-deux ans plus tard, la situation est différente, les pauvres n’ont plus rien de nouveau, et les Restos du cœur ne comblent plus tous les manques.

C’est la réflexion que Marthe Flanty et Gilles Boname se sont faite l’an dernier. Pauvres tous les deux (« pauvre moi-même, fils de pauvres, et fier de l’être ! »), ils ont pu constater à l’usage que la vie d’exclu prive certes des joies de la consommation, mais aussi de celles que donne la fréquentation d’autrui. « Quand on est pauvre, on rencontre peu de gens. On nous fuit », témoigne Madame Flanty. Et dans ce cadre de solitude, la vie affective ou sexuelle est souvent condamnée. Cette impression vécue est confirmée par une étude récente sur la sexualité des Français (Ipsos/ Laboratoires Maillebeaul-Signoras), mettant en évidence la diminution strictement parallèle des rapports sexuels et des revenus.

« Les gens donnent bien de la bouffe ! ». C’est à partir de cette constatation que l’idée des Restos du Cul est née. Pour donner aux exclus ce à quoi ils ont droit en tant qu’êtres humains, c'est-à-dire une vie sexuelle, la nouvelle association demande à chaque citoyen de venir aider les plus démunis. « Ça peut passer par une présence, dit clairement Gilles Boname en préparant le café, un peu de temps passé à discuter... Mais, bien sûr, rien ne remplace une bonne pipe ! ».

« Mon mari est directeur commercial dans une importante entreprise d’import-export. Il s’absente souvent deux semaines d’affilée… je suis très disponible.», « Militer, s’engager, ce n’est pas une affaire de mots. Je milite avec mon corps ! », « on se servait plus de la bite à papa, alors on s’est dit que si ça pouvait aider … ». On peut recueillir des douzaines de témoignages comme ceux-ci. Spontanément, comme si les appréhensions tombaient à l’idée de participer à une action collective pour le bien des plus faibles, les bonnes volontés surgissent, les manches se retroussent, ainsi que les jupes. Le RestoQ de Villeurbanne, près de Lyon a même été contraint d’affréter un car pour envoyer des donateurs se faire foutre à Oyonnax, qui manquait de volontaires. Jérôme Hulu, responsable du RestoQ de Pierrelatte (Drôme), a astucieusement utilisé ses compétences en informatique (c’est un ancien cadre de HP, jeté à la rue il y a 25 ans) pour mettre au point un planning précis des rotations. « Les gars sont pas inépuisables… trois jours après l’ouverture, y’avait plus moyen de les réveiller ! Comme dans un buffet, ils se sont jetés sur la marchandise, et maintenant, y z’en peuvent pu… Si on n’espace pas les visites, on va avoir des morts ! ».

On sait bien que la France compte d’énormes réserves de désirs inassouvis, de libidos sous le boisseau et de charité. Satisfaire les trois à la fois pourrait redonner confiance à ceux qu’on aide, mais aussi à ceux (et celles) qui se consacrent aux autres. Mais ces actions admirables, chose nouvelle, se font en dehors de toute idée commerciale, ce qui a littéralement scandalisé Putes de France, le principal syndicat professionnel des prostituées. Une altercation a même récemment opposé sa présidente à Marthe Flanty. Devant les accusations de dumping qui lui étaient faites, cette dernière a accusé le « Putanat français » d’avoir « honteusement profité de l’euro pour se goinfrer », accusation grave qu’elle a ponctuée d’un « Coluche n’avait rien contre le cul ! », avant de s’en aller.


"Les pauvres ont bien d'la chance"

Martin Hirsch a été averti de cette initiative (en privé, il l'aurait trouvée formidable) et parle déjà de "dépoussiérer la loi Coluche en étendant ses dispositions aux dons en nature, la nouvelle réalité de la France qui donne". Bravo.