dimanche 30 mars 2008

Lècheculisation médiatique

(L'information, piège à cons III)


Le premier qui me traite de président, j'lui nique sa mère !

Dans le domaine de la politique, il serait assez simple de démontrer, exemples à l’appui, que les médias fabriquent de toutes pièces des sujets, surfent sur certaines vagues par le biais de sondages, poursuivant un but unique et jamais évoqué : vendre du papier. Certaines périodes sont plus propices aux combinazione des médias, surtout les périodes post-électorales. On se souvient, par exemple, de la nomination du stupéfiant Jean-Pierre Raffarin au poste de premier ministre comme une période particulièrement favorable pour les médias français. Homme d’appareil et de parti depuis longtemps, le type semblait sortir de nulle part, c'est-à-dire du Sénat, du Conseil Régional de Poitou Charentes et de l’enivrant club Giscardisme et modernité. Pain béni pour les médias, qui firent leur maximum pour diffuser l’image d’homme de terrain de cet authentique pro de la politique, c'est-à-dire pour collaborer à l’édification de ce qu’on appellerait un mythe, si le sujet ne se nommait pas Raffarin… Personne n’a oublié le ton d’allégresse médiatique des articles sur ce champion des sondages, dont on vantait le sens du contact, la compassion pour les petites gens, le goût simple et la capacité (unique dans l’Histoire de France) de prononcer des phrases ridicules devant les caméras sans la moindre honte. Chaque jour, les images le montraient en Sisyphe de la poignée de main et de la tape dans le dos, tandis que les commentateurs s’extasiaient entre deux léchages de cul. La France d’en bas, rappelons-nous que c’est de lui. Puis le pitre s’est cassé la gueule, comme il était écrit qu’il le ferait, et les médias on accompagné le mouvement.


Il est bien évident qu’à l’exception de quelques benêts, personne, dans la presse mondiale, n’en n’avait rien à foutre de Raffarin ! Le problème n’est pas ici de relever une éventuelle collusion ni des « idées » trop convergentes entre le monde politique et les médias, mais une gamme de techniques de camelots que la presse utilise pour donner aux gens l’impression qu’il se passe quelque chose autour d’un personnage, souvent présenté par rapport à un modèle du passé tenu pour grand (Pinay, de Gaulle, Mendès, Jeanne d’Arc) et systématiquement éclairé avantageusement au début de ce que tout un chacun appelle désormais un « état de grâce », alors que ce n’est qu’un buzz. Sauf à croire qu’un premier ministre nommé par Jacques Chirac (n’oublions pas ce détail) pouvait se transformer subitement en homme providentiel, il était clair dès le début qu’on avait affaire à une manœuvre médiatique d’amplification systématique. Le simple ton employé à la télévision pour relater l’important déplacement du Raffarin dans une coopérative agricole inondée participait de cet entertainment, de cette auto suggestion encourageant l’optimisme et les commentaires épatés.

On a utilisé les mêmes techniques après la dernière élection présidentielle. Les sondages étaient bons pour le Pèzident, il dînait dans des palaces, faisait du yacht dans le Pacifique, se glandait les burnes dans des résidences princières ou donnait l’avis de la France dans une importante conférence internationale, c’était égal : les médias enfilaient les reportages épatés à chaque occasion, jogging poussif ou négo sévère avec la Libye (il est bien évident que je fais allusion aux médias dominants, les acteurs plus confidentiels étant généralement critiques par vocation). Il suffit d’avoir dix ans de recul sur ce genre de phénomène pour se souvenir qu’un mec élu a TOUJOURS de bons sondages pendant un temps, et qu’il se casse la gueule ensuite. C’est vrai depuis qu’on sonde, ce fut vrai pour Mitterrand et Chirac, et ça n’a pas empêché leur réélection. Accorder de l’importance aux bons sondages d’après élections est donc une abominable couillonnade indigne du journalisme le plus amateur, mais ça fait vendre du papier. Et bien sûr, l’information, même sondagière, s’autoalimente en permanence dans un sens ou dans un autre (effets bandwagon et underdog – en gros, suivisme des sondés).

Venons-en au sujet actuel : Bertrand Delanoë. Tout le monde a remarqué que les médias présentent ce type comme un présidentiable depuis pas mal de temps, contre toute évidence. Avant la dernière présidentielle, il semblait qu’il fallait absolument qu’il se présente contre Ségo, Fabius et Strauss Kahn, même s’il n’était pas d’accord lui-même… Après les municipales, on nous ressort la même salade : il a conservé sa mairie, il est « la personnalité politique préférée des Français » (sondage), il est donc très utile pour monter artificiellement un semblant de suspens au sein du PS. Ségo contre Delanoë, c’est aussi subtil que Beatles contre Rolling stones ! S’il suffisait d’être « la personnalité préférée des Français » pour être bombardé big boss, on aurait connu les règnes de Rocard, de Delors, de l’abbé Pierre, du commandant Cousteau, et on en serait bel et bien à yannick Noah… On cherche même à nous convaincre que Delanoë serait sur un parcours comparable à un certain Chirac, au motif ridicule qu’il fut lui aussi maire de Paname, alors que Chirac, patron et créateur d’un parti fort, organisant sa vie publique autour de la conquête de l’Elysée, était passé deux fois par Matignon avant. Delanoë n’a même jamais été ministre des écoles maternelles ! A part briller dans des pinces-fesses internationaux et échouer à l’organisation des J.O. qu’a-t-il fait de particulier ? Battre Tiberi ? Tapisser Paris de couloirs de bus ? Hisser la motocrotte au rang d’art du vivre ensemble ?


Un empire! Un peuple! Un maire de Paris !

Non, il est au PS depuis des décennies et n’a visiblement jamais montré d’appétit pour le rôle de chef présidentiable. Il est plus que probable que Delanoë ne sera jamais Président de la République, et même qu’il ne se risquera jamais à se présenter comme candidat. Il se fait élire assez peinard par des Parisiens « de gauche » qui votèrent OUI à 65% au référendum sur le traité constitutionnel européen, mais la France n’est pas encore couverte de bobos… Les médias ne peuvent pas se permettre de laisser une certaine forme de silence s’installer dans le flux d’informations qu’ils mijotent. Que Sarko soit mis en retrait temporairement, que le PS n’ait pas encore clairement réglé ses soucis internes, et voilà qu’on fabrique des bulles autour d’un aimable clampin, accessoirement maire de Paris, et qu’on tente de convaincre le pays que cet homme couchera un jour à l’Elysée. Pour les médias, l’idéal est probablement de transformer la vie politique en parc d’attractions, avec frissons garantis, surprise au bout du tunnel et renouvellement permanent des manèges. Tant qu’y a des cons qui paient ! C’est Franceland© fait de l’analyse politique …

mardi 25 mars 2008

T'sais quoi, en vrai : le Tibet, on s'en fout !

(ou L’information, piège à cons II )

Et on frappe dans ses mains !

Sur Bakchich, dans la rubrique « Coup de boule », on lit ce joyeux billet, qui ne manquera pas de faire réagir. http://www.bakchich.info/article3102.html En gros, l’auteur de l’article remet le Dalaï-Lama à sa place, c'est-à-dire celle du chef d’un clergé moyenâgeux et autrefois tout-puissant, qui faisait suer le burnous à son peuple en nageant dans le sous développement et la fausse non violence.

Le Dalaï-Lama est une sorte de victime parfaite qu’il est absolument inutile de vouloir dénigrer : les gens l’aiment par habitude, par effet de mode ou parce qu’il est inoffensif, comme si c’était une qualité en soi. Qu’on l’aime ou qu’on s’en foute, d’ailleurs, il faut reconnaître que les discours officiels et médiatiques sur le personnage sont rarement négatifs. On chercherait même la trace d’une simple critique à son encontre sans grand risque de trouver matière à scandale. Le Dalaï-Lama, c’est un peu le Georges Brassens de la spiritualité : ses biographies ressemblent à des quatrièmes de couv. Il faut dire que le bougre a de sacrés potes, de Richard Gere à Michaël Jackson, de Jean-Claude Carrière à l’implacable Bono, qui promeuvent son sourire et ses private sentences dans le monde entier. Il est assez rare qu’un esprit aussi simple cartonne aussi longtemps dans le show business mondial sans qu’un mouvement général de dérision apparaisse. Il est capable de dire « il faut que tu cherches l’homme qui est en toi plutôt que de laisser s’exprimer l’animal par ta bouche », sans que le genre humain se torde de rire. Le Dalaï-Lama est une sorte de super curé, un pape exotique désarmé, un chef d’Etat foutu dehors de chez lui, comme il y en a des wagons entiers sur la côte d’Azur, mais, comme il est impuissant, on l’écoute radoter avec bienveillance. Qu’un religieux au pouvoir vienne donner le même genre de conseils sur la façon de gouverner notre vie, et on entendra les admirateurs du tibétain gueuler en invoquant les croisades, la charia et le veau d’or. Les gens cools qui admirent Super Lama savent-ils qu’il est contre l’avortement, par exemple ? Modestement nommé « Océan de sagesse », le Vieux semble toutefois s’accrocher à son Tibet comme le moins sage des nationalistes serbes. Pourtant, dans la perspective d’abandon du moi et de toute idée de propriété temporelle, ne serait-il pas plus sage, justement, de chercher à vivre une vie parfaite ailleurs qu’au Tibet sinisé, sans s’accrocher à ses coutumes perdues, à son bout de terrain, à son pouvoir, à ses richesses matérielles dont on dit à longueur de proverbes qu’elles ne sont qu’un leurre, qu’une erreur, qu’un fardeau pour l’homme ?

Mais je m’emporte. La question que je voulais poser ici est celle-ci : peut-on se foutre des Tibétains ? L’article de Jacques-Marie Bourget, dans Bakchich, semblait juger de la légitimité de la liberté tibétaine à l’aune de son caractère démocratique : « Un Tibet libre ? Oui mais une démocratie. » Comme si il n’y avait pas d’autres façons d’être libre, ni aujourd’hui, ni demain, ni hier… Il s’agirait donc d’être solidaire d’un peuple qui lutte pour son indépendance si, et seulement si ce peuple désire établir un régime identique au nôtre. C’est une conception assez curieuse de la liberté. Les Tibétains, dont je me fous pas mal par ailleurs, n’auraient-ils pas le droit de choisir librement de croire à leurs réincarnations, de révérer leur dieu vivant et de s’abrutir de prières ? L’option Bourget revient à dire : établissez la démocratie ou crevez en exil. Comme si les Tibétains exilés ne devaient espérer revoir le Tibet qu’à cette seule condition.

En réalité, Bourget est comme tout le monde : le Tibet, il s’en tape. Il ne fait rien pour le Tibet, il ne part pas en guerre contre les intérêts chinois, il ne milite pas, il ne donne pas d’argent, il ne crée pas de lobby. Il est fort probable que, comme chaque lecteur de ce blogue et comme moi-même, il n’a rien fait non plus pour le Rwanda, pour le Soudan, pour l’Irak ni pour aucun autre « drame de l’actualité » (peut-être quelque pognon pour les victimes du Tsunami ? OK). Mais comme l’impuissance-indifférence est une chose difficile à admettre, à avouer, et encore plus difficile à assumer, il trouve le prétexte de la démocratie pour passer quand même pour un type « concerné ». C’est une tartuferie très répandue, c’est même la plus répandue depuis l’invention du journal télévisé.

Chéri ! Il reste des bières, dans l'frigo ?

Pour lutter mentalement contre les complexes que le JT nous file à longueur de « drame de l’actualité », nous avons inventé l’indignation stérile, la condamnation de principe et la solidarité discount. L’actualité est suffisamment violente pour nous fournir à flux tendu des occasions de passer (verbalement) pour des cœurs généreux, voire pour des héros. On assassine en Tchétchénie ? Quels salauds ces Russes ! On ratonne à Lhassa ? On devrait faire quelque chose, merde ! On zigouille au Darfour ? C’est un scandale ! Accoudé au zinc ou calé devant son écran, le citoyen informé fait semblant de ne pas être inutile en ouvrant un peu sa gueule. C’est humain, ça libère, ça permet de continuer de s’intéresser à l’actualité, comme si le monde en avait quelque chose à foutre que tu t’y intéresses, hé nabot! Non, il faut être juste avec soi-même : quand on ne fait rien pour quelqu’un, c’est qu’au fond, on n’en a rien à foutre. C’est tout aussi vrai pour l’Histoire en train de se faire. Ce n’est peut-être pas joli-joli, mais c’est ainsi. Pour prendre un exemple ultra minimaliste, combien de gens refuseront de regarder les J.O. à la télé par solidarité avec le Tibet ? Douze ? Vingt ? Ce n’est pourtant pas un geste difficile ni dangereux, mais on sait bien que personne ne le fera… Le plus joli, c’est que tout Franceland© fait comme s’il était important que chacun sache qu’il se passe des choses affreuses à l’autre bout du monde, mais personne n’en fait jamais le bilan : ça change quoi de savoir qu’un génocide se déroule au Soudan, au Rwanda, ou que les Chinois cassent du tibétain ? L’histoire a montré et montrera encore ceci : ça change que dalle.

Comme l’a peut-être dit le Dalaï-Lama, l’homme libre, c’est celui qui connaît ses limites. Il serait temps que les victimes de l’information-totale prennent conscience des leurs, et profitent ainsi de la liberté au lieu de se remplir la bouche en vain avec son joli nom.

vendredi 21 mars 2008

Happy slapping à l'Hôtel de Ville

Y m'a traitée, c'batard!

Raphaël Ruffier est rédac chef de Lyon-Capital, hebdomadaire inutile et lyonnais. Désormais, le danger inhérent au métier de journaliste, il connaît. Son corps en est marqué. A-t-il reçu une rafale de mitraillette en tentant d’interroger un moine tibétain en pleine ratonnade ? Non. A-t-il été séquestré par des terroristes irakiens dans les faubourgs de Bagdad ? Non plus. A-t-il dégusté ferme sous les bombardements à Gaza ? Mais non, vous dis-je ! Nous sommes à Franceland©, ne l’oublions pas. Ce brave a simplement été giflé, oui, giflé sur la voie publique, par la meuf du maire de Lyon, Caroline Collomb, ancienne collègue de fac du Ruffier en question, et ancienne instructrice de self –défense à l’Unef. L’histoire est brièvement racontée ici : http://libelyon.blogs.liberation.fr/info/2008/03/lpouse-du-maire.html

A la lecture de cette triste histoire de violence féminine, on parierait que l’origine de la raclée est probablement une histoire de cul. Sache, fidèle et innocent lecteur, que malgré son histoire bi millénaire, Lyon est une toute petite ville où il est difficile de ne pas coucher avec tout le monde, et je sais de quoi je parle.

Il y a peut-être vingt ans de ça, un journaliste de Libé avait eu la mauvaise idée de débiner Bernard Lavilliers dans un article particulièrement nul. Nanar et des potes étaient passé lui dire la messe, ponctuant le catéchisme de soufflets retentissants. On avait un peu crié au scandale, mais chacun aura remarqué que des conneries sur Lavilliers, depuis vingt piges, on n’en lit plus une seule dans la presse mondiale ! La baffe dans la gueule, on a beau être civilisé, avoir le portrait de Gandhi au dessus de la télé, on est forcé de reconnaître : ça marche !


Les élections municipales auront même servi à ça : rétablir les hiérarchies. On était sur le point de penser que le Pèzident était décidemment un sacré couillu (« viens l’dire ici ! », « dégage pauv’con ! », etc), et on s’aperçoit qu’une jeunette socialiste bon teint, blonde comme les blés, même pas pote avec Devedjian, manie le bourre-pif en toute décontraction, sans finalement en faire un fromage. Nous, on est comme ça, à Lyon : discrets, mais fais quand même gaffe à ta gueule !

Bouge ta prison !

Envie de voyage ?...

Le 12 février dernier, le Sunday Times balançait qu’une prison secrète de la CIA serait en cours de construction au Maroc. Situé près de Rabat, ce projet de prison servirait de lieu d’accueil et d’écoute (« emprisonnement et interrogatoires », selon les esprits négatifs) pour les terroristes estampillés Al Qaida… Le Maroc a officiellement démenti l’info mais les mauvaises langues ont fait ce qu’elles savent le mieux faire : elles se sont déliées. Un haut responsable de la CIA a même défendu l’idée d’une prison délocalisée, en s’appuyant sur l’humanisme : « les terroristes arrêtés seraient ainsi emprisonnés près de leurs pays d’origine. Leurs familles pourraient leur rendre visite sans avoir à subir les humiliants contrôles douaniers que les Etats-Unis réservent à tous les métèques étrangers arrivant sur leur sol. »

La France, c’est bien connu, n’emprisonne pas de terroristes, surtout pas des terroristes dangereux, car elle tient à rester l’amie de tous dans le respect des différences et du droit, amen. Mais elle se fait épingler par toutes les enquêtes sur ses prisons. L’hiver dernier, Kadhafi est reparti « horrifié » de sa visite à la prison de la Santé, reconnaissant tout de même qu’il y avait repéré quelques bonnes idées, « à mettre en œuvre dès mon retour au bled »…

La France a des prisons de merde, tous les rapports le disent. Depuis que des gros bonnets de la finance, du show business, du sport et de la politique y ont séjourné, on commence à s’inquiéter de leurs témoignages, et certains, parmi l’élite républicaine, se mettent à imaginer devoir y passer un jour. Qui a dit que nos politiques sont imprévoyants ? Le Président de la République lui-même a décidé que ça ne pouvait plus durer. Perben vient donc de désigner Bouygues pour la construction de trois prisons d’ici 2011, à Nantes, Lille et Réau. Il avait le choix entre Spie Batignolles, Vinci Construction, Eiffage et Bouygues, mais tout le monde n’est pas le parrain du fils du Boss… Si on accepte l’idée que les caisses de l’Etat sont vides et qu’elles ne sont plus remplissables, on doit logiquement admettre que le privé vienne accomplir, contre un joli paquet de fric, ce que l’Etat ne peut plus faire. Construire une prison ? Mais comment donc, mais parfaitement ! L’administrer ? Pas de problème ! La remplir ? Non, quand même pas, pas encore…

La prison: le droit d'être bien enfermé.


Seulement voilà : le territoire national coûte cher. Construire une prison sur un terrain en France est un luxe que ne méritent peut-être pas les gibiers de cellule, se dit-on du côté du ministère. On a vite fait de calculer que sur la surface de la prochaine prison de Nantes, on aurait pu implanter des lotissements pour six mille familles ! Ça rapporte, ça, six mille familles ! Six mille baraques mal foutues qu’il faut sans cesse décorer, entretenir … six mille tondeuses à gazon… six mille barbecues ! S’inspirant alors de ce que fait notre belle industrie française depuis quelques années, le Pèzident a décidé de monter d’un cran supplémentaire dans l’externalisation des services en délocalisant carrément les prochaines prisons dans des pays pauvres, mais émergeants. « Actuellement, nous confie Jean-Benoît Frilesse, inspirateur du projet, un employé de prison (gardien ou personnel technique) coûte en moyenne seize fois plus cher en France qu’en Namibie, douze fois plus cher qu’au Pérou et encore neuf fois plus cher qu’en Roumanie, calculs faits en excluant les droits à la retraite ! Pensez-vous que la France, c'est-à-dire les contribuables, doivent passer à côté d’une telle opportunité d’économie ? » Probablement pas, en effet.

Vous ne verrez plus le Pérou comme avant...


C’est ainsi que la prochaine prison-Bouygues sera édifiée dans la banlieue de Chiclayo, au Pérou, avec des maçons locaux (artisanat méritant et très habile), des femmes de ménages locales (elles abattent leurs douze heures quotidiennes le sourire aux lèvres), des cuisiniers du coin (plats épicées, très bon pour le transit intestinal), des matons locaux (anciens militaires en retraite, rompus à la psychologie masculine) mais des détenus 100% made in France, évidemment. J.B. Frilesse insiste sur "le bon sens" d’une telle mesure : « Les consultations d’usages n’ont pas permis de dégager de réels arguments contre la délocalisation des prisons. Non seulement nous faisons faire des économies au budget de l’Etat, mais nous offrons une chance d’apprendre une langue étrangère aux détenus, surtout les longues peines ; nous fournissons du travail aux populations locales dans le cadre d’un accord de développement basé sur le travail, et plus seulement sur l’assistanat ; nous exportons le savoir-faire français dans les domaines de la sécurité et de la construction et nous allégeons considérablement les charges administratives spécifiques aux visites en parloir. C’est une opération gagnant - gagnant qui va servir de modèle à l’Europe entière ! D'ailleurs, les demandes de conventionnements internationaux affluent déjà au ministère, aussi bien de la part de la Russie que de la Chine, sans parler de la Turquie, qui est prête à beaucoup de sacrifices pour faire la démonstration de sa compétence. »

Merci qui ?