jeudi 14 février 2008

11 septembre: contre enquête pour les distraits



Sur le sujet du 11 septembre, on observe un curieux phénomène. Les questions qui sont soulevées par certains « conspirationnistes », ou simplement certains sceptiques, sont traitées par le mépris et l’insulte. Je vais essayer ici de faire l’inverse. Une grosse majorité de gens s’en fout complètement, un petit nombre pense que le gouvernement américain est responsable du truc (le complot du siècle), et les autres croient la version officielle. La chose qui me dérange, c’est qu’il faut « croire ». Quand une thèse officielle n’a pas de contradicteur, on dit qu’on SAIT ce qui s’est passé. Dans le cas inverse, on est obligé de CROIRE à l’une ou l’autre thèse… De plus, on observe que certaines personnes sont portées à croire la thèse du complot en fonction de leur propre sentiment (négatif) à l’égard de Bush, et non en fonction de ce qu’ils savent. C’est parce qu’ils détestent Bush, les Etats-Unis ou l’impérialisme yankee qu’ils croient tout ce qui peut, selon eux, démontrer leur perversité. Or il faut être juste avec les faits, ou tenter de l’être : on a beau être anti nazi, on est forcé de reconnaître qu’ils n’étaient pour rien dans le massacre de Katyn, quoi qu’on ait tenté de faire croire.

J’ai visionné une contre enquête américaine sur le 11 septembre sur le blog d’Anarveg (http://anarveg.blogspot.com/2008_02_11_archive.html). Un premier reportage, qu’il replace d’ailleurs dans son post, m’avait ébranlé. Puis j’y avais relevé certaines incohérences. Elles se retrouvent dans la nouvelle contre enquête.

Préalable : les enquêteurs passent l’événement au crible de la critique, et ils ont raison. C’est légitime, indispensable et parfaitement normal. Je vais tenter de faire de même, passer leur enquête au même crible critique, c'est-à-dire que je vais en relever les incohérences, les à peu près, les erreurs troublantes. Je n’ai aucun moyen d’investigation qui me permette de vérifier finement certaines affirmations balancées dans la vidéo, ni la validité de certains commentaires « d’experts », de « sommités », et de gros bonnets. C’est pourquoi je me bornerai à un examen de premier niveau, c'est-à-dire à ouvrir mes yeux et mes oreilles en prenant bien soin d’allumer le superbe processeur qu’il y a derrière. C’est donc une critique de téléspectateur, rien de plus. N’importe qui peut en faire autant.

Première vidéo :

1) Les tours ont été conçues pour résister au plus gros avion de l’époque, le Boeing 707. Le 11/09, c’était des 767. La nana qui parle dit qu’ils sont comparables… mais ne donne le poids que du 707. Je précise donc : le 707 à une masse maxi (poids + carburant+ passagers+ bagages etc) de 151 tonnes. Le 767 a une masse maxi de 204 tonnes… Première manip.

2) L’enquête prétend montrer qu’on a « fait tomber » les tours. Des explosifs installés au préalable, un avion qui fonce dedans, tu laisses brûler un peu et tu fais péter les explosifs, ni vu ni connu. Or, à 06 minutes 06 secondes (puis à 00 :32 dans la vidéo 2), on voit distinctement le haut de la tour qui s’effondre en biais sur le reste de la tour. Le point d’impact de l’avion est l’endroit où « ça lâche », très précisément. Le reste de la tour, en dessous, est alors apparemment solide. L’effondrement commence précisément ici, ce qui supposerait, dans l’hypothèse des explosifs, que ce sont des explosifs placés miraculeusement au point d’impact des avions qui font tomber le haut de la tour. Placés là à l’avance, intacts après le choc de l’avion, détonateurs en état de marche après l’incendie… Tu y crois toi ? Deuxième manip.

3) La narratrice remarque qu’il sort de la fumée des tours, et non du feu. Elle invite le spectateur à un souvenir personnel : quand vous essayez d’allumer un feu de bois, la fumée indique que le feu ne brûle pas bien, et qu’il manque d’oxygène. C’est vrai, mais mon souvenir perso me dit aussi qu’un feu de branches, de feuilles même mouillées, qui fume paresseusement toute une nuit, quand tu viens y foutre un coup de fourche le matin, tu y découvres de belles braises : le feu a couvé, il a formé une sorte de four naturel, il ne s’est pas éteint pendant que tu pionçais et il est bien vivant. Pas besoin de kérosène. Troisième manip.

4) Elle donne des exemples de buildings d’acier qui ont brûlé, parfois pendant 20 heures, sans jamais s’effondrer. Tu te dis que si des buildings d’acier, comme le WTC, ne se sont pas effondrés suite à un incendie, le WTC n’aurait pas dû non plus s’effondrer. Elle précise même que la tour nord du WTC a brûlé trois fois plus longtemps en 1975, sans broncher. Elle oublie de dire qu’en plus de l’incendie, il y avait eu un putain de choc d’avion, ce qui rend l’équation un peu moins équilibrée. Et surtout, juste après ses comparaisons hasardeuses, un type (Paul Goldberger, temps10 :32) vient nous dire que la majorité des buildings d’acier sont construits d’une certaine façon MAIS que les tours du WTC « étaient différentes » (structure en tube super balèze, etc). Que vaut l’évocation des incendies de tours présentées comme identiques parce que faites en acier, alors que la structure du WTC était différente (peut-être plus solide sur le papier, d’ailleurs, mais la comparaison n’est de toutes façons pas valide) ? Quatrième manip.

Deuxième vidéo :

5) On nous montre des démolitions de buildings provoquées, pour qu’on puisse faire la comparaison avec le WTC, et y graver les similitudes dans notre cerveau. On insiste bien, on dit quelques mots importants… et on voit l’inverse. J’explique. Elle fait remarquer que les immeubles implosent, se plient sur eux-mêmes sans projeter de gravas autour (mais elle insiste sur les nuages de poussière, pour qu’on fasse le lien avec le WTC, comme si un truc énorme pouvait s’effondrer sans en faire. Mon vieux tapis aussi est plein de poussière, connasse, et je planque pas Georges W Bush dessous !). On voit donc des immeubles se casser la gueule en partant de la base. Les mecs y ont mis des explosifs, ils pètent, la base se tire, les murs s’effondrent. OK. Or, les tours du WTC font l’inverse. La base est rigoureusement solide, impeccable, les vitres brillent, tout fonctionne comme dans une économie capitaliste libre d’entraves et de droit social, et c’est le haut de l’immeuble qui se vautre dessus. C’est donc L’EXACT INVERSE DE CE QU’ON VEUT DEMONTRER, bande de faux-jetons !

Pire, elle nous fait remarquer (temps 02.32) qu’on y voit des « explosions plutôt que des implosions, une première dans l’histoire des démolitions ». Mais bordel, c’est une première en effet parce qu’il ne s’agit PAS d’une démolition, mais d’un effondrement accidentel ! Elle a le toupet de remarquer un point de différence entre les démolitions provoquées et la chute du WTC, et tente de le tourner en argument à sa cause. En fait, n’importe quel téléspectateur peut voir que le WTC ne tombe PAS DU TOUT comme les buildings qu’on démolit, qu’il fout des débris partout, que les étages supérieurs s’effondrent en enfonçant les étages inférieurs, mais que la base n’est pas du tout sapée, comme dans le cas des démolitions volontaires. Cinquième manip.

Elle nous parle de débris « projetés latéralement » (avec photo à l’appui, temps 02 :55), comme si seule une explosion (volontaire) pouvait souffler des débris. Déjà, la photo nous montre des débris qui tombent. Pas latéralement, mais de haut en bas. Si vous avez déjà craché depuis le dixième étage d’un immeuble (ou mieux, jeté une bombe à eau sur la tête d’un môme), vous savez que ce qui tombe de haut n’a pas besoin de beaucoup d’énergie pour aller loin latéralement. Or là, c’est une putain de tour de 400 mètres qui s’effondre. Les débris minuscules que sont (à son échelle) des poutrelles de plusieurs tonnes, se pètent et valdinguent bien naturellement assez loin de leur emplacement d’origine !

Elle prend ensuite l’exemple d’un bout de ferraille de 270 tonnes planté dans la façade du World Financial Center (WFC). Même en la croyant sur parole concernant le point de l’objet – et sa parole commence à être sérieusement douteuse- elle nous dit que 270 tonnes représentent « deux fois le poids d’un Boeing » (mon cul ! voir plus haut) et qu’il est planté à 122 mètres de distance. Quelle énergie faut-il pour faire ça ? demande la sournoise (sous-entendu : des explosifs). Or il se trouve que je connais un peu ce coin de Manhattan (les bureaux du blogue sont à deux pas), et que le WFC se trouve juste en face du WTC, de l’autre côté de la rue (Church Street), une petite rue de merde à deux voies (deux ou trois, je me souviens plus). En tous cas, pas à 122 mètres (même en enlevant la largeur des trottoirs, ça nous ferait des voies de près de 40 mètres de large : même à Marseille y z’ont pas !). Sixième manip.

J’arrête là. En 20 minutes de pseudo contre enquête, on trouve plus d’incohérences que dans un discours de Sarkozy. Dans un travail qui se présente comme critique, on est en droit d’attendre une rigueur sans défaut. Or, pour peu qu’on mette son propre désir d’être émerveillé en sourdine, on remarque sans beaucoup d’effort que les mots sont utilisés pour suggérer ce que l’image dément, que les contre infos sont approximatives ou fausses, que les remarques « de bon sens » sont bancales. On est manifestement devant une grosse daube. Ça peut faire de la peine à ceux qui rêvent de prendre Bush la main dans le sac du plus gros complot de l’histoire, mais ça ne tient pas. Bush est une plaie, certes, il est nuisible, con comme un manche et favorise ses potes milliardaires, mais ça n’en fait pas l’auteur du 11 septembre pour autant. En tous cas, cette contre enquête ne démontre qu’une chose : y’en a qui aimeraient le faire croire.

A part les anti-américains fanatiques, les partisans d’Al-Qaida et les conspirationnistes gourmands, insensibles à la méthode critique, ceux qui sont séduits par ce genre de « contre enquête » devraient s’interroger sur les raisons de cette séduction : pourquoi ne se posent-ils pas plus de questions quand on vient prétendre qu’une démocratie est capable de faire ça à son propre peuple ? Qu’est-ce qui les pousse à envisager qu’une société démocratique peut être machiavélique et perverse à ce point-là ?

Ceux que ça intéresse peuvent continuer le travail critique sur le reste du document, moi, je sais quoi en penser.