lundi 23 juin 2008

Le retour des ... ESCLAVAGISTES !!

Dans le Journal d’un négrier au XVIIIème siècle, (capitaine William Snelgrave), paru récemment chez Gallimard (Témoins), on trouve ce stupéfiant avant-propos, signé Pierre Gibert S.J. : « Le 10 mai 2006 fut pour la première fois célébrée en France la commémoration de l’esclavage et de la traite négrière. Si l’esclavage est un des plus anciens fléaux de l’humanité et, malheureusement, un des plus répandus, qui continue de sévir aujourd’hui, il connut, entre le XVè et le XIXè siècle, une de ses plus terribles formes : celle qui asservit des millions d’êtres humains à partir de l’Afrique en direction des Amériques. Pour cela se développèrent à grande échelle des entreprises européennes et américaines, maritimes, commerciales et politiques qui devaient se conjuguer avec des pratiques et des engagements indigènes, en particulier sur la zone côtière qui va du Sénégal à l’Angola. […] Alors que le contexte de suspicion dans lequel sa réédition fut envisagée aurait pu l’empêcher, on reconnaîtra que le pittoresque même du récit du capitaine Snelgrave ne peut que rendre encore plus odieuses et moins défendables des pratiques multiséculaires.[…] »

Qu’en 2008, en France, un type trouve plus prudent de préciser que l’esclavage n’est pas défendable, voilà qui ne manquera pas de surprendre les historiens des années 2500 ! Alors, si ces historiens du futur tombent sur ce misérable article, je leur précise qu’à ma connaissance, personne en France ne défend ni n’excuse l’esclavage, qui est regardé comme une pratique barbare et totalement inhumaine, qu’il n’existe pas ici de parti esclavagiste (ni ailleurs dans l’univers) et que, comme les combats de gladiateurs dans les arènes et le comique troupier, l’esclavage en tant que système appartient au passé de l’humanité. Parmi les plus immondes canailles que compte notre époque, PAS UNE SEULE n’a jamais développé publiquement une théorie de l’esclavage qui justifierait la précision de Gibert S.J., ou la rendrait simplement compréhensible. En revanche, mesdames et messieurs les historiens du futur, ne manquez pas d’apprécier le grotesque d’un temps où les plus parfaits innocents sont moralement sommés de préciser, à toute occasion, qu’ils ne sont ni des monstres, ni des assassins, des tortionnaires, des esclavagistes, des déporteurs d’enfants, des décapiteurs de vieux sages, des enculeurs de nonnes, des conchieurs de Résistants, des apologistes du massacre, ni des fortes têtes.

Attention : cette photo n'a pas été prise la semaine dernière sur le marché!

Précision ultime sur cet ouvrage : composé de trois parties, seule la seconde aborde spécifiquement la traite négrière, ce qui fait moins de trente pages sur 250… le reste est intéressant, notamment le récit bien foutu de la capture de son navire par des pirates, mais sans grand rapport avec le titre.

vendredi 20 juin 2008

Laïcité, lubricité !

Chienne impudique !

Encore une polémique à base racialiste, ou racialisto-religieuse. La municipalité de La Verpillère, dans l’Isère, a organisé une journée à la piscine réservée aux femmes. Pour le maire, il s’agissait d’une initiative ponctuelle, une simple journée destinée à faire découvrir la piscine à des femmes qui probablement n’y allait jamais. Pour lui, la polémique aurait enflé sans raison. Pour l’opposition (UMP), il s’agit d’une atteinte à la laïcité. Fadela Amara a trouvé ça scandaleux, et tout le monde semble assez d’accord pour qu’au pays de Brigitte Bardot, on ne commence pas à séparer les hommes et les femmes à l’heure de la baignade. (voir ICI ou LA). Par ailleurs, on apprend qu’une association sportive musulmane de l’Essonne a tenté d’organiser un tournoi de basket féminin interdit aux hommes (sur le terrain, oui, mais aussi dans les gradins !). Personnellement, si on me dit qu’il existe des hommes assez désoeuvrés pour aller voir des matchs de baskets apposant des nanas entre elles, je veux bien le croire, mais ça me scie considérablement le cul… enfin, même le ministre du muscle a donné raison au maire qui a dit niet ! Point commun intéressant dans les deux affaires, les maires concernés, qui ont pourtant eu des attitudes exactement contraires, utilisent le même argument de « la tempête dans un verre d’eau ». Ben ouais, c’est pô grave…

Insoutenable !

Il est bien évident que ce genre de truc pas grave se multipliera, et que la République devra être soit attentive, soit souple. Dans des domaines très variés, et pour des raisons parfois opposées, des associations diverses voudront « protéger » certaines femmes, utilisant d’ailleurs le même vocable que les proxénètes, mais passons. Le paradoxe, c’est que l’opposition viendra le plus souvent des féministes « historiques » qui, au nom de l’universalisme et de l’égalité de droit, refusent ces mesures d’exception. Il est non moins évident que pour les « séparationnistes », la fameuse loi sur la parité en politique est une référence qu’il est assez facile d’invoquer. Que les affaires comme celles d’aujourd’hui se multiplient, et on y viendra. Au moment des discussions sur cette loi (du 6 juin 2000), ceux qui s’y opposaient craignaient justement qu’elle constitue un précédant dangereux qu’on pourrait ensuite invoquer pour tout et n’importe quoi. Bien qu’on les ait traités de réacs et d’affreux dégueulasses, il est manifeste que, sur ce point au moins, ils avaient vu juste.

Dans le progrès comme dans la capilotade, les choses vont souvent lentement. L’une après l’autre. On commence par séparer les gens dans les piscines (ces infâmes lieux de débauche !), on autorise les couteaux à l’école (canada), on tente d’instaurer des juges communautaires religieux et on se retrouvera peut-être un jour avec des attaques iconoclastes au Louvre… Dans un domaine aussi compétitif que la politique, les religieux ont assurément un coup à jouer, et ils le joueront. Qu’ont-ils à y perdre ? On parle d’eux, ils existent, ils « lancent le débat », et si on ne leur résiste pas trop, ils peuvent même obtenir satisfaction ici ou là ! Evidemment, ils ne sont pas majoritaires, ils ne représentent actuellement pas grand monde, et rien ne dit qu’ils continueront à nous faire chier très longtemps. Mais si on se comporte comme s’ils avaient une quelconque légitimité à l’ouvrir (le fameux respect dû aux opinions religieuses – sainte couillonnade à l’eau tiède), ils l’ouvriront, et de plus en plus ! Je veux être clair : il est normal, logique, cohérent que des religieux à la mords-moi-le-livre-sacré tentent de faire prévaloir leurs lubies dans la société où ils vivent. Ils font comme tout l’monde, pardi ! Contrairement aux militants de la fesse joyeuse, je n’attends pas du Pape, par exemple, qu’il incite le monde à l’enculade citoyenne à grand coup de capotes ! Un peu de cohérence, voyons… c’est un religieux, il représente un monde magique, un monde où des types ressuscitent et fendent les mers en deux, et où des commandements millénaires servent encore de référence, on ne peut pas exiger de lui qu’il embrasse la raison et les mœurs modernes. En fait, il est comme tous les religieux : il ne comprend que la force. Il faut juste rester attentifs à maintenir favorablement le rapport de forces entre « eux » et nous…

Musulmane, détourne les yeux !

Si on veut être optimiste un instant, on peut même considérer que ce renouvellement des attaques à fondement religieux contre la société que la République a bâti est une chance : on s’endormait peut-être un peu sur nos beaux principes. On avait fini par bien cloisonner l’aire de jeu des curés et je trouve qu’on commençait à mollir un chouia. Que des barbus viennent nous chatouiller la laïcité n’est pas forcément un mal : on peut les prendre comme ces virus contre lesquels le corps doit apprendre à se battre s’il veut vraiment évoluer librement dans le monde. Leurs revendications sont souvent d’une aplatissante stupidité ? Tant mieux, si ça peut resserrer les rangs des laïcs, des mécréants et des athées ! Evidemment, avec le personnel politique mou qu’on a, et surtout avec notre Président, il faut s’attendre à voir pousser les Conseils du cuculte un peu partout, à voir les religieux associés en tant que tels à de sempiternelles commissions d’éthique, et d’une manière générale, à assister à du léchage de cul en règle alors qu’il faudrait intensifier la propagande ! Mais patience : la modération n’étant pas dans la nature des représentants de dieu (par essence, les potes d’un dieu unique, omniscient et omnipotent ne sont pas portés à la négo, c’est historiquement vérifié), leurs futurs petits succès les porteront fatalement à pousser le bouchon plus loin, jusqu’à ce qu’on soit de nouveau dans l’obligation de pendre les plus cons, pour l’exemple ! Vive l’avenir !

mercredi 18 juin 2008

végétaliens, assassins !

Le principe des Etats de droit, c’est qu’ils déclinent la logique de leurs normes juridiques jusqu’à une limite qu’on ne connaît jamais. Si un principe est adopté, les conséquences qui en découlent logiquement ne manqueront pas non plus d’apparaître, et deviendront probablement légitimes à leur tour. Si l’on accepte, par exemple, que la sexualité est affaire strictement personnelle entre adultes consentant, il est logique que la loi établisse l’égalité de tous les citoyens QUELLE QUE SOIT leur sexualité, et la « légalité » de toutes les pratiques sexuelles. S’il n’existe donc plus de norme légale en matière sexuelle, il est logique que les homosexuels demandent aussi le droit de se marier entre eux, et il est à prévoir qu’ils l’obtiendront. On pourrait leur opposer pas mal d’arguments, mais la logique de la loi semble bien être de leur côté.

Qué salade !

Les Suisses ont leur logique à eux, c’est bien connu. A deux heures du mat dans une rue déserte, ils n’auraient pas l’idée de traverser si le feu des piétons est au rouge… logique.

La Commission fédérale d'éthique pour le génie génétique dans le domaine non humain (CENH) pond depuis quelques années des avis sur les questions éthiques touchant au règne animal et végétal. Elle a dernièrement fait un joli coup en proclamant la dignité des végétaux et la nécessité de reconnaître leur valeur morale propre. Ça peut surprendre, et ça a surpris. Elle reconnaît elle-même, dans son rapport, que la question de savoir si les végétaux ont une valeur morale intrinsèque a pu être regardée comme ridicule par des membres de la commission eux-mêmes ! C’est dire… Le document est intéressant à lire, oscillant entre un ton on ne peut plus rationnel, dénué de tout excès apparent, et une puissance comique probablement consciente d’elle-même, mais qui ne s’affiche évidemment pas. S’appuyant imprudemment (à mon avis) sur des « découvertes scientifiques récentes », la CENH met en avant des « similitudes existant entre les végétaux, les animaux et les êtres humains aux niveaux cellulaire et moléculaire, et c’est pourquoi il n’y a actuellement plus de raison valable d’écarter d’emblée les végétaux de la communauté morale. » Il y a également des similitudes biologiques entre le corps d’un enfant et une goutte d’eau, pourrait-on faire remarquer…

Au final, cette commission annonce quelques points :

« 1 – Arbitraire : les membres de la Commission considèrent à l’unanimité tout acte de nuisance arbitraire envers les plantes comme moralement répréhensible. Le fait d’étêter sans raison valable les fleurs au bord de la route est un exemple d’acte arbitraire.

2 – Instrumentalisation : pour la majorité des membres, l’instrumentalisation totale des végétaux – qu’il s’agisse d’une collectivité végétale, d’une espèce ou d’un individu – requiert une justification au point de vue moral.

3 - Propriété absolue sur les végétaux : sur ce point également, la majorité des membres refuse, pour des raisons morales, l’idée d’une propriété absolue sur les plantes, qu’il s’agisse d’une collectivité végétale, d’une espèce ou d’un individu. Selon cette position, personne n’est en droit de disposer des végétaux selon son bon plaisir. »

Etant entendu que je ne suis pas suisse et que personne, parmi les lecteurs de ce blog, ne l’est non plus (ou alors, qu’il aille se dénoncer à la police fédérale !), cette farce ne nous concerne presque pas. Les Suisses peuvent payer des penseurs à discuter sur le sexe des anges ou la grandeur morale de la laitue, qu’est-ce que ça peut te foutre, me demanderas-tu, lecteur impatient. Il ne faut pas oublier un des mécanismes les plus sournois du Progrès (dans son volet intégristo crétino moral) : l’exemple. On nous dit souvent que telle ou telle mesure devrait être appliquée en France au motif que « trois mille pays l’ont déjà adoptée », ou qu’il faudrait au contraire abolir un de nos charmants archaïsmes (la langue française, par exemple) puisque la quasi-totalité du cosmos ne l’utilise pas ! Quand ça les arrange, les suppôts du Bien proposent toujours l’exemple étranger, fût-il minoritaire, pour faire honte aux réacs, aux conservateurs, aux indifférents et aux fils de pute. Alors quand le collectionneur de bonsaïs entendra sonner à la porte de son jardin (oui, ces cons-là installent des sonnettes dans leurs jardins, c’est connu), il devra bientôt se demander si ce n’est pas la police qui vient le priver de son « bon plaisir » de rempoter.

Tous en scène

En 1953, Vincente Minelli sort Band Wagon (Tous en scène, en français), un chef d'oeuvre de comédie musicale à l'américaine. Cyd Charisse (qui est morte hier) et Fred Astaire en sont les deux vedettes. Si le genre est tombé en désuétude, la perfection atteinte alors est toujours (au moins pour moi) une source d'étonnement.
Cette scène parfaite illustre bien le niveau d'exigence du film populaire hollywoodien d''il y a cinquante ans... Le diable se niche dans les détails, dit-on. Mais ici, il semble bien qu'il n'y ait plus aucun détail, le moindre pékin qui passe en fond de scène est parfaitement à sa place, et surtout dans le rythme. Quant à Fred Astaire, âgé alors de cinquante quatre ans, on a l'impression que la musique sort de ses bras et de ses jambes. Il attrape un siège pile sur le temps, il bourre une caisse de coups de pied, ou donne du cul dans un kiosque et c'est un très exact roulement de tambour, il jongle avec une balle et commande aux percus, il claque des doigts et la musique est. Soyez attentifs, c'est de la musique incarnée...

lundi 16 juin 2008

Censure et sans reproche

En cette année de commémoration foireuse (et morte née) de mai 68, de son mot d’ordre libertaire du « jouir sans entrave », voici une petite illustration de ce qu’on peut faire faire à la censure, quand on est autre chose qu’un bête militant…


Fatboy Slim - Brighton Port Authority

jeudi 12 juin 2008

le bonheur pessimiste

Je réagis avec dix jours de retard, mais tant pis : dans « Les nouveaux chemins de la connaissance » (France Culture), Raphaël Enthoven invite Frédéric Schiffter à parler du bonheur, et le résultat me semble assez exceptionnel. Réflexions et remarques sur la mélancolie, le pessimisme, l’optimisme, le bonheur et le malheur, cliquez ICI . (il faut Real Player pour écouter les fichiers .ram)

samedi 7 juin 2008

Euthanasie : le bien mourir

Euthanasie : des solutions existent...

L’euthanasie n’est pas encore légale. On en parle, on en discute, on se crêpe le chignon à son sujet, on se traite de con, on est plein d’admiration pour ceux qui la réclament a priori, et paradoxalement, on l’est moins pour ceux qui préfèrent affronter la mort face à face : c’est comme ça. La question est délicate car autant on comprend qu’un individu ait envie d’en finir, autant on peut craindre que l’Etat, avec ses grosses lois, s’en mêle.

Les sondages semblent indiquer qu’une majorité de Français en pince pour le droit à l’euthanasie, mais ça ne saurait constituer un argument bien solide : c’est bien une majorité de Français qui a élu Sarkozy, après Chirac, et Bienvenue chez les Ch’tis a été vu par 32 fois plus de monde, en France, que There will be blood… Il n’y a pas de raison pour que dans ce domaine, la « majorité » ait plus raison que la minorité, sauf, bien sûr, si on organisait une sorte de référendum sur le sujet. Nous n’en sommes pas là.

Il semble bien que le train de la modernité soit en marche et les imprudents qui ne respectent pas les passages à niveau risquent fort de le sentir passer. On a eu l’affaire Humbert l’an dernier, on a eu l’affaire Debaine cette année (acquittement pour avoir tué sa fille handicapée), on aura d’autres affaires et les juges, selon la loterie que constitue un jugement, appliqueront la loi ou l’interpréteront selon leur conscience. On est un peu dans la situation bizarre où le pouvoir judiciaire prend des initiatives par rapport au législatif…

Comme d’hab, le Pèzident a décidé de trancher dans le vif, si on me permet cette expression. Pour lui, en bon libéral, il est normal que les désirs des clients soient satisfaits. Dans le cadre européen mais néanmoins concurrentiel des pays modernes, une société de services comme la France peut-elle sérieusement se passer d’un tel article ? Il envisageait un truc assez simple : une procédure chiadée, avec des consultations multiples, des demandes faites devant notaire, et tout le bordel. Mais voilà, il a eu l’idée saugrenue de consulter les médecins, et ils ne sont pas d’accord. Si la société est arrivée au point où elle ne supporte plus l’éventualité de la souffrance naturaliste, si elle organise les moyens légaux d’autoriser et d’encadrer l’euthanasie, les médecins refusent catégoriquement de changer de rôle. Ils sont là pour soigner, pour d’abord ne pas nuire, ils n’ont pas vocation à buter du citoyen, même en phase terminale. On n’avait pas pensé à ça, et c’est symptomatique. Dans notre enthousiasme à pondre des mesures sous tendues par le Bien, on avait oublié que l’euphémisme ne masque que les mots : qu’on dise euthanasie et fin de vie à la place de mort, il s’agit toujours, in fine, de tuer une personne. Buter, effacer, crever. Et les toubibs, on peut le comprendre, ne sont pas chauds pour tenir ce rôle social là.

Il fallait donc envisager une autre solution. On a tout de suite pensé à la formation professionnelle : les familles de vieux débris pourraient suivre une formation (gratuite !) où les règles du bien tuer leur seraient apprises, déchargeant ainsi les médecins de cette traumatisante routine. Le problème, évidemment, c’est qu’on aurait rapidement une population de killers parfaitement capables de supprimer du collègue de bureau pour prendre sa place, et sans douleur ! Sans compter que les élèves satisfaits de la formation pourraient rapidement monter des boîtes de formation à leur tour, dispensant dans le pays (et sur Internet !) un savoir-faire toujours sympa à partager. Le projet était soutenu par Jean-Pierre Raffarin, éternellement prompt à donner des conseils en vertu de son incomparable expérience d’homme de terrain. Il développa l’argument économique selon lequel cette initiative pourrait permettre de créer « cent vingt mille emplois de formateurs d’ici cinq ans », argument balayé d’un revers de gabardine par la ministre de la santé, qui compte n’agir qu’en fonction des intérêts des patients, sous vos applaudissements. Une dispute s’engagea ensuite entre les deux poids lourds, et les témoins rapportent que Raffarin refusa même à la Bachelot le droit d’intervenir en tant que ministre de la santé « puisqu’on parle d’euthanasie, c'est-à-dire de plus de santé du tout ! ». Les deux figures sortirent de l’Elysée entourés de leurs gardes du corps respectifs…

Cent vingt mille emplois en cinq ans...

Le Boss profita du passage de Couche-Nerfs en France pour lui demander son avis, à titre individuel et en tant que médecin. Le globe trotter, toujours aussi nature dès qu’il s’agit de vocabulaire lui expliqua qu’il n’avait lui-même jamais pensé à l’euthanasie, et encore moins à la retraite ! "Tant que j’ai la patate, tant que j’ai la trique, je suis là ! Quant à tuer des gens, crois-moi, Président, fais confiance aux militaires"… Qu’avait donc voulu dire le ministre étranger aux affaires ? C’est Devedjian qui rompit le silence kouchnérien (« le silence après Bernard Kouchner, c’est encore du Kouchner ») : il faut qu’on charge l’Armée du sale boulot ! Après tout, les militaires ne peuvent pas nier qu’ils sont formés pour é-li-mi-ner ! Les médecins, j’veux bien qu’ils renâclent, dit-il dans un tourbillon de mèches de cheveux, mais les milits, moi je connais ! Hélas, le meilleur ami du Patron dût encore déchanter : au moment où on leur annonce que la France compte se retirer d’Afrique, pas question de demander aux militaires de se charger de l’euthanasie de leurs propres concitoyens !

Finalement, selon notre discret correspondant sur l’Olympe, c’est un peu de chaque projet qui sera retenu, un dosage subtil et innovant, selon l’expression consacrée. Il y aura bien formation, il y aura bien spécialisation, mais elle ne concernera pas des militaires : on va réintroduire le bourreau en France ! Oui, puisque les médecins sont hors du coup, que les militaires sont des tapettes et que les choses importantes ne sauraient être laissées à la portée des simples citoyens, il faut donc créer un corps de fonctionnaires spécialisés et formés aux meilleures écoles. Nous aurons une décision administrative, nous explique un conseiller de Bachelot exténué, suivie par une application concrète entièrement maîtrisée par l’Etat. Difficile de faire mieux en matière de garanties ! Le gouvernement n’étant pas favorable à l’augmentation du nombre des fonctionnaires, il n’est pas impossible que soit crée un organisme privé sous contrat avec l’Etat, ayant toute latitude pour recruter son personnel (des importations de mains d’œuvre étrangère en provenance de l’Europe centrale sont déjà à l’étude), et qui oeuvrera dans la transparence sous la tutelle du ministère.

Concernant la dénomination finale de ces nouveaux bienfaiteurs, le terme "bourreau" étant trop connoté (et risquant de donner des gages aux canailles adversaires de l’euthanasie), une mission va être confiée à Martine Aubry pour faire émerger de nouvelles appellations plus en phase avec l’évolution de la société.

Des expériences sont en cours...

Pour (se) finir, un petit extrait du Meilleur des Mondes (1932)

« - Mais cela me plaît, les désagréments.

- Pas à nous, dit l’Administrateur – nous préférons faire les choses en plein confort.

- Mais je n’en veux pas, du confort. Je veux Dieu, je veux de la poésie, je veux du danger véritable, je veux de la liberté, je veux de la bonté. Je veux du péché.

- En somme, dit Mustapha Menier, vous réclamez le droit d’être malheureux.

- Hé bien, soit, dit le Sauvage d’un ton de défi, je réclame le droit d’être malheureux.

- Sans parler du droit de vieillir, de devenir laid et impotent ; d’avoir la syphilis et le cancer ; du droit d’avoir trop peu à manger ; du droit d’avoir des poux ; du droit de vivre dans l’appréhension constante de ce qui pourra se produire demain ; du droit d’attraper la typhoïde ; du droit d’être torturé par des douleurs indicibles de toutes sortes.

Il y eu un long silence.

- Je les réclame tous, dit enfin le Sauvage. »