lundi 31 décembre 2007

L'année 2007 comme si vous l'aviez vécue.



Cette année se termine dans l’indifférence générale. Il semblerait que rien d’elle ne doive survivre au temps qui passe. C’est dommage, car il n’a pas manqué de personnalités pour ponctuer ses moments intenses de témoignages, de prédictions, de jugements, de prophéties même, qui seront pour les siècles à venir les repères de l’humanité, amen.

Fidèle à mon principe de vérité, d’authenticité et de transparence, je livre ici le meilleur des meilleurs d’entre nous. Tous ces mots sont naturellement des citations vérifiées, recoupées, l’expression exacte de la voix de cette année 2007 qui nous manquera beaucoup, et dont j’espère qu’elle vous permettra de vivre la suivante encore plus peinards.

Fillon : « On en saura beaucoup plus sur la pauvreté quand on y sera tous : une nation d’experts ! »

Besancenot : « Hé ! ho ! j’ai appris un nouveau mot lors du dernier bureau central du Parti : anticonstitionel, heu, anticontutitio, antonsticussionellem, mmerde ! anticonstructionellement, ah, y’ m’ont eu ! m’ont r’filé un mot trop dur ! »

Madelin : « Le libéralisme, c’est comme la Star’ac : tout le monde dit que c’est con, mais ça marche ! »

Le Pen : « j’ai donné un œil à la défense de mes convictions. Je suis prêt à donner le second pour diriger la France. »

Hollande : « Je n’ai jamais fait de chirurgie esthétique, mais j’avoue que j’ai modifié mon blaze : avant, je m’appelais Belgique. »

Fabius : « Si vous continuez à ne pas croire que je suis de gauche, putain, je m’encarte à l’UMP ! »

Benazir Bhutto : « Chauffeur, attention ! Mais, que fait cet homme avec cette mitraillet... argh !… »

Sharon : « Je suis pas mort et j’vous emmerde, bande d’antisémites ! »

Bush : « J’peux pas venir aux obséques de Benazir Bhutto, j’ai guerre c’t’aprèm… »

Christine Lagarde : « L’économie, ce n’est pas difficile pour moi : c’est Juppé qui m’a tout expliqué. » »

Bayrou : « Monsieur Sarkozy gagne les élections sans coup férir : ce n’est pas ma conception de la politique. »

Bartabas : « Des excuses à la direction des affaires culturelles de Paris ? J’en parlerai à mon cheval. »

Raffarin : « C’est toujours quand elle est sur la défensive et qu’elle recule que la France tourne le dos à l’avenir de son histoire. »

Ségolène Royal : « … et je vous le dis, chers amis, le socialisme a besoin d’une bonne maquilleus… mais QUI a écrit cette phrase ? »

Allègre : « J’ai le faciès d’un cochon, les sourcils d’un gorille, des cheveux en balai à chiottes et vous voudriez que je croie au réchauffement climatique, comme tout le monde ? »

Johnny Hallyday : « Heu, je suis plus tout jeune, et pour pas risquer d’affronter la canicule pour ma tournée d’adieu en 2008, la prod a décidé qu’on ferait la tournée d’été en novembre. Ouais, en novembre, l’été est moins chaud. Ça, je le sais, ça ! »

Jospin : « Puisqu’on ne me pose plus de question, je refuse d’y répondre ! »

Jack Lang : « Benazir Bhutto… Benazir Bhutto… en France, il faut se faire assassiner pour que les médias se remettent à parler de vous ! »

Chavez : « Le peuple vénézuélien a décidé par référendum que je ne pourrai pas rester président du pays plus longtemps. Mais rien ne m’interdit de me faire élire en Colombie ! »

Chirac : « Je suis innocent, monsieur le juge !… quoi ? Pourquoi vous vous marrez, tous ? »

Carla Bruni : « Sur mes relations avec Nicolas Sarkozy non plus, vous ne m’entendrez pas. »

Finkielkraut : « Il fut un temps, pas si ancien, où l’on se levait à l’entrée du professeur dans la salle de classe. Aujourd’hui, j’arrive sur un plateau de télé dans l’indifférence générale. C’est odieux. »

Sarkozy : « Pour cette fin d’année, j’ai finalement décidé de ne pas prendre mes vacances dans la maison que me prêtait un bon ami pakistanais. Je vais plutôt partir du côté de Brégançon. »

Balasko : « Quand on parle de Téléthon, c’est pas forcément que je passe à la télé. »

Tapie : « Je suis de gauche et je vous affirme que Sarkozy est un type formidable. Faites-moi confiance. Est-ce que je vous ai déjà menti ? »

Ségolène Royal : « Personne ne me demande où et avec qui je passe mes vacances de fin d’année ? Hum ? »

Mickey : « J’ai rencontré le président Sarkozy. Il est pas si petit que ça ! »

Sardou : « Virer 50% du Botox que j’ai sur le front ?! JAMAIS ! J’en ai rien à fout’ de perdre du poids ! »

Fadela Amara : » Me traiter de grossière parce que j’ai dit « dégueulasse », faut vraiment être un fils de pute ! »

Drucker : « Je préfère finalement que Nicolas soit élu, parce que c’est sûr que j’aurais jamais pu faire de vélo avec la Royal. »

Hillary Clinton : « C’est vrai, j’ai milité pour l’égalité des droits civiques, mais j’étais jeune, je ne pouvais pas prévoir… et, c’est sûr, c’est vraiment irréversible, dîtes-vous ? »

Chirac : « Putain, je suis tombé sur un juge qui a pas dû être en France depuis 1995 : il prétend que j’ai fait ceci, que j’ai fait cela, alors que tout le monde sait que j’ai passé douze ans à l’Elysée sans rien faire du tout, merde !»

BHL : « Je n’ai pas encore lu mon dernier livre, mais je pense qu’il est très bon. »

Poutine : « Je veux bien quitter le pouvoir, mais je reste au Kremlin et c’est moi qui commande ! »

Jack Lang : « Je propose la création d’une fête spéciale pour célébrer la fin de 2007 pendant les décennies à venir : ça serait tous les 31 décembre, au soir. Quoi ?! J’ai dit une connerie ? »

Raffarin : « Les clés du problème des retraites sont dans la boîte à gants du train de réformes engagées, mais c’est à l’aiguilleur de faire pencher la balance du côté de l’allègement. »

Julien Gracq : « Voyez comment sont les médias : je suis mort depuis une semaine et personne n’est encore venu me proposer de passer chez Taddei ! »

Noah : « J’ai dit des conneries sur Sarko, je ne quitterai jamais les Français. Regardez : je chante des conneries, je pose en slobard sur les abribus, et je suis encore leur préféré… »

Bernard Laporte : « Regretter le monde du rugby ? un peu : six mois que je suis au gouvernement et personne ne m’a accompagné sous les douches. »

Danielle Mitterrand : « Un nouvel homme d’envergure pour la France ? J’en vois un : mon premier ministre, Pierre Mauroy ! »

Hillary Clinton : « Ah, cette pipolisation nous tuera. Les rumeurs colportées par une certaine presse sont absolument fausses : je ne vis aucune idylle avec François Hollande. »

Joe Starr : « Allez niqué ta maire, bandeufizdeupute, mais sinon, mes veu pour 2008, c’é simpleman « respect ».

Raffarin : « C’est quand on quitte les sphères de décision qu’on comprend ce qui ne tournait pas rond. »

Cali : « Woah putan, mais merde ! Pourquoi la guerre ? ça s’rait pas plus simple si on s’aimait ? »

Fidel Castro : « Infirmièèèèère !! »

jeudi 27 décembre 2007

Des pensées pour la Patrie !

Luc Chatel: "Bison futé" de l'épargne


Chaque fin d’année est l’occasion, pour les mauvais coucheurs qui font profession de critiquer le monde, de s’étendre sur la veulerie mercantile des fêtes modernes. On insiste sur le paradoxe qui consiste à fêter la naissance du petit Jésus, personne humble et aimant la pauvreté (par ailleurs fondateur méconnu de la Broke Pride, ou « Fierté des Fauchés ») tout en se bourrant de foie gras, de mets délicieux parsemés de paillettes, de caviar, de trucs gras, en gâtant les enfants de jouets de plus en plus nombreux, de plus en plus bruyants, de plus en plus chers. On rappelle que les grands parents de ces nantis obtenaient une orange et une grosse poignée de main pour Noël, et qu’ils n’en sont pas morts. On nous sensibilise au sort des paumés qui dorment dehors, ou de ceux qui sont trop fauchés pour couvrir leurs mômes de jouets. On va jusqu’à rappeler aux chrétiens qu’une tradition pas si ancienne prévoyait qu’on laisse « la place du pauvre » à table, une assiette libre, pour le cas où un pauvre viendrait à passer… Enfin bref, il n’y a plus moyen d’acheter peinard !

Les services du ministère de l’économie se sont occupé de ça. Précisément, le secrétariat d’Etat à la consommation, sous l’autorité de Luc Chatel, bosse en ce moment à l’élaboration d’une nouvelle fête (une commande du Boss, dit-on) sous nom de code provisoire de FENACO (Fête Nationale de la Consommation). L’idée est de donner une fête qui n’aurait pas d’autre justification qu’elle-même, qui pourrait « s’exprimer dans l’acte d’achat » sans qu’un arrière-fond historico religieux interfère, sans qu’une mauvaise conscience d’origine judéo-chrétienne permette une fois encore les critiques systématiques. On veut éviter à la fois le paradoxe de Noël, la paternité vichyste de la fête des mères, l’héritage coco du 1Er mai et la nullité économique du 11 novembre et autre 8 mai.

«La fête nationale de la consommation, puisqu’il faut encore l’appeler comme ça, doit être une fête ouverte à toutes et à tous. Quels que soient votre origine et votre niveau social, quelle que soit votre religion, quel que soit votre âge ou votre état de santé, vous serez appelés à consommer le jour de la FENACO. Le Président de la République en a fait un principe et même une priorité de son mandat : réconcilier le Français avec l’argent. Et rien n’est aussi fédérateur qu’un achat effectué en commun. Savez-vous que les actes d’agression contre les personnes sont sept fois plus rares dans l’enceinte des hypermarchés que dans les gares ? Oui, il semble que les tensions sociales s’apaisent quand on a la possibilité de dépenser son argent, c'est-à-dire tout simplement de subvenir à ses besoins. » (Jean-Raoul Fifron, conseiller technique au cabinet de Luc Chatel. France 3 Champagne-Ardenne. 07/12/2007)

« La France de 2007 connaît encore des barrières, des obstacles à son unité. L’intégration de toutes les communautés à un niveau égal doit être l’objectif de toute politique responsable. Dans ce pays, les fêtes sont trop souvent liées à l’histoire et à la religion. Tous les gens vivants en France ont droit à une fête ! » (Jack Lang. Colloque Nouvelles Frontières. 03/10/2007)

Un correspondant parisien a pu rencontrer un des experts bossant sur le topo. L’idée est d’inviter toute personne à réaliser, même symboliquement, un achat ce jour-là, non seulement pour satisfaire un besoin, un désir, mais aussi par patriotisme, pour participer à la bonne santé générale du pays, étant entendu qu’un « pays qui vend est un pays dans le vent » (idée de slogan en cours de test). Evidemment, les entreprises et les magasins resteront ouverts le jour dit, mais le personnel disposera de facilités (encore à définir) pour pouvoir dépenser à son tour. Pour les ménages vraiment trop pauvres pour participer à la fête, l’idée, jugée hardie par Christine Lagarde elle-même, est de permettre une embauche ponctuelle libre de charges, pour le jour de la FENACO. Ainsi, ceux qui n’ont pas les sous pour acheter un truc pourront toujours se trouver de l’autre côté du comptoir et participer, en travaillant, au mouvement général.

L’ambitieux Luc Chatel, visiblement très fier de sa trouvaille, explique qu’il vise à rendre la consommation « plus naturelle aux habitants de ce pays ». Mon objectif sera atteint lorsque, au-delà de cette fête, les Français ne ressentiront plus aucun scrupule à profiter, chacun à sa mesure, de leur argent, en toute liberté, en toute bonne conscience. Puisqu’on gagne honnêtement, et souvent durement, de l’argent, poursuit-il, il faut arriver à le dépenser sans état d’âme. « Dé-pensez pour dépenser© », voilà la devise que j’aimerais voir inscrite au fronton des grands enseignes.

Une image qu'on aimerait voir plus souvent...


Quelques hypothèses restent sur la table, après un dégrossissage radical : placer la FENACO le 11 novembre, après que les trois derniers Poilus seront morts, « par respect pour leur sacrifice personnel », dit-on au ministère, ou coupler la naissance de cette fête avec l’abrogation de l’interdiction de travail le dimanche, double symbole. En dernier recours, comme toujours, c’est l’Elysée qui décide. Pour l’instant, d’après les rumeurs, le Pèzident en pince pour la dernière solution.

mardi 25 décembre 2007

Oscar Peterson's coda

Oscar Peterson est mort. Un titre de plus dans le flux des « nouvelles », comme si la mort des génies pouvait avoir quelque chose de nouveau.

Nous regardons souvent l’œuvre des titans du passé comme des monstruosités surhumaines, paradoxalement devenues inégalables dans un monde où toutes les techniques nous sont facilitées, et où nous vivons de plus en plus vieux. Balzac, Voltaire, Hugo, Michel-Ange, Bach ou Haydn, parmi tant d’autres, ont certes presque tous atteint un grand âge, mais ils nous ont légué des œuvres si amples, si abondantes et d’un tel niveau qu’on ne comprend pas comment elles furent techniquement possibles. On pourrait rapprocher leurs exemples des œuvres de l’architecture antique, si colossale et si faite pour durer, dans des temps sans engins mécaniques puissants, et où l’homme moyen pouvait espérer vivre trente ans…

Oscar Peterson représente à sa façon une sorte d’étrange résurgence de ce passé titanesque. C’est un contemporain qui, comme d’autres grands du jazz, a enregistré des centaines d’albums et joué des dizaines de milliers d’heures. Si le jazz est un monde radicalement différent de celui du rock ou de la pop, c’est aussi sur ce point-là : les mecs jouent, encore et encore, et par le jeu des participations à différentes formations, ils cumulent sur une carrière l’équivalent de plusieurs vies du travail d’une idole rock moyenne…

A ceux qui connaissent « bien » Peterson et à ceux qui le découvrent plus ou moins à l’occasion de sa mort, je recommande d’aller faire un tour sur Youtube ou Dailymotion : prenez trente minutes pour piocher au hasard, écoutez et regardez les archives disponibles et, même si vous « n’êtes » pas jazz, vous ressentirez certainement ce qu’apporte cette musique faite de rigueur et de fantaisie, de virtuosité et de sentiments, une musique de joie bruyante qui semble témoigner d’un âge d’or heureux, aussi curieux que cela puisse paraître quand on a connu le XXème siècle. Nous avons pris récemment l’habitude de ne plus voir que le côté sombre et douloureux des choses quand nous regardons l’histoire. Nous traquons la faute morale et l’injustice à travers les âges pour mieux jouir, à la comparaison, des perfections contemporaines. Malgré ça, si l’art représente forcément son époque, ceux qui firent le jazz possédaient encore assez d’énergie et de foi en la vie pour nous laisser des témoignages aussi heureux au milieu de tant de drames. Une génération élevée au rap ne pourra bientôt plus comprendre ça, peut-être.

J’ai choisi cette vidéo de Donna Lee, comme morceau emblématique du be-bop, de la joie virtuose qu’il exprime. Cette session rassemblait des as, qui ajoutèrent encore quelques points au tempo fou de la version originale. Le jazz a su utiliser la compétition à des fins artistiques : ici, elle souligne l’impression d’unité dans l’excellence et donne à la jubilation une tension explosive. La dernière note semble libérer cette tension : la joie bondit. La partie d’Oscar Peterson est splendide de riche fluidité, soutenue par la contrebasse invraisemblable de Nils-Henning Orsted Pedersen. Joe Pass rêvassait derrière sa moustache et prit son solo en cours de route, mais Milt Jackson, beau et nerveux comme un danseur, fit parler la poudre. Des musiciens présents, seuls Bobby Durham et le vieux Clark Terry sont encore vivants aujourd’hui tandis que, comme un hasard qui ne signifie rien, le saxophoniste Ronnie Scott partage avec le grand Oscar, en plus de tout ça, d’être mort un 23 décembre.



CT- Donna Lee
envoyé par dow30

lundi 24 décembre 2007

Fatwa contre Bourgois et Gracq: c'est fait.

Julien Gracq : "Enfin peinard!"

La mort de Christian Bourgois et de Julien Gracq, deux acteurs de premier plan de la littérature française, ne doit pas faire penser qu’il « arrive » quelque chose, en France, à la littérature : ça fait cinquante ans qu’il ne s’y passe plus grand-chose. Non pas que nous manquions d’écrivains, on en compte probablement plus aujourd’hui, des deux sexes, que du temps d’Hugo, de Chateaubriand, de Stendhal et de Baudelaire et chaque amuseur public, devenu sérieux pour parler de son cœur gros comme ça, nous rappelle à intervalles régulier et sur toutes les chaînes qu’il est dans la lignée d’untel, qu’il renouvelle tel ou tel genre ou, bien plus souvent, qu’il a une plume acérée et anticonformiste… Non, la France est manifestement remplie d’écrivains, autant ou presque que de cinéastes, mais on continue à devoir se donner beaucoup de peine pour y trouver un grand livre ou un grand film. Intelligents comme le sont nos écrivains, et riches d’un passé formidable, ils continuent de revendiquer l’excellence au temps de Paul Auster, de T.C. Boyle, d’Hubert Selby Jr, de Philip Roth, de Philip K. Dick, de William Burroughs et de Bukowski, tandis que nos cinéastres font comme si Paul Thomas Anderson, Sam Mendes, Spike Jonze, Larry Clark, les frères Coen, pour ne parler que Yankees, ne contribuaient pas, en plaçant le niveau à une certaine hauteur, à les faire tendre par comparaison vers le zéro absolu.

En 1949, Gracq publie « La littérature à l’estomac », un pamphlet dirigé contre l’édition, la vie littéraire française, et, en filigrane, ce con de Sartre. Il débute ainsi : »La France, qui s’est si longtemps méfié du billet de banque, est en littérature le pays d’élection des valeurs fiduciaires. Le Français, qui se figure malaisément ses leaders politiques sous un autre aspect que la rangée de têtes d’un jeu de massacre, croit les yeux fermés, sur parole, à ses grands écrivains. Il les a peu lus. Mais on lui a dit qu’ils étaient tels, on le lui a enseigné à l’école : il a décidé une fois pour toutes d’aller satisfaire ailleurs ses malignes curiosités. Lisant peu, il sait pourtant que son pays, de fondation, est grand par les ouvrages de l’esprit. Il sait qu’il a toujours eu de grands écrivains, et qu’il en aura toujours, comme il savait jusqu’à 1940 que l’armée française est invincible. » On en est toujours à ce sommeil-là aujourd’hui.

Gracq fut original à bien des égards. Il n’en faisait vraiment qu’à sa tête, pas seulement quand il refusait le prix Goncourt, ni quand il déclinait les invitations de Mitterrand, ni quand il se retirait totalement, et avant même l’introduction de la télé en France, de la vie médiatique, mais aussi quand il continuait, malgré tout, à rendre hommage à Breton et aux productions du surréalisme. Qu’une sincère admiration pour le projet surréaliste et l’ami ( ?) que fut Breton l’ait poussé à une fidélité très longue, on le conçoit. Mais avec le recul, et en jugeant ce qui reste des œuvres produites en littérature, on a quand même beaucoup de mal à comprendre la postérité du surréalisme et son relatif prestige.

Le surréalisme est peut-être un lien qui rapproche Gracq et Christian Bourgois, par l’intermédiaire de William Burroughs, édité en France très tôt par Bourgois. Quand il mettait en place ses techniques de cut-up avec Brion Gysin, entre Tanger et Paris, Burroughs donnait au surréalisme une santé et une ampleur qu’il n’avait jamais eues littérairement. Se foutant parfaitement des écoles, celui qui considérait que la littérature avait alors "cinquante ans de retard sur la peinture" n’aurait probablement pas supporté plus d’un quart d’heure un type comme André Breton. Mais, bien qu’il s’agisse aussi d’une forme d’impasse, ses textes cut-up (dont Tristan Tzara avait eu la prémonition) ont immédiatement atteint et dépassé tout ce que l’écriture automatique avait toujours tenté de faire. Donner à l’inconscient une forme littéraire, idée française, fut réalisée en France, mais par un Ricain pur beurre qui, chose faite, passa ensuite à bien autre chose. Il n’y a plus que quelques franchouillards pour continuer, (esprit de résistance dans le vide bien de chez nous) avec un siècle de retard, à trouver l’idée intéressante, à l’image des peintres de la place du Tertre.

Burroughs, Gysin


Signe des temps, on entend partout que Bourgois fut l’éditeur des Versets Sataniques, de Rushdie, on n’entend même que ça. Il avoua lui-même avoir fait ce geste dangereux sans savoir précisément ce que valait l’œuvre menacée, ni la teneur réelle des menaces (« je ne savais même pas à l’époque ce que signifiait le mot fatwa »). En tout état de cause, à l’heure de sa mort, les médias mettent en avant cet épisode, c'est-à-dire un thriller, pour rappeler au grand public (tout le monde en a entendu parler) qu’il a frissonné devant le danger fascisto-chiite. On favorise encore un moment qui n’est certes pas rien, qui a sans doute valeur de symbole, mais qui n’a pas grand-chose à voir avec la littérature, et on passe très vite sur le reste du catalogue, et ce qu’il signifie : Burroughs, Ginsberg, Brautigan, Fante, Pessoa, Gadda, Jünger, etc, des auteurs qui ont vécu des dangers bien aussi réels que Rushdie, tous seuls, sans le concours de brutes barbues et sans gardes du corps.

vendredi 21 décembre 2007

Le salaire de la p...pppeuuur !

Après le passage des sauterelles

Journal de midi sur France Inter. L’invraisemblable Claire Servajean passe la parole à sa correspondante en Drôme pour un reportage sur les vols dans les camions sur les aires de repos de l’A 7, pendant les fêtes de fin d’année. On apprend que les gendarmes patrouillent pour guetter les bandes qui sévissent. Beaucoup de patrouilles, qui suggèrent beaucoup de bandes. On nous explique même le modus operandi : des voleurs armés de cutters se faufilent le long des semi-remorques bâchés, en découpent la bâche, se glissent dedans et s’y servent. A peine croyable d'audace! Un chauffeur nous dit avoir été délesté de « salades vertes », l’an dernier… tandis qu’un gendarme relate le vol, il y a peu, de « quatre écrans plats » ! « La quantité n’est pas énorme, précise la volaille, mais au prix des écrans, ils ont bien gagné leur vie ».

Au moment de clore son court reportage, la journaliste d’investigation nous recommande la vigilance et termine par cette phrase inouïe : « Ce vol reste à ce jour le seul enregistré pour cette année, grâce justement aux patrouilles policières. Rappelons qu’il passe 17 000 poids lourds par jour dans la vallée du Rhône » !

Résumé :

17 000 poids lourds par jour (510 000 par mois !),

1 vol,

4 écrans plats de merde dérobés,

1 reportage à midi sur la seconde radio nationale.

Nouveau: l'INSULTOTRON

Sud-Ouest nous révèle une affaire étonnante : un client d’orange qui utilisait les services de sa hot-line a reçu un courrier lui indiquant ses coordonnées de connexion, dont un mot de passe inédit : « salearabe »! Le client en question, magie de l’informatique, est effectivement un Arabe, et s’est senti légèrement concerné…

(http://www.sudouest.com/191207/france.asp?Article=191207aP1325362.xml)

La mésaventure n’est pas à proprement parler une première : il y a quelques semaines, un courrier du port de Le Guilvinec informait un client potentiel des horaires d’ouverture de la capitainerie. Voici, en exclusivité, la photo qui accompagnait cet innocent courrier, mais que nous avons retouchée pour rendre son destinataire anonyme.

A l’image de HAL, l’ordinateur de 2001 Odyssée de l’espace, les PC qui grouillent dans les bureaux de nos bureaucrates, prenant soudain leur autonomie, sont entrés dans l’âge de l’insulte informatique, donc automatique, probablement inspirés par les mœurs modernes des humains. Encore un progrès que le Sud nous envie.

jeudi 20 décembre 2007

Bolufer : saint et martyr.

"Je sais de quoi j'parle...(hin hin)"

Quand Eugène-François Vidocq fut nommé à la direction de la Brigade de sûreté de Paris, il était connu comme ancien malfrat, ancien bagnard, ancien indic. Il avait, aux yeux de chacun, tout du parfait salopard. Il innova quelque peu en engageant lui-même d’anciennes canailles chargées d’infiltrer le milieu, et fit entrer ainsi la police française dans une phase d’efficacité nouvelle. Malgré ses états de service, il ne manqua jamais d’ennemis parmi ceux qui se rangeaient du côté de l’ordre et de la morale.

Son exemple est aujourd’hui multiplié à l’infini, et on ne se formalise plus que les services secrets infiltrent les milieux islamistes, par exemple, en y envoyant des types se convertir pour de faux. Efficacité, un point c’est tout. C’est la raison pour laquelle IL FAUT NOUS RENDRE JEAN PAUL BOLUFER !

On le sait désormais, une des missions de Bolufer (anagramme de Le Fourb’) auprès de Boutin était de traquer les gens qui, logés en HLM à une époque où ils étaient fauchés, continuaient de l’être bien que leur situation soit améliorée, parfois même splendidement. Ces nantis, une fois démasqués, auraient eu à payer une surprime (ce qui existe déjà, mais faisons comme si ce gouvernement innovait) ou peut-être à trouver à se loger ailleurs.

Ce juste expliqua même sa position sur France Culture, de façon formidable (http://www.france-info.com/spip.php?article54007&theme=9&sous_theme=12).

Or, on apprend qu’il était lui-même logé complaisamment par la ville de Paris dans un vaste appartement quatre fois moins cher que les prix du marché. C’est justement ce qui devait lui donner une sorte d’expertise pour piéger le saligaud, et, n’en doutons pas, c’est la raison principale qui le fit nommer à la tête de cette importante et morale mission. Etant lui-même au courant des manœuvres souterraines qu’il faut faire pour garder indûment un putain d’appart dans un quartier rupin pour que dalle, il était incontestablement l’homme qu’il faut à la France pour épurer efficacement les dossiers HLM des anciens crevards qui y pullulent !

Une pétition sera bientôt lancée ici même pour réclamer son retour (et un petit 150 m2 dans le Vème à moins de 300 euros) !

mercredi 19 décembre 2007

Mon dieu, protégez-nous des économistes!

Pigé?

On entend parler de nouveau de protectionnisme depuis quelque temps, depuis que la pensée critique sur la mondialisation se multiplie. Il y a une dizaine d’années encore, le simple mot de protectionnisme faisait sourire et déclenchait presque la pitié : il est maintenant brandi comme une solution, voire la solution, face à l’incompréhensible bordel au milieu duquel nous sommes en train de couler.

Remarque liminaire : ceux qui sont supposés nous éclairer sur les avantages et inconvénients de telle ou telle mesure économique, dont le protectionnisme, ne sont finalement d’aucune utilité. Parmi les économistes, il est tout aussi facile de trouver des partisans que des adversaires du protectionnisme, pour ne parler que des économistes prestigieux : Le prix Nobel Maurice Allais est un protectionniste convaincu, comme Paul Samuelson, tandis que d’autres Nobel, Milton Friedman ou Freidrich von Hayek s’y opposent résolument. Il reste donc aux non économistes que nous sommes à se faire une opinion, c'est-à-dire à trouver un discours théorique suffisamment construit pour appuyer ce qu’on pensait déjà confusément, sans souci de justesse, de justice, ni d’esprit réellement scientifique…

Pas plus que les grosses têtes nobélisées, je ne suis capable de trancher quoi que ce soit dans ce débat technique. J’observe simplement qu’il est plus facile de protéger son économie quand on est puissant que quand on est faible, probablement parce qu’on est moins sensible aux mesures de riposte qui s’ensuivent généralement. Le protectionnisme est donc paradoxalement utilisé par des pays assez puissants pour se foutre de l’avis des autres, et il est pratiquement interdit aux pays faibles, que le mot protection semblait pourtant désigner en priorité. Mieux : le contexte actuel est celui d’un protectionnisme qui viserait à nous protéger, nous, pays puissants, des attaques dégueulasses des pays de crève la dalle ! Quand on écrit « protectionnisme contre la mondialisation », il faut traduire par protectionnisme contre les produits chinois, indiens ou autres, c'est-à-dire contre des produits réalisés à bas coûts, dans des conditions sociales très exotiques, dans des pays moins développés que les nôtres, et sur une échelle qui nous dépasse.

Deuxième observation : la critique de la mondialisation est une discipline occidentale qui naît et se développe au moment même où la mondialisation commence à produire des effets défavorables aux économies et aux sociétés occidentales. Quand il s’agissait de produire des usines clés en mains et de les fourguer au Maghreb, à l’Argentine ou en Extrême-Orient, la mondialisation était tout simplement formidable, comme notre savoir-faire, nos ouvriers, nos capitaines d’industrie et le drapeau tricolore. Quand le marché mondial des produits agricoles est réglé par les puissances occidentales grâce à des positions dominantes et des mécanismes d’aides qui mettent les agricultures du sud en faillite, tout le monde, ou presque, s’en accommode. Quand Bouygues va construire une université à Riyad ou un barrage sur le Yang-Tsé-Kiang, on se félicite (je me demande bien pourquoi, d’ailleurs), mais si un obscur village d’Inde se met à produire nos godasses douze fois moins cher que nous, il faut d’urgence s’en protéger !

De deux choses, l’une : soit l’économie, fut-elle mondiale, est la lutte de tous contre tous et n’est régie que par des intérêts à court terme, alors protégeons-nous comme des bêtes ; soit l’économie vise à équilibrer des échanges entre des acteurs de façon qu’ils puissent tous vivre de leur travail, et dans ce cas, posons-nous la question de savoir ce qui arrivera aux villageois indiens quand on aura fermé le marché que nous représentons pour eux.

Sur un autre plan, tout le monde a bien compris que les peuples des pays pauvres ont tendance à émigrer dans les pays riches quand ils n’ont aucun espoir de voir changer leur pays d’origine. Quand on aide une industrie à naître dans un pays d’Afrique, quand on commence à y créer des emplois et des conditions de vie acceptables, on se garantie aussi contre des vagues d’émigration de la misère. Personne, que je sache, ne conteste ce principe simple. Mais on fait pourtant comme si ces industries naissantes ne devaient pas avoir de débouchés, comme si une usine dans le sud n’avait pas vocation à exporter aussi dans le nord, et donc, comme si le développement économique du sud devait servir à reproduire éternellement les rapports de puissance existant au niveau mondial. Quand on voit comment les pays riches s’affolent face aux pauvres qui sortent la tête de l’eau, on se demande si l’aide qu’ils leur apportaient n’avait pas pour fonction principale de leur donner bonne conscience, et si ils n’avaient pas cru qu’un rapport de don (ou d’aide) pouvait se reproduire sans fin, chacun jouant le même rôle pendant que rien ne change. Quand on apprend à un enfant à faire de la bicyclette, on ne doit pas s’étonner ni trouver injuste qu’il nous mette un jour vingt minutes dans la vue sur notre parcours habituel !

La question est complexe. La mondialisation des échanges produit des traumatismes chez nous, c’est incontestable. La tentation de se protéger est légitime et logique. Par ailleurs, la mondialisation permet à des pays de se développer, et leur fermer la porte au nez aura des conséquences gigantesques chez eux, donc à terme chez nous. Certains prétendent qu’il est légitime de se protéger contre des pays qui n’ont pas de législation du travail comparable aux nôtres, ce à quoi on pourrait répondre qu’ils ne risquent pas d’avoir une super législation du travail s’ils n’ont pas, d’abord, du travail… En Europe, les Allemands sont les moins chauds pour le protectionnisme. Pourquoi ? Parce qu’ils sont sympas avec le reste du monde ? Non, parce qu’ils ont su conserver une industrie à forte valeur ajoutée qui n’est pas hyper concentrée, qu’ils ne dépendent pas uniquement de la fusée Ariane, du TGV et d’Airbus, et qu’ils savent produire mieux que les autres des machines-outils et des biens intermédiaires. Tant que les pays émergents concurrencent l’Europe sur la fabrication des T.shirts, des serviettes de table et des pantoufles, les Allemands s’en foutent. Quand ils seront dangereux sur les points forts de l’économie allemande, on reparlera de protectionnisme communautaire en Europe. Généreux, hein ?

mardi 18 décembre 2007

40 heures: le retour.

Le travail est populaire. Quand les 35 heures ont été mises en place, on a entendu ici ou là que les salariés étaient d’accord pour « partager le travail », c'est-à-dire travailler individuellement moins pour permettre l’embauche de chômeurs. Après bien des péripéties, on en arrive à ce que les employés de l’usine Continental, à Sarreguemines, votent eux-mêmes une disposition permettant le retour des 40 heures de travail hebdomadaires. 75% des votants sont pour travailler 40 heures (et augmenter la paye), après un vote dans le même sens d’une autre usine du même groupe en septembre dernier, à Clairvoix. Ces deux exemples sont montrés dans la presse comme de probables précédents, appelés à donner bientôt l’exemple. C’est le moins qu’on puisse dire.

Dans cette euphorie turbinophile orchestrée par le chef de l’Etat et son équipe, des salariés de l’usine Olida de Grenoble sont à l’origine (vous avez bien lu) d’une disposition faisant passer la durée du travail à 48 heures par semaine, qui devra être soumise au vote début janvier prochain. A un journaliste de La Tribune leur faisant remarquer que cette mesure les ramenaient avant 1936, les dirigeants syndicaux du TAF (Travail à Fond) ont répondu : « Et vous croyez que les Chinois, eux, vont pas nous ramener à 1936 à coups de pompes dans l’train ? », réplique sans réponse que le journaliste ne commente pas.

L'usine qui modernise le droit du travail.

Mais ce n’est pas tout : des ouvriers d’une cimenterie d’Ardèche, dont nous n’avons pas encore le nom exact, viennent de conclure une négociation avec leur direction par une surprenante proposition : faire travailler leurs enfants à partir de l’âge de douze ans. « Attention, ne commençons pas à crier au retour de l’esclavage ! prévient Gilbert, leader syndical de la boîte. On va pas faire travailler les mômes sur les lignes dans la cimenterie elle-même. D’abord, il s’agit de nos propres enfants, et non d’enfants livrés à eux-mêmes au milieu d’adultes. Nos propres enfants, encadrés par leurs parents, qui continueront de suivre des cours dans l'école de l'usine, et uniquement utilisés à des tâches légères, comme les bordereaux d’envoi, les appels téléphoniques, voire le nettoyage de la cafétéria (en cours de négo) ».


"On attend la fin des négos"

Il reste, bien sûr, à soumettre ces nouveautés au vote du personnel, pour qu’elles gardent le caractère volontaire qui les mettent à l’abri des accusations d’obscurantisme. « Avec ça, confie Gilbert à voix basse en clignant de l’oeil, on est assurés de garder nos emplois face à la concurrence de ces salopards de Chinetoques ! »


"J'vous quitte, j'ai cours de français!"

lundi 17 décembre 2007

Sarko pratique l'ouverture de 5 à 7.

Si ça pouvait la faire arrêter la chanson...


Toute la France en parle : le Patron est de nouveau maqué. On l’a vu en compagnie de Carla Bruni, se montrer complaisamment aux photographes présents, comme pour dire : visez un peu le rétablissement… Le truc serait sans importance si nous vivions dans un autre monde, mais les choses étant ce qu’elles sont, et les actes d’un président de la République étant devenus médiatiques par nature, on aura donc remarqué qu’après les footballeurs et les présentateurs de télé, Nicolas Sarkozy se tape un top model.

Après tout, les top models aussi ont droit à une vie sexuelle et affective, et il faut bien que quelqu’un se les tape ! Ces dames ayant commencé leur conquête du monde grâce à leur charme, il est cohérent qu’elles l’achèvent en fréquentant des puissants, voire en les épousant. Il est bien évident aussi que les footballeurs sont souvent laids, qu’ils ont de grosses cuisses pleines de poils et des conversations lamentables, mais qu’ils gagnent un paquet de fric propre à attirer les garces. Quand les footeux avaient encore des salaires de tocards, ils se tapaient des ouvrières, belles ou moches, comme tout le monde ! Il n’est donc pas permis de dire que les top models aiment le foot ou le tennis (ou le golf, enfin tous les trucs ridicules à base de baballe et de têtes de noeud) : elles cherchent le pèze, et c’est marre. Et d’ailleurs, on s’en fout.

Quand un mec sans éducation, sans imagination ni goût commence à gagner du fric, à s’élever dans la société en ayant un certain pouvoir, il s’achète une BMW. C’est à ça qu’on reconnaît le blaireau riche (remplacez BMW par d’autres marques, moi, j’ai la flemme). Selon le cas, il cherche ensuite à s’identifier à un certain groupe de glands en pratiquant les activités les plus farfelues (ski de piste, yachting, Rotary Club, tribunes vachement class au stade de foot, cheval, chirurgie plastique et chasse au dahu), activités généralement interrompues par des séances de lampes à bronzer et un infarctus du myocarde. Voulant échapper par tous les moyens à la honte de la vulgarité popu, il jette toutes ses forces dans l’élaboration d’un corpus vulgaire moins bon marché, certes, mais tout aussi atroce. « Pour les Américains, disait Céline, l’âme, c’est un saxophone en or, et qui brille ». Au sommet de cette pyramide burlesque, les top models. N’importe quel bipède masculin vous dira qu’un top model ne représente ABSOLUMENT PAS la femme idéale (charnellement parlant), et qu’une taille 32 faible est rarement l’indice d’un cul splendide. Mais c’est comme ça : le top model, pour couronner une carrière vouée au pouvoir, ça le fait.

Et c’est ici que la chose devient délicate : pourquoi associe-t-on toujours l’exhibition de sa réussite matérielle à la plus grasse des vulgarités ? Pourquoi, quand cette réussite se résume à la possession d’objets (maisons avec piscines, chalets à la montagne, bagnoles énormes, quads formidables et top models), le triomphateur est-il la risée de gens qui se disent mieux nés, fussent-ils rmistes ? Un super sociologue comme la France n’en manque pas se jetterait sur la question pour nous servir le sempiternel fossé qui sépare les cultures catholiques des cultures protestantes. Mouais... Je pencherais plutôt pour une sorte de bon sens, une clairvoyance généralement partagée qui fait apparaître l’union d’un laideron riche, ministre et gras du bide avec une jeune sirène pleine de grâce pour ce qu’elle est : la plus grande, la plus éclaboussante des laideurs.

D’une façon très pratique, que voit-on quand un Sarkozy s’exhibe avec une Bruni (par exemple) ? On voit l’union de deux personnes de pouvoir qui agissent par intérêt. La belle nana se tape un boudino plus vieux qu’elle parce qu’il a une putain de situation (intérêt) ; le boudino se montre avec la beauté parce que dans l’éventail des signes de réussite (pour un homme), le top model est le must. Intérêts partagés qui se maquillent en « amour » évidemment. On sait bien que s’il ne s’agissait que d’amour, TOUS les présentateurs de télé (riches) et TOUS les footballeurs (riches), et TOUS les pilotes de F1 (riches) ne sortiraient pas comme par hasard avec les mêmes nanas. Cette évidence est probablement à l’origine du dégoût général pour ce genre d’attentat. Le goût du pouvoir et du fric enlaidit tout, même l’amour (mais, par ailleurs, il est évident que le Boss a le droit de coucher avec qui il veut et qu’on ne fait que gloser sur les images qu’il donne de son règne) .

Sur le cas du Pèzident, tout n’a pas encore été dit, parce qu’il ne nous a pas encore tout fait. Au lieu de faire de la politique étrangère, il se comporte comme un VRP en goguette. Au lieu d’avoir le sens de l’Etat, il se triple son revenu (il aurait pu, suggestion personnelle et tardive, rehausser le traitement du Président de la République, le mettre à niveau de celui du Premier Ministre, mais pour le prochain mandat présidentiel : en faisant ça, il aurait désamorcé toute critique, on aurait trouvé le geste responsable et désintéressé, et on se serait tous foutu au garde-à-vous). A présent, il nous fait le coup de la people de la varièt’, ex mannequin, ex aristo richissime, ex enrouée à messages, exhibée l’air de rien à Disneyland ! On peut toujours imaginer des scénarios à couillonnades : le Pèzident fera toujours mieux !

Comme on ne prête qu’aux riches, on a peut-être trop souvent tendance à chercher du sens à ce qui n’en n’a pas beaucoup, et à supposer calculées au poil près les actions des hommes d’état. Mais ici, il semble peu probable que MC Sarko n’ait pas peaufiné son effet, tant les ingrédients sont dosés : la Bruni, les photographes, Disneyland. C’est désormais là dedans qu’on vit, sous cette loi-là : un parc d’attractions pour enfants avec des people cyniques qui s’y montrent, prêts à tout dans une ambiance de laideur toc comme on n’en n’avait pas connu depuis l’invention de la gourmette masculine en or, et qui brille.

Les acharnés du vide

"Tu ferais mieux d'nous pondre un truc qui marche, mon garçon"


Je vous raconte ma vie : je rentre chez moi la nuit dernière et, dans la lueur des phares, à moins d’un kilomètre de mon plumard, apparaît une affiche fraîchement posée, au milieu de la campagne, sur un emplacement publicitaire souvent vide. Les brumes de fin de soirée me cachent l’essentiel, c'est-à-dire les détails de ce 4X3 racoleur, et je n’aperçois que le titre effrayant : « la tournée des idoles ». A peine déchiffrée, l’affiche disparaît derrière moi, et je continue ma route.

Ce matin au réveil, curieux de vérifier si je n’ai pas rêvé, je fonce revoir ce panneau (et je vous jure que les panneaux publicitaires me laissent généralement froid). Il est toujours là, bien sûr, solitaire comme la vigie surgie du passé, exhibant péniblement ses pétaradantes couleurs dans le brouillard glacé, triste et comique comme un tour de magie qui foire en public. Quelques rares automobilistes me dévisagent : que fout ce mec debout devant cette pub, se gelant les glaouis l’air absorbé ? Je reste là, en effet, le nez en l’air, et je déchiffre tant bien que mal le subtil message. Quelques noms me sont inconnus (mais restent superbes), j’en reconnais certains autres et, curieusement, je m’aperçois que je suis souvent infoutu de dire ce que chantait telle ou telle idole inoubliable ...

Tout est faux, c’est ce que je me dis devant cette conne en Harley Davidson, ces noms de vedettes franchouilleuses et ces grands mots. Les idoles… comment en est-on arrivés là ? Catherine Lara a-t-elle jamais été l’idole de qui que ce soit dans ce monde ? Idole : un truc devant quoi on se prosterne, qu’on adore comme une divinité… pourquoi la jeunesse de ces époques lointaines ne s’est-elle pas révoltée quand on a commencé à lui parler ainsi ? la magie des années 60 – 70… comment peut-on être assez cynique pour qualifier de magie les crétins Stone & Charden, l’invraisemblable Richard Anthony et le cadavérique Herbert Léonard ?

On aurait tort de dédaigner de parler de cette sorte de variété sous prétexte qu’elle fut et demeure la pire chose que la France ait produite, saint Barthélemy, guillotine et régime de Vichy compris ! Cette variété est sans doute la première, dans l’histoire des fléaux, a avoir été soutenue par un appareil médiatique surpuissant et pléthorique, une arme de combat qui n’épargne personne (sauf les sourdingues, bien entendu) et qui a fourni le modèle, très perfectible, à ce qui a suivi. Les animateurs de ces années 60 réussirent à hisser la pire bassesse au pinacle, dans un temps où subsistait encore une certaine exigence dans le public populaire. Les Frédéric François, les C. Jérôme et les Johnny Halliday voisinaient avec Brel et Brassens, avec Nougaro et Gainsbourg. Leurs successeurs ont fait le travail complémentaire… et nous voici avec des quidams à peine sortis de l’adolescence, bombardés stars, nouvelles stars ou nouvelles anciennes stars pour avoir réussi à chantouiller comme les pires vedettes d’il y a quarante ans.

Comme certaines bactéries qui pullulent aux dépens des organismes infectés au point de crever avec, les chanteurs de variété semblent inépuisables. Ils continuent de hanter les écrans, de donner des concerts et des conseils, de vendre de la camelote par paquet de mille et de répandre leurs vieux tubes comme un restant de vaseline.

vendredi 14 décembre 2007

Votez Hillary, les mecs !

Quand on pense à l'image que Ségolène Royale et ses amis ont tenté de donner d'elle-même, on est bien obligé de conclure qu'une fois encore, les Ricains sont loin devant...
On peut aussi s'en payer une bonne tranche sur ce site: http://hillarynutcracker.com/completelynuts.html

Après les jérémiades victimo-féministes de la Royale, sur le mode on m'embête parce que je suis une faible femme, qui ne préfère pas cette version d'un féminisme assuré, conquérant et franchement fendard?

jeudi 13 décembre 2007

Un Grenelle de la boîte aux lettres !

Gosh !

Y’a pas de justice : certains événements de l’actualité s’imposent à nous, ils sont sur toutes les lèvres, chacun y ajoute son avis, pendant que d’autres, parfois aussi importants pour la civilisation, passent inaperçus. Oui, pendant que vous vaquez à vos occupations en toute innocence, de graves décisions sont prises dans un pays amis, et à part ici, tout le monde s’en fout ! Un coup d’œil là-dessus vous renseignera.

http://www.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2007/12/13/002-boite_lettres_BSL_n.asp

Le facteur canadien est un aventurier, un type qui mouille non seulement sa chemise, mais aussi le fond de son pantalon de treillis. Il prend « des risques », nous dit-on, alors qu’on n’avait jamais pensé à ça. Mais on veut bien croire que déposer une carte postale dans une boîte aux lettres même pas aux normes (brrr !) n’est plus tolérable au siècle du principe religieux de la Précaution.

Après tout, si certains habitants du Canada s’amusent à percher leur boîte au sommet des arbres, ou s’ils les plantent au milieu de sables mouvants, il est syndicalement correct de s’en inquiéter : après tout, les facteurs n’ont pas signé pour du stage commando. Mais qu’on envisage de dépenser 500 millions de dollars pour une inspection des 843 000 boîtes aux lettres de ce vaste pays d’aventures, ça fait cher payer pour se foutre du monde (5930 dollars la boîte, putain !!).

TOUS AUX ABRIS !

Par ailleurs, on apprend ça :

« En mars 2005, l'Agence canadienne de développement international (ACDI) a publié le Rapport statistique sur l'aide publique au développement - Année financière 2003-04, qui constitue le document officiel sur le financement de l'aide internationale par le Canada. Ce document démontre que le véritable niveau de l'aide canadienne à l'Afrique en 2003-04 s'établissait à 1,05 milliard de dollars. » (in Le Devoir, édition du 15 juin 2007).

La moitié de ce que le Canada file à l’Afrique (900 millions d’habitants) servira donc à bien vérifier que les charnières des boîtes aux lettres ne sont pas rouillées (hou !), et que les feuilles d’érable qui s’accumulent devant ne risquent pas de faire glisser (hou la la !) les gentils facteurs à chemises à carreaux.

mercredi 12 décembre 2007

Gare Saint-Charles: tout le monde descend !

En cas de retard des trains, on pourra toujours se pendre.


On vient d’inaugurer ce qu’on nomme le « pôle transport » de la gare Saint-Charles de Marseille. Sa nouvelle halle est un bâtiment géant qui est bien dans l’air du temps : sous la structure moderne, l’architecte a planté des arbres. J’ai toujours trouvé curieux qu’on se mette à planter des arbres à l’intérieur des bâtiments, qu’on prenne en quelque la serre pour modèle. S’il est entendu que les arbres sont nos amis, qu’il faut être non seulement tolérants et ouverts avec eux mais qu’il faut les protéger, je n’avais pas encore compris qu’on était tenus de les recueillir sous nos toits.

Incontestablement, la plupart des arbres sont beaux. Incontestablement encore, ils sont des bienfaits pour l’homme, par leurs fruits, leur bois, leur ombre et leur simple et paisible présence. Il est tout aussi incontestable que leur place est dehors, comme le vent, la pluie et les orangs-outangs.

L’architecture et les arts décoratifs ont toujours su utiliser les éléments naturels. On peut même dire que tout vient de là, de la colonne dorique à l’entrée de métro parisien, en passant par le remplage gothique, la frise anonyme où se développe une vigne de pierre et la coupole de la mosquée du Shah, à Ispahan. L’admiration de la nature a poussé nos ancêtres à construire des formes typiquement humaines, des traductions artistiques de ce que le monde offre à voir. Une mise en ordre humain de l’anarchique profusion naturelle, de la beauté sauvage. A ceci se substitue depuis quelque temps l’utilisation brute d’éléments naturels, comme les façades végétales du musée du quai Branly. On voit bien ce qu’il y a de pédagogique dans ces réalisations : nous faire comprendre que la nature est notre alliée, qu’elle est utilisable sans destruction, c'est-à-dire un gros mensonge. Quand on organise des jardins suspendus, des toitures végétales, ou même une très artificielle façade façon jungle, on reste quand même dans une différenciation entre le dehors et le dedans : on respecte le principe qu’on souhaite justement élever au rang de mythe, c'est-à-dire qu’on reconnaît sa vraie place à l’élément naturel : dehors. Mais quand on fout des arbres dans un hall de gare, on est en pleine confusion.

Un degré supplémentaire est encore franchi à Marseille : les arbres en question sont factices ! Le message est donc d’ordre esthétique. Un type a trouvé beau que des pseudo pins soient enfermés sous des tonnes de verre et d’acier ! Comme tous les ersatz, ces merdes puent la mort. Leur nature factice leur donne le glacis morbide des figures de vieilles stars hollywoodiennes, qu’un enfant de six mois myope comme vingt taupes remarque à cent pas. Le goût du faux est poussé si loin que l’architecte de la SNCF, Jean-Marie Duthilleul (sic), a voulu reconstituer aussi une fausse rue pleine de charme, avec ses jolies boutiques qu’ombragent les fameux arbres en toc. Ce goût du bucolique pour touristes est le pendant ferroviaire du triste faux puit en simili pierres assemblées qui sévit dans les jardins des tocards authentiques. Hé merde…

Plus beau que la pierre: la fausse pierre


On ne veut jamais assumer la logique de sa situation, tout est là. Un connard vient habiter la campagne et exige bientôt que les coqs n’y crient plus, que des lampadaires arrosent de watts les petits chemins humides, et il profite du week-end pour napper de joli goudron noir une pelouse qui osait encore vivre. De l’autre côté du monde, au cœur d’une ville deux fois millénaire, un inconscient n’a pas compris qu’une gare est un outil humain fondamentalement opposé au bucolique campagnard, qui envoie et reçoit ses trains monstrueux comme un cœur géant qui n’aurait rien de commun avec l’ordre naturel et qui s’en moquerait bien. La ville humaine, toujours construite contre la nature, utilise ses gares, ses ports, ses aéroports comme des armes. Pan ! on envoie des milliers de gens dans une autre ville en glissant le plus vite possible sur cette emmerdeuse pleine de boue, de trous et de troncs ! On envisage tout pour limiter les dégâts que la nature, cette vache, nous fait subir quand elle se fâche. C’est puissance contre puissance. Si l’on veut évoquer la nature, celle qui nous donne tout, il me semble plus cohérent d’inventer de nouvelles formes d'hommage (comme l’Art déco le fit si bien) que de se contenter, en gros feignant, de planter 24 faux pissoirs à chiens en rang d’oignons sous une verrière.

mardi 11 décembre 2007

Kadhafi vient faire les soldes à Paris.

Moi, c'est cash !


Chirac avait été le premier Président de la République à se comporter ostensiblement comme un VRP, et à en revendiquer la gloire. Ayant déjà le physique de l’emploi, son absence d’idées et d’ambition pour son pays firent le reste. Avec le recul, on peut dire qu’en faisant chauffer son carnet de commandes, il avait non seulement collé à son époque, mais aussi agi en véritable précurseur. Après lui, aucun autre chef d’Etat français ne pourra revenir d’une visite à l’étranger sans avoir fourgué deux trois merdes à ses hôtes.

Avec Sarkozy, on passe à la vitesse supérieure. Le mec semble n’être là que pour ça ! Il en parle, il agit, il négocie, il se dépense en fonction de ce qu’il y a à gratter. Si on a entendu parler de « droite décomplexée » pendant la campagne des présidentielles, c’est finalement à ça que l’expression s’applique le mieux : la droite du fric, du commerce, du business über alles, de l’efficacité contre les symboles, du tango avec Kadhafi pour qu’il achète nos putains de Rafales invendables et nos usines nucléaires à désaler les blaireaux.

Le Pèzident a même jugé honorable de faire entrer le Colonel putchiste dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale. Il n’a pas fait ça pour que Mouammar ait au moins une fois l’occasion de voir une véritable assemblée démocratique, car il s’en cogne énormément. Il a fait ça parce que c’est un honneur qu’on ne fait pas à n’importe qui, et justement, on ne reçoit pas n’importe qui. Pour Kad, l’enjeu est à la fois politique et symbolique. Il cherche à renouer des relations « normales » avec les grandes nations, dont la France (politique) mais se paye le luxe de l’humilier en se faisant inviter comme un grand démocrate au sein de l’Assemblée, alors qu’il sait qu’on sait qui il est vraiment (symbolique). Vous voulez mes milliards ? Alors, un bon conseil : léchez-moi le cul ! a-t-il d’ailleurs déclaré aux journalistes qui l’interrogèrent à sa descente d’avion.

L'alibi de la Libye


Sarko cherche à vendre des Airbus, et il n’est pas dit qu’il échouera. On parle déjà d’une commande de 26 avions, miam. On parle aussi d’hélicoptères Fennec et Puma, de Rafales (le meilleur avion militaire dans la catégorie de ceux qui se vendent pas), de patrouilleurs maritimes, etc. Mais ce n’est pas tout : selon des sources proches de l’Elysée, le fils Sarkozy, probable successeur politique de papa dans quinze ans, a même réussi à vendre son ordi et sa Smart au fils du Bédouin ! Encore une information jamais relayée par la presse…

lundi 10 décembre 2007

La glandouille qui mine la France !

La France se lève tôt, 7 jours sur 7

Une vieille blague sur le Français moyen lui prêtait une sexualité active « surtout le samedi après-midi », sous entendu : on a le dimanche qui suit pour se reposer. Cette blague, déjà ancienne et désuète, deviendra probablement incompréhensible aux générations qui arrivent, quand on aura transformé le dimanche en jour comme les autres.

Il est bien évident qu’une tradition ou un usage remontant au VIème siècle ne saurait être un obstacle sérieux à la marche de l’économie. L’opération sera d’autant plus facile à mener que personne n’est plus assez gonflé pour revendiquer ce jour chômé, d’origine religieuse, comme référence de tous les citoyens. Les curés ont été mis au pas, les églises sont presque vides, et une bonne part des habitants du pays ne sont ni ne se disent chrétiens. Certes, les syndicalistes les plus laïcards ne crachent pas sur les fêtes d’origine chrétienne, car ils ont bien compris qu’il est préférable de conserver du lest à lâcher face aux attaques des turbinophiles libéraux. Mais on n’a pas non plus fait la révolution quand il se serait agi de sauver le lundi de Pentecôte… première salve. Je rappelle d’ailleurs que cette loi a tout bonnement institué une journée de travail non rémunéré (7 heures), que saint-Raffarin, dans sa grande mansuétude, a permis de fractionner comme on veut, qu’elle soit prise le lundi de Pentecôte ou n’importe quand dans l’année (« du moment qu’il travaille gratuitement pour autrui, le salarié de France sort le nez du guidon pour mettre la main à la pâte » JPR, journal de 13H de TF1, 12/09/2004).

Dans notre pays heureusement laïc, les turbinophiles ont bien compris qu’il fallait attaquer la société à sa faiblesse : la religion majoritaire et ses archaïsmes. Or, si la religion catholique a historiquement opprimé pas mal de monde, elle a aussi apporté des éléments bénéfiques, et ceci dès ses origines. Sans faire jamais l’apologie de la fainéantise, l’Eglise a pourtant institué de nombreuses pauses dans la vie de labeur du peuple. Ne pas travailler le dimanche en faisait partie. Certes, on ne travaillait pas le dimanche pour pouvoir se consacrer à dieu, mais ça laissait du temps pour soi et ça marquait quand même une différence entre l’homme et la bête de somme. Maintenant que dieu est mort, on peut profiter de cette journée pour faire autre chose que le chagrin, même regarder la télé, même glander en pyjama sur son canapé, même bayer aux corneilles, même être avec des amis, sa famille, même lire des livres ! On relativise le dimanche chômé en tant que vestige religieux, comme si tout ce qui avait la religion pour origine était à foutre en l’air. Mais « tu ne tueras point » aussi, c’est d’origine religieuse ! Va-t-on se mettre à buter à droite à gauche pour faire marcher le petit commerce ?

Je me risque à la prophétie : quand le débat contre le dimanche chômé sera vraiment lancé dans la société, on trouvera des turbinophiles pour se servir de la religion contre elle-même : ils prendront l’argument des Musulmans (censés préférer le vendredi), des Juifs (samedi) ou des Adventistes du septième jour (le mardi après-midi de 14 à 18H30) contre les Chrétiens glandouilleurs du dimanche. On verra que, dans leurs bouches, ce qui était dépassé parce que d’origine religieuse deviendra actuel pour la même raison. Et, bien sûr, des associations de musulmans, qui n’attendaient que ça pour exister un peu plus, se réveilleront soudain incapables de supporter le travail le vendredi, entraînant de braves pékins qui n’y avaient jamais pensé.

Par bien des aspects, le dimanche, jour de repos commun à tous était un ciment familial et social (qu’on soit chrétien ou non, croyant ou non) : on démolira encore un peu plus ces ciments-là car, ça crève vraiment les yeux dans la France de 2007, la cohésion des familles et des différentes parties de la société est une perfection qui n’a pas besoin de soutien.

On peut souvent se faire une idée de quelque chose en observant le nombre de canailles qui la revendiquent. Dans le cas de l’abolition du repos dominical, la liste est chargée comme la langue de quarante poivrots. Au risque de faire dégueuler le lecteur de ce modeste article, je l’invite à être attentif à ceux qui, dans les mois qui viennent, pencheront pour la « libéralisation du dimanche », et à en prendre note. Cette liste à l’aspect de rafale comprendra les gens du Medef, les patrons de Gifi, le boss de Carrefour, le roi de la Halle aux chaussures, l’empereur Leclerc, les philanthropes de Lidl, Ed le fameux épicier et son pote le Number One des salons cuirs, le raffiné créateur des cafétérias Casino, le poétique proprio des parkings d’Auchan et les milliers de pauvres cons qui communiaient déjà le samedi après-midi dans les allées de ces temples, coude à coude, bite à cul, sous les accords stridents d’un R’n B franchouillard et dans le vacarme des enfants qu’on gifle.