mardi 30 juin 2009

De l'utilité des lobbies

je signale à l'attention des lecteurs qui ont une heure à tuer, qu'ils peuvent se rendre sur le site de France Culture pour y écouter ce passionnant reportage d’Inès Léraud et Rafik Zenine sur les suites de l'étrange campagne de vaccination massive de la population française contre le virus de l'hépatite B en 1994/95. Ils y découvriront que du ministre (Douste) aux experts médicaux, on a menti sur toute la ligne en donnant des chiffres alarmants, en balançant des résultats statistiques bidon et en pratiquant une sorte "d'acharnement vaccinateur" comme aucun autre pays ne l'a fait.
Les raisons de ce bintz? Ecoutez le reportage...

Mort en solde


Nous ne savons pas grand-chose du monde de demain. Et les gens qui viendront après nous, tout historiens qu’ils se prétendront, n’auront qu’un mince reflet de nos vies à se mettre sous la dent. Les choses sont ainsi : le passé n’est qu’une image mentale, au sens propre une fiction dans laquelle, au mieux, comme dans les meilleures productions laitières, des morceaux de vérité sont contenues.
Aussi improbable que ça puisse paraître, il est possible qu’un historien du XXIIIème siècle se penche sur les milliards de tera-octets de mémoire du WEB des années 2000, qu’il travaille sur le mois de juin 2009 et qu’il tombe sur ce qui fait l’actualité du moment. A coup sûr, s’il met en parallèle l’affaire Courjault et l’affaire Maddof, il ne comprendra rien. Je veux ici le rassurer par avance : nous non plus, nous n'y comprenons rien.
Une femme tue trois enfants, les siens, en brûle un et met les deux autres au congélateur, n’est reconnu ni folle ni irresponsable mais se voit punie de huit ans de prison. On n’exige même pas d’elle qu’elle se soigne, si un traitement existe pour ce genre de cas. Par ailleurs, un homme monte une escroquerie gigantesque en volant des milliards de dollars, et se voit puni d’une peine de cent cinquante ans de prison, c'est-à-dire presque vingt fois plus que s’il avait tué, en France, trois enfançons.
Quand le monde n'est plus compréhensible par personne, on dit qu'il est devenu moderne.

dimanche 21 juin 2009

Travail, famille, burqua.


Dans un monde soumis à la dictature quotidienne de la fesse rentable, publicitaire ou, pire, de la fesse adolescente (c'est-à-dire interdite), la burqua pourrait apparaître comme une solution raisonnable pour mettre les humains de sexe masculin (j’en suis) à l’abri des maux de tête. Pour avoir passé quelques mois de ma vie dans des pays arabes, je témoigne qu’on peut s’y promener des jours entiers sans jamais ressentir cet énervement sexuel dans le vide qui fait l’ordinaire d’une vie d’homme ici, et sa tragédie. Pas de gonzesse en vue, pas de nombril, pas de mollet galbé, pas de seins bondissants, pas de cuisse dénudée, le calme règne… Evidemment, à moins d’aimer les moustaches, les barbes et les sourcils broussailleux, on s’y fait énormément chier. C’est d’ailleurs un peu pour ça que les gonzes rêvent de venir en Europe : ici, même si tu n’as pas de boulot, tu peux quand même avoir une nana. Passons.
En réalité, la burqua est d’une épouvantable laideur. C’est sa fonction : transformer l’irrésistible beau en laid repoussant. On peut dire qu’en matière d’efficacité, les Afghans, chapeau ! On devrait les consulter pour fabriquer des Airbus. Il arrive parfois qu’un tchador enjolive une femme (les yeux des Arabes, c’est quand même quequ’chose), on peut aussi adorer le fichu qui couvre les cheveux et souligne l’ovale des visages, mais la burqua, non vraiment, c’est sans appel. Dans l’ordre de l’affreux, c’est l’équivalent féminin du pantacourt pour hommes ! Deux trucs à interdire, assurément. (on dit que Stanley Kubrick avait songé à introduire une burqua dans son Shining pour le rendre encore plus effrayant, mais qu’il n’a pas réussi à l’intégrer au scénario. Tant mieux).
Les grandes gueules défendant la liberté (comme moi) sont bien dans la merde : la liberté intègre-t-elle la burqua ? Faut-il interdire le port du sac à patate ? Au nom de quoi ? Autant le dire tout de suite, j’ai la solution à ce problème, mais je ne la donne pas tout de suite : ne jubilez pas, obscurantistes ! D’abord, il est évident que la liberté ne peut pas être évoquée hors de tout contexte. Comme toutes les choses délicates mais surpuissantes, la liberté réclame un apprentissage, un sens de la nuance, un certain doigté, une maîtrise qui ne va pas de soi. On ne peut pas tout faire au prétexte qu’on a simplement envie de le faire. C’est même, pour moi, l’exact inverse de la liberté, qui est avant tout maîtrise de soi, de ses passions, de ses peurs, de ce qui joue en nous à notre insu. La liberté n’est pas de faire ce qu’on veut, mais de vouloir ce qu’on fait © (c’est beau, c’est vrai, c’est de moi). Qui prétendrait qu’au nom de la liberté, on doive autoriser les gens à se promener nus sur les grands boulevards ? L’état d’esprit général est tel, les traditions et les mœurs sont telles que la nudité, fort normale en Papouasie, est rejetée en France dans l’espace public. Un Papou débaroulant sur les Champs aurait-il une quelconque légitimité à s’y montrer nu ? Non, car l’exercice de sa liberté (et de ses traditions) serait trop offensante pour la liberté et les traditions de nous autres, et que ça créerait des problèmes immédiatement. Or, la finalité de la liberté, c’est l’harmonie entre les gens, non la guerre de tous contre tous. En passant, c’est exactement le même principe qui me fait dire qu’une touriste en short moulant et débardeur ultracourt n’a rien à foutre en Egypte, et que son expulsion du pays devrait être automatisée. On ne peut donc pas se contenter d’invoquer la liberté individuelle quand on traite la façon de se comporter en public : c’est nécessaire, mais non suffisant.
Les contempteurs de burqua évoquent le droit des femmes, ou leur image, ou leur dignité, enfin ils se servent d’un truc astucieux pour que toute critique qui leur serait adressée soit a priori illégitime : qui, en effet, pourrait se dire contre le droit des femmes, qui aurait cette audace au pays de Martine Aubry, de MAM et de la mère Denis ? Evidemment, on leur objectera que les femmes, en matière de droit, pourraient aussi avoir celui de s’habiller en burqua, mais aussitôt, la massue de la dignité féminine s’abat sur le contradicteur, bien fait. Et que l’on soit ami de ces féministes ou qu’on soit leur adversaire, on doit bien reconnaître que la burqua est, même en Afghanistan, un élément d’oppression. Liberté ou pas, dignité ou pas, la burqua ne répond à aucun des critères qui, chez nous, définissent la tradition, le droit, la liberté, les mœurs. Chez nous, on ne se promène pas sous une capuche géante, pas plus qu’avec une plume dans le cul (le souvenir de la dernière gay pride me fait regretter d’avoir écrit cette dernière phrase, et en invalide une partie ; les militants gays donnent donc un argument de poids aux amateurs de burqua, bravo les filles). Bien qu’ils soient souvent chiants comme les mouches, les manieurs de dignité féminine ont quand même touché juste en disant que la burqua s’oppose à l’émancipation des femmes telle que nous l’entendons, ici, au pays de la minijupe et du french cancan. Là où je ne les suivrai pas, c’est quand ils prétendent que la burqua devrait être éradiquée d’Afghanistan : que peut nous foutre, ici, que les afghanes se voilent intégral ou que les chinoises aient les yeux bridés ? Comprends pas…
Si Philippe Muray était encore vivant, il trouverait sûrement à la burqua la vertu d’incarner la lutte contre la sacro-sainte Transparence, cette religion moderne qui stipule que tout doit être su, connu, pesé et contrôlé et qu’un père qui donne une fessée à son garnement de fils doit être dénoncé à la police autant qu’à la vindicte populaire. Je vois d’ici les amoureux de paradoxe se jeter sur l’occasion en utilisant la burqua comme un drapeau, l’étendard de la lutte anti moderne, le signe de ralliement des ennemis de la société de surveillance qui progresse partout. Pour certains, en effet, la haine des défauts de l’occident se traduit par la promotion de ses ennemis, ou la constatation que notre liberté n’est ni parfaite ni totale les fait souhaiter que triomphent des régimes radicalement oppresseurs, pour nous apprendre ! C’est la classique haine de la « décadence » qui pousse l’imbécile à rêver des barbares, pour qu’on en finisse une bonne fois. On peut d’ailleurs prévoir que, par haine du féminisme militant ou par anti-néocolonialisme primaire, un type comme Nabe va s’arranger pour qu’on sache tout le bien qu’il pense de la burqua, et il ne sera pas le seul. Au temps de la polémique sur le voile à l’école, on a déjà tenté de mettre en parallèle le string et le voile (Soral, par exemple), arguant que celui-ci ne rendait pas la fillette plus indigne que celui-là. Même en considérant que le voile renouvelle la tradition française de la dignité, il n’en reste pas moins un élément exogène qui, en cas de succès, tendrait à supprimer du paysage tout ce qui ne lui ressemble pas, un peu comme ces écureuils d’Amérique introduits en Angleterre artificiellement, et qui font disparaître les traditionnels écureuils roux définitivement, parce que c’est comme ça. Si nous n’avions que l’alternative entre le string-ras-du-fion et l’isoloir portatif, ça se saurait : l’éclaboussante majorité des femmes, en France, ne portent ni l’un, ni l’autre.
Comme on l’a vu au temps de la polémique sur le voile scolaire (je l’appelle comme ça), certains prétendent qu’on peut être à la fois hyper républicain, patriote de chez Patriote & Fils (maison fondée en 496) ET porter un voile maousse, voire une burqua en zinc. Mon corps est caché, mais mon esprit appartient à Marianne ! Evidemment, même parmi les nombreux faux jetons que la France abrite, personne n’y croit. Une nana pour qui se promener dans la rue comme tout le monde, sans masque, est inconcevable, ne viendra pas prétendre qu’elle adhère aux lois et à l’esprit d’une république à la française. Si nous vivions encore dans une époque saine, on se foutrait tout bonnement de sa gueule, on en ferait une bonne galéjade à raconter entre potes, on ne ferait pas semblant de croire que ça peut être éventuellement vrai si ça se trouve peut-être faut voir on sait pas. Imaginons un instant que la burqua se banalise un peu plus, et imaginons que ses adeptes soient vraiment de bonnes citoyennes républicaines attachées aux valeurs blablabla : certaines iraient jusqu’à se présenter aux élections et, pourquoi pas, seraient élues. On arriverait donc à voter pour une dame dont on ne connaît ni le visage, ni les regards, ni les formes, ni les gestes !... Hé ! Ho ! On est en France ! On se réveille ! On arrête de déconner !


Pour conclure, et pour tenir ma promesse, je propose donc qu’on se réconcilie tous autour de la solution, une bonne vieille loi républicaine, celle qui précise qu’en dehors des fêtes costumées comme Mardi Gras, il n’est pas permis de dissimuler son visage sous un masque. C’est bête comme chou ! En France, en temps ordinaire, on n’a pas le droit de se masquer, point final. La loi est ainsi, elle existe, on n’a qu’à l’appliquer. Le hasard fait qu’en ce moment retentissent les échos moisis d’un projet estrosien d’interdiction du port de la cagoule pendant les manifs, mais ce n’est pas le sujet. Sans parler des manifs ni des bagarres contre les bourriques, il n’est de toutes façons pas permis de se balader avec un masque. J’aimerais bien qu’on m’explique pourquoi les femmes décidées à se voiler entièrement la truffe seraient les seules à ne pas tenir compte de cette loi, et surtout au nom de quoi. J’entends immédiatement les grenouilles de minaret alléguer un droit spécial pour cause de religion : ben merde ! Tout le monde sait bien que la burqua n’a qu’un rapport indirect à la religion, et qu’il s’agit d’une tradition locale du Burquanistan dont on a parfaitement le droit de se foutre en France. Et quand bien même il s’agirait d’une stricte recommandation religieuse, la France laïque n’a pas à déroger à ses règles pour qu’une bande de masos puissent l’appliquer. Sans compter qu’il s’agit d’un engrenage sans fin. Le Québec a cru bon d’autoriser le kirpan (un putain de poignard !) dans les écoles, pour cause de respect d’une prescription religieuse, je ne vois pas ce qui pourrait faire obstacle là-bas à toutes les fantaisies possibles (car, ne l’oublions pas, les religions ne sont, ontologiquement, que ça). La Terre est vaste, messieurs dames, allez burquer ailleurs si vous ne pouvez pas vous en passer, il ne manque pas de pays assez cons pour être dans le renoncement, l’égarement, le suicide culturel, la complicité d’abrutissement, et pour appeler ça tolérance.

Post scriptum : je précise que j’ai écrit burqua avec la forme Q-U-A (et non burqa) parce que le Q-U est une forme habituelle de la langue française. Comme burqua est appelé à devenir notre quotidien (non majoritaire, n’exagérons pas le pessimisme), je le considère donc dès à présent comme un mot français, au même titre que nikomouque. Je t’invite, lecteur grammairien, à en faire de même.

vendredi 19 juin 2009

Pour les cons, liberté!


On prétend souvent que la liberté d’expression est menacée, qu’elle recule dans notre pays et qu’on ne peut plus s’y exprimer aussi librement qu’il y a quarante ans, pour ne pas parler d’avant-guerre.
Pourtant, un type qui serait tombé dans le coma en 1980 (par exemple), qui se réveillerait aujourd’hui et qui jetterait un œil sur Internet aurait sûrement une jolie surprise. Guidé par un ami, ce rescapé regarderait quelques vidéos sur Dailymotion, zapperait de l’une à l’autre en lisant ce qui serait une nouveauté absolue pour lui : les commentaires des internautes. Dans les temps anciens, la liberté d’expression publique était réservée aux gens invités, choisis, autorisés. Les connards la fermaient, du moins les connards anonymes. Ces temps obscurs ne sont plus, et c’est un connard anonyme qui vous le dit !
A part les discours de Ségolène Royal, les parkings d’hypermarchés et les radios FM, peu de choses sont aussi désespérantes que les commentaires sous les vidéos de Dailymotion (je mets à part les commentaires d’articles de journaux dominants –Libé, Figaro, etc- qui concernent des êtres définitivement sortis de la famille humaine). De façon certaine, une vie passée sans rencontrer aucun de ces fléaux modernes pourrait être considérée comme réussie. A l’inverse, il y a peu de chance de trouver un homme heureux parmi ceux qui ne s’abreuvent qu’à ça. Quoi qu’il en soit, ces horreurs existent, elles nous sont contemporaines et nous ne pouvons tout à fait les ignorer. Quand on parle de liberté d’expression, dans la France de 2009, c’est forcément un peu aux commentaires de vidéos de Dailymotion qu’on fait référence. Nous en sommes là.
Sur ce site (entre autres, sur ce point comparables), il semble qu’une place éminente soit faite aux extrémistes de tous poils et aux imbéciles, qui ne sont pas toujours les mêmes. Cette impression est trompeuse : il n’y a pas plus d’extrémistes qu’ailleurs, mais là, ils s’expriment. Quand un extrémiste quelconque regarde Navarro à la télévision, il ne peut pas extrémiser grand-chose, à part son opinion sur la vigueur du scénario ou la qualité de la photographie. Quand un extrémiste conduit un autobus, son extrémisme est soumis à certaines contraintes, principalement connues sous formes d’agents de police et de véhicules divers. Mais quand cet extrémiste est devant son ordinateur, il débride son extrémisme et nous lâche une salve hargneuse de commentaires de derrière les fagots. On a donc l’impression qu’il n’y a d’extrémiste qu’ici, alors qu’ils sont bel et bien parmi nous ! Sans le savoir, lecteur inconscient, tu achètes peut-être ton pain chaque jour chez un putain d’extrémiste !
De plus en plus souvent, nous voyons apparaître la question de savoir si l’on doit laisser faire les commentaires sur Internet. Des systèmes d’auto flicage existent ici ou là, des systèmes incitant à la dénonciation de propos ou contenus scandaleux sont proposés au glandu moyen, qui n’en demande pas toujours tant. Mais il semble bien que ces bricolages soient insuffisants aux yeux des plus ardents défenseurs de la Liberté (qui se trouvent toujours être ceux qui réclament qu’elle s’exerce sous la contrainte la plus sourcilleuse). Nous avons appris par ailleurs que, d’une manière générale, il est bon « que les choses soient dites ». La parole doit s’exprimer, entend-on répéter à l’envi dans tous les cabinets de psy. Que fait-on, d’ailleurs, dès qu’une classe d’élèves de terminale (1m90 de moyenne, 100 kg de muscle jeune) a la douleur d’apprendre qu’un des leurs s’est cassé la figure en trottinette et qu’on a dû lui faire quatre points de suture (oh my god) ? On dépêche une cellule de soutien psychologique, qui mettra en œuvre un certain nombre de techniques pour que les élèves puisse « extérioriser leur angoisse en l’exprimant ». L’époque nous fournit donc ici encore une occasion de nous étonner : pourquoi les extrémistes, qui sont sûrement des gens qui souffrent et que l’expression de leurs phobies devrait soulager, voire guérir, pourquoi ces extrémistes seraient-ils les seuls qu’on empêcherait de parler ? Livrer publiquement l’état lamentable dans lequel son âme se trouve doit-il être réservé aux candidats de jeux télévisés et à leurs présentateurs ? Et surtout, pourquoi l’expression des délires d’un extrémiste serait-elle dangereuse pour les gens qui ne le sont pas (a priori, une personne sensée reconnaît au bout de trois mots qu’elle est tombée sur un dingue, et passe son chemin) ? Y aurait-il, tapie sous chaque extrémiste, une once de vérité qu’il serait dangereux d’exposer sous les pifs pondérés des populations bourgeoises ? Ciel !
J’ai évoqué les extrémistes, mais j’aurais aussi bien pu m’appuyer sur les cons ordinaires, les fans de pubs, les acheteurs de jantes alliage, les applicateurs de gomina, les fréquenteurs d’hypermarchés, les répandeurs de maisons Bouygues avec barbecue et portail automatique, les sauveurs de planète de comptoir, les amis de Mispasse et Fesse-Bouc, les faiseurs de crédit sur dix ans pour une voiture surdimensionnée, les changeurs de téléphone portable tous les trimestres, les multiplieurs de télés géantes, les porteurs de survêtements blancs et d’une manière générale tous ceux dont le mauvais goût constitue une sorte d’extrémisme quotidien proliférant. En fait, quand on évoque la liberté d’expression, on ne peut s’empêcher de penser à la liberté de dire n’importe quoi, ce qui est réducteur. Evidemment, dans l’exemple que je prenais, je reconnais que les commentaires sur Dailymotion sont assez souvent du « n’importe quoi », mais ils ne constituent pas l’exclusivité de la parole publique en France, merde ! Comme les cons sont nombreux, et qu’ils se distinguent par une tendance à dire n’importe quoi sur à peu près tout, on va fatalement arriver à penser que la liberté d’expression n’est faite que pour eux, et qu’il vaut mieux la flinguer tout de suite. Erreur ! La liberté d’expression sert aussi à dire des choses sensées, belles, utiles, futées, révolutionnaires, indispensables, etc ! Mais, à l'âge des masses, on ne peut pas s’exprimer si les abrutis de tous ordres ne s’expriment pas, eux aussi. Toi, lecteur d’élite dont je pressens que tu n’appartiens pas à ces catégories grotesques, tu dois, avec moi, te faire dès à présent le défenseur des crétins. Tu n’as pas le choix : si tu veux continuer à t’exprimer sur les excellents sites que tu fréquentes, si tu veux qu’ils puissent continuer d’exister, tu dois accepter que s’expriment les sionistes et les antisionistes, les racistes et les antiracistes, les salafistes et les antisalafistes, les ultralibéraux et les trotskards, les gayslesbiensbitrans et les pères de famille villieristes, les bayrouistes et les adventistes du septième jour, les viandards et les végétaliens, les amoureux de James Brown et les enculés ! On est toujours un peu ravi quand un Orelsan tombe sur un os, et on se dit que son texte débilo dégueulasse sur une « sale pute » ne mérite pas qu’on le défende face aux censeurs. On se trompe : la liberté de s’exprimer, c’est aussi la liberté de chanter de la merde. Alors, comment continuer de distinguer le bon grain de l’ivraie dans ce bousier ? Par la liberté, pardi ! Si l’on consent à ce que toutes les opinions s’expriment, il faut admettre en retour que toutes les critiques sont légitimes. Laisser les plus débiles rappeurs reproduire leurs insanités ad libitum, mais ne pas se retenir dans la critique. Laisser Faurisson exposer ses théories, mais l’assaisonner avec méthode sur le terrain historique. Laisser Semi Keba affirmer que le premier homme sur la Lune fut un Noir (tout comme Galilée, Lao Tseu, Jésus Christ et Mahomet), mais le confronter à la réalité sans faiblir. En un mot, cesser d’agir par le tribunal et laisser les gens se mettre à penser, même les gens "ordinaires"(!).
Dans les quelques signes qu’on retient ordinairement pour montrer que la démocratie recule en Europe, on oublie trop souvent de noter cette défiance générale contre la parole. Si la démocratie est censée assurer les conditions de la parole et du débat, on ne peut regarder cette inflation de procès et de procédures vigilantes que comme un recul de l’idée de démocratie, comme un corsetage pénal qui vise à instaurer l’autocensure par la peur, à appauvrir le débat intellectuel (genre inutile qui ne rapporte pas d’argent) et à transformer le citoyen de demain en connard repu qui n’a même plus l’idée d’ouvrir sa gueule.

mercredi 3 juin 2009

Pour ton bien.


De la même façon que ne pas être raciste ne vous range pas automatiquement dans le camp des antiracistes, ne pas être fumeur ne vous oblige pas non plus à militer contre les fumeurs, ni vouloir leur vie (ben oui, quand on a un ennemi, on peut souhaiter sa mort, mais le fumeur cherchant inconsciemment à se tuer à petit feu, un anti-fumeur sera porté à lui souhaiter longue vie, pour le faire chier un max !). C’est mon cas. Je n’ai aucun goût pour la cigarette, mais j’ai d’autres chats à fouetter que les fumeurs. Bien sûr, je sais que la tabac n’est pas très sain pour la santé, mais enfin, la télévision non plus, le loto sportif non plus, la flexibilité du travail non plus, le tourisme massif non plus, le crédit à la consommation non plus, la musique antillaise non plus ! S’il fallait militer contre toutes les merdes dangereuses que la vie nous propose, autant se flinguer tout de suite.
Ceci dit, je n’ai rien contre une nouvelle campagne anti-tabac : en ces tristes temps, on ne crache pas sur une bonne occasion de rigoler. La dernière vaste campagne nous avait familiarisés avec ces messages dissuasifs, les « Fumer tue », les « Fumer provoque des maladies graves », les « Fumer nuit à votre entourage et à la couche d’ozone », les « Fumer vous fait la bite molle », etc. Ces messages, pondus par des experts de la com (rires), furent détournés dans l’instant même où le public les découvrit, tournés en ridicules et vidés de leur non-sens. En trois jours, la France entière se refila des histoires drôles à base de « Tuer tue », de « Puer pue » et autres « Glander glue », prouvant ainsi qu’à lancer des alarmes sur des dangers parfaitement connus depuis des lustres, on ne récolte que des nasardes. En outre, cet exemple donna un avertissement aux amoureux des mots, de la chose écrite (comme on dit sur France Inter), enfin à tous ceux qui croient au pouvoir du langage : la plupart des fumeurs continuent de fumer bien qu’ils aient en permanence sous les yeux un message clair les avertissant qu’ils vont claquer dans d’atroces souffrances ! Après 5000 ans de civilisation, après Descartes et le professeur Jacquard, on constate donc que le langage est impuissant à faire comprendre un truc simple à une bande de cons.

On nous annonce donc une nouvelle campagne anti-tabac, à grand renfort de vous allez voir ce que vous allez voir ! Des images choc ! des photos insoutenables ! des tableaux atroces ! Et on nous propose, en guise d’apéritif, la photo d’une dentition particulièrement écoeurante qui sera visible sur tous les paquets de clopes bientôt. Encore une fois, on cherche à faire fonctionner l’émotion au détriment de la raison. Puisque nous avons été incapables d’agir par raisonnement déductif avec la campagne précédente, on espère que le gros beurk que nous pousserons devant ces images sera plus productif. Assistera-t-on de nouveau au triomphe de la communication non verbale ? Tout porte à le croire.
Toutefois, n’ayant pas vu l’ensemble de la collection gore, je risque une remarque sur la seule qui soit disponible, celle des dents pourries. Et, au risque de passer pour un affreux rétrograde, je fais appel à la raison (oui), aux souvenirs, à l’expérience du lecteur. Lecteur, toi qui vit au milieu des hommes et qui les fréquente passionnément, toi qui compte de nombreux fumeurs parmi tes amis, tes voisins, tes frères et sœurs, dis-nous si tu en connais un seul qui exhibe de tels chicots ? Réfléchis bien avant de répondre (mon dieu, j’ai dit « réfléchis », n’y vais-je pas trop fort ?), crois-tu que le type dont on voit la salle à manger défoncée sur les paquets de clopes soit simplement un type qui fume ? Penses-tu qu’il existe un lien de cause à effet direct et unique entre les clopes et les dents HS de ce dégueulasse ? Dernière question : ne crois-tu pas qu’une fois de plus, les experts de la com (rires) se foutent de nous ?