mercredi 29 octobre 2008

Obamanes de tous pays, vos gueules!


Le funk ne sera plus comme avant, c'est sûr!

Avec la vigueur d’un ouragan floridien, la tendance pro Obama déferle sur la France. Il faut bien reconnaître qu’elle ne repose sur rien de très sûr, de très précis ni solide. Mais après tout, si on se résout à vivre sous un régime d’élections, si on pense qu’il est le pis-aller le moins douloureux, on ne peut pas penser que seule la rationalité y aura un rôle.
Quand on vote pour quelqu’un, un être de chair, il y a forcément de la chair qui s’exprime. On choisit un candidat pour ses idées, son programme ET sa capacité à parler (qui n’est garante de rien du tout), son charme, son charisme, son allure et sa façon d’être en général, ou ce qu’il en montre. C’est bête, mais c’est humain. Tant qu’on ne fait pas voter des machines, on aura droit à ça. Dans une joute électorale, un débat quelconque, seuls les très grands imbéciles prétendent qu’il faut lutter contre les idées et non contre ceux qui les portent. Dans l’élection américaine, c’est encore plus vrai : on élit un homme, un père de famille, quelqu’un qui se donne un mal fou pour faire croire qu’il ressemble aux électeurs. Il ne fait pas ça pour rien : ce sont eux qui votent ! Il n’y a donc pas forcément d’absurdité à aimer Obama ou Mc Cain pour ce qu’ils sont, pour l’image qu’ils représentent plutôt que pour les pseudo idées qu’ils portent, et qui d’ailleurs se ressemblent putamment.

On voit donc chez nous des bobos qui aiment Obama, des prolos qui aiment Obama, des vieux, des jeunes, des blancs, des noirs, des intellos, des demeurés, des gauchistes et des droitards, des journalistes, des chauffeurs de bus et des fétichistes du pied qui, pour des raisons souvent irrationnelles, aiment Obama. OK. La question qui me vient à l’esprit n’est pas « pourquoi ? », mais « comment pourrait-on aimer Mc Cain ? ». Dans ce match à deux (plus deux coéquipiers), on est forcément amené à choisir l’un contre l’autre. Qui défend Mc Cain ? Et comment défendrait-on d’ici un type qui aspire à entériner et continuer la politique de George W, qui appartient au même parti ? C’est un peu comme si, après douze années de chiraquisme, les Français n’avaient pas eu envie de sanctionner la droite… heu… ok : mauvais exemple.

Il était écrit qu’un jour ou l’autre, un candidat non blanc 100% pur laine se présente à une élection majeure dans un grand pays. C’est le genre d’événement que redoutent les racistes, et qui ravit les racialistes. En revanche, quand on a intégré l’idée de nation et ses conséquences, quand on a poussé assez loin la considération de l’individu au-delà de sa couleur de peau et des déterminismes sociaux qui s’y attachent souvent, on prend l’état métis d’Obama pour ce qu’il est : un détail. Mais voilà : la plupart des gens ne pensent pas comme ça. La plupart même pensent et agissent en fonction du contraire. Pour la France entière en effet, la chose à retenir d’Obama, celle qui pousse les gens vers lui, c’est sa couleur de peau. On en est là.

Quand un Antillais se félicite qu’Obama soit arrivé où il est, il s’identifie en tant que métis au succès du mec. C’est évidemment un guignol et on peut parier que rien dans sa vie ne changera du fait de l’existence d’Obama. Mais si cet événement contribue à lui donner une meilleure image de lui-même, s’il permet qu’il cesse de se voir comme un ancien esclave victime du monde méchant des blancs, autant s’en féliciter. En effet, que pourront donc bien dire les beaux esprits du « racisme des Américains » si Obama est élu à la présidence ? Pourra-t-on continuer de clamer qu’au centre de tout acte occidental, il y a du racisme ? Rien que pour dire enfin un gros merde à ces gens, il faut souhaiter qu’Obama soit élu.

Les racistes et les racialistes partagent au moins un caractère : ils ne se réclament jamais ouvertement de leur opinions et parfois, ils en sont les dupes. Les racistes s’estiment supérieurs et, à ce titre, prônent la séparation, la pureté. Les racialistes, eux, se disent non racistes mais persistent à ne voir le monde qu’à travers le prisme ethnique : dans Obama, ils voient un noir, dans un prévenu pour vol, il ne voient pas un voleur mais la couleur d’un voleur, dans un député français, il voient un député français blanc, dans un présentateur de journal bidon à la télé, ils voient un Antillais, etc. Bien qu’ils s’en défendent, l’idée de race est la préoccupation principale des racialistes. Oh, on peut les comprendre : expliquer l’état des choses par une formule simplette est tentant, et on peut admettre que certains, épuisés intellectuellement devant la complexité du monde, en viennent à penser que tout vient d’un facteur unique : la méchanceté des blancs. Ils sont mignons tout plein.

Un black, un fils d'immigré: trop cool le changement, cousin!

Evidemment, l’élection d’Obama ne changera rien au monde, pas plus que les quatre années de fonction de Secrétaire d’Etat de Condoleeza Rice n’ont changé la façon de faire des Etats-Unis. Au moment de sa nomination au poste, elle lâchait cette stupéfiante boutade devant le Sénat américain « Et, troisièmement, nous allons répandre la liberté et la démocratie à travers le monde ». Avec le recul, les obsédés de la couleur de peau ont dû être vachement déçus… Un peu comme, avant eux, les fans de Colin Powell, persuadés qu’un noir, fût-il américain, ne bombarderait jamais une population civile (fût-elle irakienne) aussi froidement qu’un blanc… Bande de cons ! Obama président ne va pas se mettre à passer les intérêts des USA au second plan pour plaire aux revanchards frustrés qui peuplent le monde (et surtout Internet). Il ne va pas démanteler l’armée américaine et la CIA pour satisfaire les complotistes. S’il est élu, espérons qu’il fera une autre politique que celle de Bush, ce sera déjà bien joli.

Non, le plus étrange dans ce concert d’âneries, c’est probablement cette exposition de ressentiments de toutes parts, traduits par autant de naïvetés. A moins d’être totalement bouché (et cette hypothèse n’est jamais à exclure), comment peut-on penser un instant que la couleur (noire) ou le sexe (féminin) d’un responsable politique en fera magiquement un représentant des victimes du monde, des damnés de la terre, des noirs ou des femmes? On a oublié Thatcher ou quoi ? On a oublié Bokassa ? Le sort des Arabes de France est-il meilleur depuis l’arrivée de Dati à la Justice? Avec un peu de recul, on s’aperçoit que la chanson est toujours la même : les médias relayent (et animent) un engouement pour une nouvelle personnalité politique en fonction de son « exotisme » (ho ! un noir ! oh ! une femme ! oh ! un jeune ! formidable !) et donnent l’impression que les choses vont changer à cause de ça. Puis la réalité reprend ses droits, les femmes politiques se montrent aussi nuisibles que les hommes, les noirs aussi fourbes que les blancs, et on attend le prochain scoop comme si de rien n’était.

lundi 13 octobre 2008

Un week-end chez Shopi

Il y a un peu moins d’un an, on parlait déjà de la belle enculerie qui consiste à vouloir faire bosser les gens le dimanche. A l’époque, une équipe de penseurs ministériels avaient prétendu qu’en dehors de l’activité consistant à gagner son maigre salaire, le Français n’avait rien d’autre de bien intéressant à faire et qu’il devait donc pouvoir y passer sept jours par semaine. Cette idée est de nouveau d’actualité. Le gouvernement a attendu que les effets de sa politique se fassent sentir sur le pouvoir d’achat (c'est-à-dire qu’il ait bigrement chuté) pour envisager l’équation simple suivante : tu veux de la thune ? Bosse le dimanche ! Il est certainement utile de préciser que cette mesure ne s’appliquerait qu’à ceux qui ont « besoin » de travailler le dimanche : les fauchés. En effet, la règle générale de celui qui gagne bien sa vie, c’est d’utiliser le week-end, et particulièrement le dimanche pour se tremper dans sa piscine en compagnie de ses enfants, de ses amis (car quand tu as une piscine, tu as beaucoup d’amis !).

Cette fois encore, le gouvernement lâche les arguments les plus spécieux pour convaincre les Français pauvres qu’ils ont « intérêt » à s’y mettre. Mais on a beau étudier la chose, il n’existe qu’UN SEUL argument en faveur de l’ouverture des magasins le dimanche, décliné sous diverses variantes, et il est de nature économique. Soit on nous promet de nous donner le double d’un salaire courant, soit on nous dit que ça relancera l’activité, soit que ça fera reculer le chômage. De l’économique, point final. Et de l’économique pas très solide, tout le monde en conviendra. L’idée d’avoir un jour commun où l’on ne travaille pas, où les esclaves se retrouvent pour faire autre chose que suer ou dépensuer (« dépenser dans la gêne»), où le rythme de la vie se détend, où le bruit du périph s’amenuise, un jour qui soit un rendez-vous commun à tous et qui symbolise l’existence de la simple vie en dehors de l’activité salariée, simple vie banale comme du repos pris ensemble, comme une balade dans un parc ou un tour en vélo, cette idée-là est trop insupportable aux tristes requins et aux imbéciles. C'est vrai qu'entre les services Carrefour, les produits Auchan et les conseils culinaires Shopi, on a vraiment de quoi combler son week-end.

Politique de civilisation

Il faut aussi rappeler que pas mal de gens bossent déjà le dimanche, par dérogation au droit du travail. Le dimanche, on peut aller se faire poser des points de suture à l’hosto parce qu’on a glissé du plongeoir, on peut bien entendu acheter son pain ici ou là, ou son journal, on peut conduire son camion frigorifique sur les routes chargées de glandeurs et, quand on bosse dans l’industrie, on peut se faire ses huit heures sous certaines conditions. Bon. Mais la grande question, celle qui occupe les ministres et le Pèzident, c’est celle de l’ouverture des magasins. Quand ils évoquent le travail du dimanche, il faut comprendre avant tout l’ouverture des boutiques. Il ne s’agit pas de permettre l’ouverture des centrales EDF, elles ne ferment jamais, il s’agit d’autoriser les philanthropes de la grande distribution à ouvrir en permanence pour que ce cochon de citoyen puisse y dépenser tous les jours. Il s’agit d’achever de transformer la vie des gens en une longue file d’attente aux caisses de l’hypermarché. Inciter le pékin à passer du temps dans la laideur d’une galerie marchande en dit long sur la vision du monde des dirigeants politiques, mais insister pour qu’il y passe aussi ses dimanches, c’est le signe d’un mépris qui ne s’était jamais vu. Il n’y a peut-être pas de mesure plus antisociale que celle qui fera définitivement graviter la vie des gens autour du boulot et de la dépense, les deux faces les plus laides de l’aliénation moderne.

Femme avec caddie. Duane Hanson 1969.

Par un hasard extraordinaire, un sondage publié dans le JDD révèle à point nommé que les Français seraient favorables au travail le dimanche, alors que le même JDD annonçait l'inverse il y a dix mois à peine ! Rien ne remplacera jamais une bonne propagande de presse… Nous avons même un petit numéro de clown parfaitement au point, et que le Pèzident lui-même utilise ad nauseam sous l’œil des plus patentés lécheurs de cul. J’ai parfaitement conscience de proposer une épreuve douloureuse au lecteur, mais je crois qu’il faut voir et entendre ça pour se rendre compte de la bassesse des vues. Du courage !


On peut tirer une leçon générale de ce laïus populiste : quand on laisse ouvrir une partie des magasins le dimanche, il ne faut pas attendre autre chose de l’avenir que l’ouverture généralisée de tous les magasins ! Aujourd’hui, le VRP Luc Chatel cherche à amadouer les benêts en défendant le volontariat et la majoration salariale pour justifier le travail dominical. Mais dans quelque temps, si on laisse faire ça, on pourra s’asseoir à la fois sur la majoration salariale et sur le volontariat. On bossera le dimanche comme les autres jours, aux mêmes conditions, puisqu’on nous aura convaincus que le dimanche est un jour « pas plus long que les autres »… Et on trouvera toujours un président de la République quelconque pour caricaturer une situation et faire rigoler les demeurés.

Les turbinophiles ont toujours le mot « choix » à la bouche et on les comprend : quand vous vous adressez à des gens qui n’ont jamais aucun choix à faire, parce que trop coincés, trop pauvres, trop baisés par la vie, il est bon de leur faire miroiter ce bien rarissime, le choix. Ainsi, ils auraient enfin un choix à leur disposition ? Alléluia ! Ha, bien sûr, il ne s’agit que du choix d’aller bosser pendant que d’autres ne bossent pas : après tout, pauvre, n’ayant que ta force de travail, tu as le choix de l’utiliser ou pas…

Le travail le dimanche peut se justifier par la nécessité, par le caractère naturellement imprévisible des services à rendre (un hôpital, par exemple, ou un commissariat). Toute l’activité humaine n’est pas dans ce cas, loin de là. Il est évident que si AUCUN magasin n’était ouvert le 24 décembre, par exemple, la population se débrouillerait pour faire ses achats AVANT. Exactement comme chacun de nous se débrouille chaque jour pour acheter son pain avant que le boulanger ne ferme sa boutique ! Va-t-on demander l’ouverture PERPETUELLE des boulangeries parce que trois cons ne sont pas assez organisés pour y passer avant 20H ? En fait, on cherche à augmenter le temps d’ouverture au public pour augmenter mécaniquement les recettes. Mais alors, pourquoi ne pas ouvrir la nuit? Pourquoi ne pas laisser Carrefour ouvert continuellement 365 jours par ans, puisqu’il est si important de pouvoir faire ses putains d’achats en toutes circonstances? Pourquoi ne pas exiger des coiffeurs qu’ils soient au turf à quatre heures du mat? Quand un ministre a besoin de se faire raccourcir la mèche, comment fait-il, je vous l’demande?

Quand je circule en voiture le long des plus lamentables périphériques, je suis toujours effrayé à l’idée que des gens habitent ces immeubles dégueulasses, que des vies se déroulent là, au dessus du flux routier, dans le bruit et la misère esthétique la plus complète. Des gens qu’on a parqués ici et qui s’en contentent, faute de pouvoir faire autre chose. Mais on voit aussi que des maisons neuves viennent décorer les bords d’autoroutes, des lotissements complets qui, telles des mouches sur un étron fumant, s’agglomèrent au cul des bahuts. Des gens achètent ce type de maisons et la vie qui va avec. Ils sont volontaires pour ça. Devenir propriétaires doit leur paraître plus important qu’un détail comme 40 000 véhicules par jour sous les fenêtres. Ils ont eu le choix, et l’ont fait. Nul doute que parmi eux, on trouvera de nombreux volontaires pour bosser le dimanche ou faire ses courses, ce qui revient au même.

vendredi 3 octobre 2008

Statistiques: les femmes battues à plates coutures.

Otto Dix: Le massacre des innocents. Litho 1960.

Les violences conjugales sont un sujet qui revient dans l’actualité assez régulièrement, et assez régulièrement, on constate un manque de clarté et de précision dans les chiffres qui sont annoncés, et qui paraissent chaque fois énormes. En ce moment, une campagne de pub tente de convaincre les femmes victimes de violences, ou les personnes qui en seraient témoins, de réagir. Très bien. Mais nous avons un flou dans les chiffres qui laisse penser qu’on ne prend pas la chose avec tout le sérieux nécessaire. Dans LIBE , nous avons un article relatant cette campagne gouvernementale, et annonçant des chiffres troublants, « Hors ménage, ce sont 260.000 femmes qui ont été victimes de violences sexuelles en 2005 ou 2006, dont 130.000 d'un viol ». 130 000 viols par an (2005 OU 2006, le ou suggérant une constante des chiffres sur ces deux années), ça fait 356 viols par jour en France ! Ça paraît beaucoup, ça paraît énorme… Juste avant, l’article nous dit « En 2005 ou 2006, en France, 65.000 femmes et fillettes ont été mutilées ou menacées de l'être » (je ne sais pas si tu es comme moi, lecteur sensible, mais je ressens toujours un malaise à l’évocation du mot « mutilé ». Ça me semble le comble de la saloperie). Mais ces 65 000 femmes ou fillettes ont-elles été mutilées ou menacées de l’être ? La différence entre les deux choses est tellement considérable que le chiffre, considérable lui aussi, ne signifie ici plus rien. Menacer quelqu’un de lui « couper les couilles si j’t’attrape » n’est quand même pas la même chose que le faire réellement, non ? Et d’ailleurs, la simple « menace » et l’acte lui-même ne seraient pas punis de la même peine devant la justice, ce qui confirme qu’il y a une différence entre dire et faire. CQFD. Le journaliste qui écrit ça est donc un gros feignant.

A cet article curieux fait suite une INTERVIEW de Françoise Brié, de la Fédération nationale solidarité femmes, spécialiste de la question. Elle annonce que 10% des femmes sont battues par leur conjoint. Bon. Mais quand on passe au FIGARO, les chiffres changent ! Ici, on parle de 3,3% (trois fois moins, une paille !) et on précise même que « Une fois sur deux, c'est le conjoint qui est l'auteur des violences envers la femme à l'intérieur du ménage. », ce qui signifie que les violences dites « conjugales » tomberaient à la moitié de 3,3%... Sur ce sujet, je n’ai regardé que ces deux journaux, mais je propose au lecteur qui voudrait s’amuser d’un sujet dramatique d’essayer de trouver des chiffres concordants en consultant d’autres journaux… Avec de la persévérance, ça doit être possible.

Tous les « spécialistes » insistent sur ce fait : bien des victimes ne disent pas de ce qui leur est arrivé et ne portent pas plainte. Entre les victimes qui n’en parlent pas et les journalistes qui en parlent n’importe comment… Alors, on pourrait se demander si TOUS les sujets d’actualité sont traités de la même dilettante manière, ou si celui-ci est particulièrement maltraité. Dans le second cas, ça pourrait indiquer que les journalistes se foutent pas mal de la réalité, qu’ils ne vérifient pas ce que disent les « spécialistes », ou que les chiffres sont fantaisistes. En tous cas, il reste à espérer que les gens censés se mobiliser à l’évocation de ce problème n’auront pas un sens critique trop aiguisé…