samedi 26 décembre 2009

Le vingtième siècle finissait


Dans l’éventail immense de ce qui rend la vie moderne désespérément bidon, rien n’égale la musique dite R&B, sinon cette néo soul qui permet aux Alicia Keys, Eryka Badu et autre Amy Winehouse d’exister en en faisant des tonnes. Aussi habiles dans l’art d’imiter que leurs aînés le furent dans l’art de créer, ces donzelles sexy font bander le bourgeois dans des clips fabriqués en série, calibrés comme des tomates d’Espagne. C’est que le sensuel rapporte, même lorsqu’il ne l’est plus du tout.
Aux antipodes de cette soupe calquée, mais aussi à son origine, la musique soul est une sorte de nébuleuse féconde qui va de Ray Charles à Stevie Wonder, en passant par Bobby Womack, Isaak Hayes, Otis Redding, Marvin Gaye, Donny Hathaway ou celui dont je veux évoquer le nom aujourd’hui, mon préféré de tous : Curtis Mayfield (j’ai bien conscience qu’il est scabreux de préférer un nom parmi ceux-là, sans compter tous ceux qui ne sont pas cités, mais c’est moi qui écrit cet article, je fais ce que je veux).



Il y a deux grandes catégories de chanteurs soul : les hyper virils et les autres. Dans la première catégorie, nous trouvons le roi absolu de la bite d’acier, Otis Reddind, suivi par le terrible Wilson Pickett (qui n’a jamais rêvé de pouvoir chanter comme lui, tas de lavettes, et d’être capable de transformer une chanson pour enfant (Hey Jude) en authentique piège à nanas ? Ha, qui sait ce que Wilson aurait pu faire de Petit papa Noël ?…). Dans l’autre catégorie, que nous appellerons celle des séducteurs, Marvin Gaye est un must, encore qu’il plaise surtout aux femmes, ce qui rend un soul seducer suspect à mes yeux, mais j’me comprends… (oui, si on ne rend pas absolument dingues les mecs aussi, on peut être considéré comme un séducteur de modèle courant, pas comme un séducteur soul). Ça n’engage que moi, mais dans ce rôle, je préfère encore Curtis Mayfield, à la fois parce qu’il n’est pas particulièrement aidé par son physique, contrairement à Marvin, et surtout parce que sa production musicale me semble encore plus fantastique, et son charme plus durable.
A la différence d’un Stevie Wonder, qui est le plus grand mélodiste de tous, Curtis Mayfield est l’homme de la transe, une transe contenue, élégante, sexy sans jamais être brutale. Son chant glisse, félin, à travers son œuvre, sans se résumer à une ornementation de plus pour faire danser les fans. Car sous le feutré du timbre, il a toujours su affirmer des engagements politiques, à l’époque où il ne s’agissait pas seulement de défendre le climat, les animaux ou les fonds sous-marins. Après le renouveau des protest songs au début des années 60, ce sont des chanteurs noirs qui accompagnent le mouvement des droits civiques par des chansons illustrant la « fierté Noire », comme James Brown ou Marvin Gaye. Avec deux styles bien différents, je rapprocherais pourtant Curtis Mayfield de Gil Scott-Heron pour leur utilisation du style parlé dans leurs chansons, qui ont influencé de manière décisive ce qui allait devenir le rap. Même si Mayfield est plus sensuel et quasi féminin, sa façon de tenir un chant tendu et presque obsessionnel sur une rythmique lancinante reste une des caractéristiques du récitatif rap actuel. En mieux, évidemment.
A celui qui veut découvrir cet homme, je ne saurais trop conseiller de commencer par le début, enfin le début de son travail personnel (il a travaillé dès les années 60 dans les Impressions de Jerry Butler et a pondu quelques tubes), c'est-à-dire l’album Curtis (1970) et tous ceux qui suivent sans exception, au moins jusque à Something to believe in, en 1980. A raison d’un ou deux albums par an, ça fait un petit programme envoûtant que j’aimerais bien avoir encore à découvrir…
Curtis Mayfield est mort il y a dix ans aujourd’hui. Je me souviens parfaitement de la tristesse qui m’est tombé dessus ce jour-là, comme si sa mort signifiait qu’on ne pourrait plus l’écouter. Erreur, bien sûr, astuce du sentiment qui nous masque la réalité. A moins d'une semaine de l'an 2000, j'ai eu clairement le sentiment que le vingtième siècle finissait. Je savais pourtant bien que Mayfield ne travaillait plus beaucoup et que son œuvre était achevée depuis longtemps, mais il avait été un de ceux qui m’avaient fait découvrir un monde, et à ce titre, je le considérais comme une sorte de parent. Chose encore plus curieuse, et que chacun peut avoir vécue, il faisait partie des gens dont le travail me plaisait totalement, dont chaque chanson me touchait parce que son style, sa personnalité, sa façon d’être, tout simplement, m’allaient droit au cœur. Est-ce que ça signifie que je le comprenais ? Oui, je crois.

lundi 21 décembre 2009

Panthéon pour monsieur Germain !


Je viens d’écouter la dernière édition de Répliques, l’émission d’Alain Finkielkraut sur France Culture, consacrée à Albert Camus. Je signale aux lecteurs que l’animateur y a exposé une idée que je trouve formidable, et dont je lui envie la paternité. A propos de la prochaine entrée de Camus au Panthéon, décision controversée pour plusieurs raisons, au premier rang desquelles la récupération de la figure de Camus par un Président de la république caricaturalement de droite, Finkie propose qu’à la place de l’écrivain, on y fasse entrer les cendres de monsieur Germain, l’instituteur de Camus, l’homme qui lui avait permis de sortir de la détermination de son milieu social, ce monsieur Germain devenu la figure de l’instituteur républicain qu’on a tant moqué depuis.
Je pense qu’il est inutile de s’étaler plus avant sur les avantages et la valeur symbolique d’une telle panthéonisation, chacun la comprendra.
Je propose que cette idée géniale soit reprise et colportée par tous ceux qui pensent qu’il faut remettre les professeurs à leur place, la plus haute, sur l’échelle de la considération publique, au risque de bousculer des vedettes de la chanson-han, des stars du basket-han, des Che Guevara du football business-han et des imitateurs engagés-han.
Juste après avoir été nobélisé, Camus écrit cette lettre à son ancien instituteur:
"Cher Monsieur Germain,
J’ai laissé s’éteindre un peu le bruit qui m’a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler de tout mon cœur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j’en ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur. Mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève."

Le Panthéon pour monsieur Germain, oui, nous le pouvons !

Eloge d'André Suarès


J’étais à Paris fin novembre et, étudiant une carte, j’y découvre une place Raymond Souplex. Je cherche alors une place ou une rue Jean Gabin : rien ! (la carte date de dix ans, et depuis, on a donné le nom de Gabin à un bout de Paris) Par quel intense lobbying est-on parvenu à donner le nom de Souplex à une place, tandis que Jean Gabin, notre plus grand acteur, n’est pas honoré ? S’amusant de la chose avec mes amis, on se met à vérifier si tel ou tel personnage a une rue, une ruelle ou une impasse à son nom. Le jeu dure depuis cinq minutes quand j’ai l’idée de vérifier s’il existe une rue André Suarès à Paris : elle existe ! C’est une des deux ou trois plus grosses surprises de ma vie ! Une rue porte le nom du plus grand de ses écrivains inconnus… Immédiatement, je bondis de ma chaise, avec force postillons je me mets à expliquer qui fut ce Suarès et pourquoi il est absolument invraisemblable qu’une rue porte son nom, tandis que j’enfile mon manteau, que je mets ma casquette et que j’emporte mon appareil photo, direction : la rue Suarès !


On a foutu une rue André Suarès au fin fond du 17ème arrondissement, juste au dessus du périphérique, dans une sorte de no man’s land affreux qui aurait fait pousser des cris de douleur à son bénéficiaire. Lui qui détestait tant la rive droite serait bien mortifié de savoir où on a apposé son nom d’inconnu. Cette injuste guignolade m’a parue bien figurer l’incompréhension où se mec a passé sa vie, et finalement, bien représenter ce que fut son isolement héroïque. Techniquement, il n’y a rien dans cette rue. Elle porte le nom d’un homme qui ne fut que rectitude et profusion et pourtant, elle n’offre rien et forme un angle droit : une rue en L. Visiblement, des projets d’urbanistes vont remodeler ce bout de Paris dont j’ignore tout : un terrain vague a fraîchement été formé par la démolition ou le déblaiement d’une grande aire non loin de la rue Suarès, et je vois d’ici les grands immeubles froids qui vont y pousser. Il y en a d’ailleurs un dans la rue même, c’est le seul, une sorte de truc en verre verdâtre qui doit abriter une compagnie d’assurance ou un groupe de canailles bien mises. En face, rien, des gravas par monceaux, un ancien mur qui ressemble à un ouvrage SNCF, une zone à Gitans qui attend la fin du monde. C’est, de tous les endroits que je connais de Paris, celui qui est le mieux fait pour l’exil. Suarès y est donc chez lui.


Il est toujours assez délicat de parler des écrivains que l’on aime, ou des musiciens qui nous habitent. Si on les aborde en « généraliste », à fin de les faire découvrir aux néophytes, on est menacé par l’écueil du cliché ou de la banalité, et on déçoit les connaisseurs. Si on les aborde en « spécialiste », c'est-à-dire en amoureux passionné qui connaît son affaire, on peut flatter quelques happy few par des allusions d’initiés en risquant d’ennuyer profondément les béotiens. Cette dialectique est particulièrement vraie quand on évoque un homme comme André Suarès. Je choisis donc de tenter de faire « découvrir » cet écrivain et, puisque son statut de « maudit » rend mécaniquement faible le nombre des élus qui l’ont connu et l’apprécient, je suis censé parler ici au plus grand nombre.
André Suarès est inconnu, c’est de notoriété publique. D’un homme qui a écrit plus de cent ouvrages, il est un peu normal que le grand public ne connaisse pas tout. Il est un peu moins habituel qu’il ne connaisse absolument rien, pas plus l’œuvre que le nom. D’autant que ce nom a été su par tous ceux qui firent la littérature avant-guerre, autant pour l’admirer que pour le détester, d’autant surtout que la qualité de son œuvre, de ses vues, de son ambition et son intelligence fulgurante le place à un niveau supérieur. Mais voilà, Suarès n’a jamais écrit de roman. Pas moyen de résumer un de ses livres par une formule comme « c’est l’histoire de… ». Chez lui, tout est littérature, tout est dans l’art de raconter, de parler, d’évoquer ou de se battre. Son œuvre composite, mélange d’essais esthétiques, de carnets de voyages, de poésie, de pamphlets virulents, de rêveries ou de théâtre, trouve son unité dans un humanisme exigeant et un amour exclusif de la beauté. Ce dernier point est probablement celui qui lui a fait le plus de torts, et qui contribuera toujours à son oubli dans une époque entièrement soumise à la laideur produite industriellement. André Suarès fut un grand passionné, et sa passion d’écrire trouve son accomplissement dans sa continuelle critique des grandes œuvres. Plus que Nietzsche lui-même, il a ruminé les trésors de l’art occidental toute sa vie durant et parvint toujours à en montrer l’unité, l’épine dorsale, à dégager les principes qui les apparentent les uns aux autres. Personne n’a écrit avec autant de profondeur ni de partialité sur Dostoïevski, sur Beethoven, sur Dante, sur l’Italie de la Renaissance, sur la Grèce (sa seconde passion, après la France), sur Shakespeare. Ses livres sont des collections d’essais où l’intransigeance de ses passions éclate partout, où l’amour dangereux du sublime et de la grandeur mène parfois à une certaine grandiloquence dans un style tranchant. C’est un de nos plus grands aphoristes. Sa phrase se structure autour d’une idée en train de naître, et qui semble progresser par affirmations successives, aphorismes qui précisent, encadrent et accomplissent l’idée à coups de fulgurances.
Son maître ouvrage, le Voyage du Condottiere, fut écrit sur plus de trente ans. C’est le surprenant récit de ses voyages en Italie entre 1895 et 1928, mais c’est bien plus qu’un récit de voyage (qu’il débute par cette phrase « Le voyageur est encore ce qui importe le plus dans un voyage »), c’est un hymne. Chaque endroit, chaque œuvre, chaque fait, chaque palais et chaque ruelle lui inspirent un chant où passent son érudition, son lyrisme, sa poésie, son amour de la grandeur et son culte de la beauté, sa mythologie personnelle et son envie de se battre. Lui, le plus grand des critiques, dépasse de beaucoup ce genre par la passion qu’il y met, la partialité, l’ampleur des vues et surtout la poésie, un peu comme Jules Michelet dans un autre domaine. La différence essentielle d’avec les critiques « standard », si l’on peut dire, c’est qu’il ne juge les œuvres et les personnages qu’en fonction de leur poésie. C’est son ultime critère, celui qui, à Sienne, le fait s’attarder sur un palais d’apparence banale, parce qu’il y a vu une façon d’orgueil poétique auquel il identifie sa propre quête des hauteurs. Son voyage est celui d’un Condottiere, comme le surhomme de Nietzsche est un homme sur-vivant, vivant une vie plus vive que les autres, et au dessus d’elles. Ce qui surprend le plus, peut-être, dans son œuvre, c’est la permanence des vues originales, des points de vue surprenants et toujours personnels, jamais mièvres, et surtout sa prodigieuse capacité à relier entre eux des éléments apparemment sans rapport mais qui, éclairés par sa sensibilité et son érudition, nous font mieux comprendre l’unité élémentaire de l’Art.
Toute personne affirmant avoir visité l’Italie et la connaître sans avoir lu le Voyage passe, à mes yeux, et immédiatement, pour un fanfaron.

Suarès est né en 1868, il meurt en 1948, sa vie couvre donc trois guerres, trois invasions et très logiquement, la question de la guerre occupe une bonne part de son œuvre. Politiquement, il fut un patriote, le plus fanatique de tous, dans une formule inédite où le fanatisme n’aveugle pas (ou peu) l’intelligence. C'est que son intelligence était tellement au dessus de la norme que, même fanatisée par son amour de la patrie et sa vision grandiose de la France, même rendue partiale par la douleur de la guerre, elle conservait plusieurs coudées d’avance sur celle de la plupart de ses contemporains. Durant la Grande guerre, il écrit des pamphlets anti boches d’une violence inouïe, d’une lucidité prophétique aussi. Il n’a pas attendu le nazisme pour fustiger la passion de la race chez les Allemands, et pour annoncer ce qui allait advenir. Dès 1915, il écrit « La nation contre la race », établissant de chaque côté du Rhin deux principes inconciliables et appelant, dans un style à la hussarde, à abattre les barbares. Chez lui, en ces époques lointaines où la police politiquement correcte n’avait pas encore lâché ses indics sur les masses, les barbares sont traités de gorilles, de brutes, de singes à mâchoires, d’infectes punaises. Un verbe dur dans un esprit fin, choses presque totalement disparues de nos jours... Un des seuls livres de lui qu’on cite aujourd’hui est son Vues sur l’Europe, paru à partir de 1934, où il emploie les plus grands moyens pour tenter de convaincre l’occident du danger mortel du nazisme. Il est immédiatement traité de fou, de provocateur et s’enfonce un peu plus dans la marge. C’était l’époque où le ministère des Affaires étrangères interdisait à la NRF (et donc à Suarès) tout article contre Hitler ou Mussolini, qu’on ménagea jusqu’au bout (pensons qu’un enculé (non Allemand) a même proposé Hitler au prix Nobel de la paix en 1939 !). Dans ses Vues, Suarès annonce ce qu’Hitler annonçait lui-même dans son Mein kampf, c'est-à-dire à la fois la guerre, l’écrasement de la démocratie et de toute possibilité d’opposition, le martyr des Juifs, etc. Avec une hargne de fanatique, il exhorte les démocraties à faire la guerre, à écraser préventivement celui qui bientôt, écrasera l’Europe, car il sait, il a compris qu’on ne pourra pas éviter la guerre, il a compris avant tout le monde que deux principes se trouvaient en conflit et qu’il faudra y aller. En ce domaine comme en tous les autres, Suarès est d’une pièce : il détestait les pacifistes (dont son ami Romain Rolland) et traitait les neutres de « chiens ». On ne l’a pas entendu.

Pour lui, « le termite jaune et l’automate américain » sont les deux plus grands dangers qui menacent la civilisation européenne, dans laquelle la France a la première place. Par ces deux images, il fustige l’avenir, notre présent en quelque sorte, c'est-à-dire le monde désenchanté qui sacrifie toute vie aux dieux Travail et Argent. Dès avant 1900, il annonce ce que produiront le communisme et le capitalisme en termes d’aliénation de l’homme. C’est probablement ce qui lui vaudra le plus d’ostracismes, jusqu’à aujourd’hui : il clame à la même hauteur sa haine du capitalisme et celle du communisme, en un siècle si capitaliste qui a tant rêvé de communisme. Parmi les intellectuels et les artistes, races les moins tolérantes et les moins faites pour pardonner, il fut l’un des seuls à ne pas tomber en pâmoison devant le superbe Lénine, à ne pas ouvrir les bras au splendide Staline, à ne pas lécher le cul à un Parti, fût-il internationaliste. Trente ans avant qu’un Gide commence à douter de la perfection soviétique, avant même la révolution d’Octobre, il annonçait ce que serait fatalement l’expérience communiste : l’empire de la Caserne. Le Bernanos de La France contre les robots, paru un an avant la mort de Suarès, est son meilleur continuateur, et il partage avec lui ce don prophétique, fruit de l’intelligence, qui nous étonne toujours.


Il est difficile de citer Suarès, il faudrait copier des ouvrages entiers. Il est très peu réédité : que chacun se démerde. Au hasard d’une relecture, je tombe sur ce texte de 1936, intitulé Plèbe et peuple, bien actuel dans son fond : « (…) J’ignore ce que pourrait être l’amour de la France, si l’on n’aimait pas les Français. C’est à la vie de ce peuple, à ce qu’il fut, à ce qu’il peut être encore, à son génie, que je tiens. On le presse de toutes parts ; on l’attaque, on le nie. (…) Français d’hier ou de la veille, soudain transplantés du Nord et de l’Orient dans les faubourgs de Paris, ils n’ont pas conscience du mal qu’ils font au pays qui les accueille. Ils y campent encore et se donnent le droit de juger impudemment ce qu’il faut garder ou non de l’œuvre de vingt siècles : ils n’y sont pour rien, que pour l’avantage qu’ils en retirent ; et ils se permettent pourtant d’en avoir un avis. Qu’ils en aient un, soit ; mais qu’ils l’expriment, non ; et s’ils veulent le faire prévaloir par la violence, ils passent la mesure. Ils ne sont pas du peuple, et ils parlent pour lui. A peine sont-ils de la plèbe, cette lie confuse que tous les flots du hasard, des migrations, de la misère poussent dans les immenses capitales. Il faut du temps à la plèbe, pour devenir peuple : il faut bien des ans, sinon des siècles, pour faire un citoyen. Il est aisé de se dire citoyen du monde, quand on n’est citoyen de nulle part. Un peuple n’est pas une racaille qui ne vit, misérable, que pour ne pas mourir de faim, et dont toute l’âme est dans le ventre. Une nation est un esprit. On le reçoit de la terre et du ciel, en naissant ; on ne l’échange pas contre un autre, comme un billet de banque. (…) »

Pour terminer ce trop court billet, je veux citer la phrase qui me semble le mieux résumer la mission que Suarès s’était donnée, et qui le qualifie tout entier.
« Pour ennoblir, il n’est que l’artiste et l’homme d’action : par l’œuvre vivante et par l’exemple. Si l’on dit : Même pas ! j’y souscris. Du moins, le véritable artiste s’ennoblit-il lui-même, et quelques uns avec lui. C’est pourquoi nous ne lutterons point contre les plèbes insolentes ni par le fer ni par le feu. Mais il est en nous de nous roidir et de faire notre preuve, qui est premièrement de ne point céder sur la vertu noble et de consentir, pour qu’elle se manifeste, à notre entier sacrifice. » Sur la vie, (tiré des Chroniques d’Yves Scantrel, 1910).

samedi 12 décembre 2009

L’impudent bonheur des empaffés


Au plus fort de la tempête, il y a toujours un imbécile pour dire qu’on va s’en sortir. Quand les vagues pilonnent l’esquif, quand l’équipage est emporté au bouillon, que le capitaine lui-même ne peut plus quitter la cuvette des chiottes, quand les structures du bateau se rompent et que la musique s’arrête, on entend toujours un mauvais mourant qui veut relancer la bagarre et, laissant les mots sortir librement de sa gorge, qui parvient à redonner de l’espoir au dernier carré hébété. Et souvent, cet emmerdeur a raison. C’est toute l’histoire humaine. Mais en ce samedi 12 décembre 2009, après la vidéo des jeunes de l’UMP, personne, pas une voix ne s’élève. Chacun a compris que c’est la fin.
Qui aurait pu prévoir qu’en plein « débat » sur l’identité nationale, le parti au pouvoir déciderait de tuer la France, en peine conscience du crime, rendant ainsi dérisoire toute autre considération ? A tous ceux qui, de bonne foi ou pas, se chamaillaient pour savoir si telle ou telle option relève de l’identité française, le pouvoir a décidé de montrer comment, de l’identité française, on se torche le cul. Oyez, enculés, approchez ! Regardez comment on achève une nation malade ! Mettez vos groins à l’épreuve ! N’ayez pas peur, mesdames, laissez vos enfants jouer avec la charogne ! Elle ne ressent plus rien, on peut y aller !
Je me souviens des reportages sur les mineurs, à la fin des années 70. Des simples d’esprits, les mineurs. Des mecs de cent kilos, des mains comme des poêles à frire, des moustaches effrayantes et les voilà qui se mettent à pleurer dans le poste parce qu’ils estiment leur dignité atteinte. Ils pleuraient comme des mioches parce qu’ils ne comprenaient pas comment on pouvait les tenir pour si peu, ni comment des mecs pas capables de changer un filtre à air pouvaient décider de foutre des héros au remblai. On s’endormait, gamins, avec ces larmes, en se disant qu’on venait de découvrir en quoi ça consistait vraiment, d’être un homme. Je me souviens aussi qu’à cette époque, le plus grand des Français s’appelait encore Eric Tabarly, un travailleur sobre qui refusait de répondre aux questions idiotes. Tous les enfants le regardaient comme un père, lui dont on savait que jamais le cul ne s’ornerait d’une plume, fût-ce pour faire plaisir à l’audimat. L’identité française, en ce moyen âge lointain, c’était une certaine façon de n’être jamais ridicule, une espèce de grandeur.
Tout le monde doit s’en foutre, mais c’est décidé : je ne suis plus français. Il y aura sûrement encore un mauvais coucheur pour prétendre que tout n’est pas fini, mais il se trompe : tout est absolument fini, l’ancien monde est mort. Demain, les poules auront des dents, les arbres pousseront à l’envers et des boulevards porteront le nom de Patrick Devedjian.
Dans le monde simpliste des juristes, un Français est simplement un clampin qui possède la carte d’identité française. Qu’il ne soit même pas francophone ne change rien, qu’il ignore tout du pays n’a pas d’importance, c’est un français au même titre que Châteaubriand et Jean Moulin. Les coiffeurs voient le monde à travers les conversations qu’ils ont dans leur salon feutré ; les chauffeurs de bus en savent long sur l’homme parce qu’ils font beaucoup de kilomètres ; les juristes voient le monde à travers le Code. Mais pour les gens comme moi, néanderthaliens voués au charnier, la carte d’identité n’est rien d’autre qu’un papier délivré par un fonctionnaire qui fait ses huit heures, et qui aurait pu aussi bien vous filer un arrêté d’expulsion si un sous-ministre l’avait décidé. Etre français est une alchimie qui suppose, a minima, une aspiration à être français, une forme d’identification avec le pays, un accord général sur l’existence qu’on y mène, toutes choses qu’ils m’ont prises. On pourra dire et faire ce qu’on veut désormais à propos de cette fameuse identité, je m’en désintéresse. A quoi bon peaufiner l’argument, soupeser des pattes de mouches, à quoi bon étudier, affirmer, douter ? L’identité française, on nous l’assène, on nous le démontre, c’est avoir le courage de la vulgarité, c’est l’ignoble sans gêne des optimistes, l’infantilisme des slogans, la grossièreté de l’air des lampions, la laideur des biens portants, c’est l’indignité des bouffons, l’impudent bonheur des empaffés.


Les Etats-Unis ont depuis longtemps mélangé show business et politique. Ils ont tout mélangé, d’ailleurs, c’est là toute leur recette. Faire une carrière politique, là-bas, est aussi éprouvant que faire des claquettes. Tout doit être fun : les américains prennent les enfantillages très au sérieux. Au pays de Disney, on ne badine pas avec l’insignifiance. Rien n’est plus encadré que la nonchalance, rien n’est plus codifié que la décontraction. On passerait par les armes médiatiques un politique qui n’afficherait pas son souci de faire jeune, et d’ailleurs, on n’y conçoit plus qu’on puisse être Président sans faire de jogging. L’industrie du divertissement a si complètement infiltré le tissu social que le meilleur visa pour le pouvoir est un sourire franc, sans tâche, large et permanent. Obamisme et optimisme. La France a décidé il y a longtemps d’imiter les USA et, bien sûr, comme tous les imitateurs, elle bouffonne. Après que Ségolène Royal, avec ses bouclettes, sa tunique moulante et son parfait émail a foutu la trique au Zénith, on savait que les dès étaient jetés et que la politique française passerait, elle aussi, par ce concours de séduction si américain. L’UMP relève donc le défi en s’enfonçant délibérément dans l’abrutissement fier de lui, la variétisation assumée de la politique à coups de plamondices. S’américaniser n’est plus une technique, un penchant ni une faiblesse, c’est un impératif catégorique. Bien sûr, il ne faudrait pas croire ni espérer que les choses vont en rester là : on les aura, les socialistes faisant du hip-hop, on y aura droit à Martine Aubry en tutu, à Besancenot en Village People, on verra bientôt Benoît Hamon faire du skateboard, Villiers chanter la Traviata et la fille Le Pen tatouée lolita style. On a bien eu un président en exercice entrant en short et basket par la grande porte de l’Elysée…
Se dire Français, c’est d’une façon ou d’une autre assumer ce qui est français, assumer l’histoire et le présent. Je l’ai déjà écrit, j’assumais dans la joie les croisades, la Saint-Barthélemy, les guerres mondiales, les guillotinades, les Bérézinas, j’assumais tout, j’assumais même les yéyés ! Mais c’en est trop : en deux générations, on est passé du Chant des partisans à « Changer le monde » : je ne suis plus français !

Je veux mourir.





mercredi 9 décembre 2009

Afreucentrisme



Depuis soixante-dix ans, on a souvent constaté que les Etats-Unis donnent le ton de ce qui se fait en France, avec un décalage d’une dizaine d’années en général. Pour le meilleur ou pour le pire, nous reproduisons curieusement des comportements qui nous sont étrangers, et ceci sans y être contraints par la force, sans qu’une quelconque colonisation à l’ancienne puisse être invoquée. Une hypothèse s’impose : vivant peu ou prou dans le même système économico politique, les mêmes causes là-bas produisent les mêmes effets ici, question de temps. Les Etats-Unis ne sont cependant pas les seuls à donner le la de la musique française, et on a pu voir des modes d’origine nippone, par exemple, enlaidir notre paysage comme si elles étaient 100% yankee ! Le Canada me semble, lui aussi, un bon postulant dans ce rôle : depuis la rentrée scolaire 2009, en effet, la ville de Toronto finance une école afrocentriste
En gros, il s’agit d’une école (financement public !) qui « met l’accent sur la culture des Noirs à travers l’enseignement », et qui est destinée à des élèves Noirs (pour l’heure, les Blancs sont admis – leur éviction pure et simple n’étant peut-être pas possible légalement). Pour l’afrocentriste, il n’est plus question d’enseigner l’histoire du Canada (ni celle du monde) comme avant, il faut y ajouter le prisme de la couleur de la peau : c’est évidemment là que se situe le progrès. Mais l’enseignement ne se limite pas à l’histoire, évidemment, l’enseignement c’est bien plus vaste, c’est immense, c’est illimité, ça mérite une majuscule ! L’afrocentriste tâchera donc de mettre en exergue le rôle des Noirs dans la comptabilité, leurs apports théoriques à la mécanique des fluides, la spécificité noire en matière d’aérodynamisme, de résistance des matériaux ou de circulation sanguine et fera, bien sûr, la part belle à l’Afrique sur le sujet passionnant de l’antimatière. On va voir ce qu’on va voir…
Pour réduire l’échec scolaire des élèves canadiens noirs, l’ambition affichée est de leur donner des références auxquelles ils puissent s’identifier, car il doit être établi que l’élève noir ne peut en aucun cas s’identifier au reste du genre humain (c’est donc, très exactement, ce qu’on a coutume d’appeler un gros con). Bref, on met en place un enseignement spécial pour des gens qui sont pourtant censés s’intégrer à un tout, c’est comme ça. Les responsables de cette école étrange précisent paradoxalement que « les élèves utiliseront le même terrain de jeux que ceux de l'école publique adjacente », ce qui démontre leur courage : ils ne reculent pas devant l’idée hardie que de petits Noirs puissent échanger un ballon ou un saute-mouton avec de petits Blancs !
Afrocentriste, c’est le terme qu’on utilise quand on met en place une pensée qui tourne autour de l’Afrique. Une géographie afrocentriste, par exemple, placera l’Afrique au centre du monde, même s’il l’on sait depuis longtemps que celui-ci se situe en gare de Perpignan. Pour un afrocentriste comme pour un panamocentriste (le Panama éternel, père de la civilisation) qu’importe les faits et ne comptent que ceux qui intéressent la Cause ! Et pour obtenir de bons résultats, naturellement, les professeurs devront être noirs eux-mêmes. Au Canada, on ne lésine pas, on est décomplexé, on met le paquet ! Au moment de l’abandon de l’apartheid en Afrique du sud, si l’on m’avait dit que vingt ans plus tard, des Noirs du Canada mettraient eux-mêmes en place les prémisses d’un « développement séparé », j’aurais vraiment rigolé. J’aurais eu tort, une fois de plus. La réalité ne dépasse pas la fiction, elle l’écrase, elle l’atomise, elle lui éclate sa face ! Elle la polanskyse !
A l’heure de la mondialisation, de la circulation des personnes en tous sens, il est bien logique qu’on assiste à des retours de bâton, à ce qu’on appelle comiquement des « crispations identitaires ». Le principe d’action/ réaction demeure l’explication la plus valide de la plupart des mouvements de l’histoire. Il explique d’ailleurs en bonne partie le dernier vote du peuple suisse concernant les minarets ou le soudain revival de la religion musulmane dans un grand nombre de pays. Mais si on condamne généralement les crispations des populations des pays accueillants, on est toujours plein de compréhension pour celles qui émanent des émigrés, et je me demande bien au nom de quoi.
On peut aussi se poser la question de savoir ce qui composera ce curieux enseignement centré sur l’apport des Noirs à la civilisation. Loin de moi l’idée de contester l’immense apport africain à la civilisation, naturellement, mais encore faut-il savoir de quelle civilisation l’on parle. S’il s’agit de la civilisation européenne, d’où le canada est directement issu, l’apport est mince, voire minuscule. N’oublions pas qu’avant les Portugais du XVème siècle, l’Europe n’a aucun contact avec l’Afrique sub-saharienne. Même en se concentrant sur les périodes récentes de l’Histoire, où les contacts furent plus fréquents, les rapports de domination et de forces ont fait que la civilisation européenne s’est imposée, c’est un fait, et qu’elle n’a pas trop eu besoin de « l’aide » africaine pour ça. Quoi qu’il en fût, il faut toujours faire confiance aux révisionnistes, leur imagination ne manque jamais de ressources.
Mais peut-être ne s’agit-il que d’enseigner la « civilisation africaine » dans cette école, et non pas « l’occidentale » ? Peut-être les petits canadiens noirs seront-ils ramenés à leurs plus ou moins lointaines origines par un « enseignement des racines » particulièrement à même de fabriquer de petits citoyens canadiens ? Finalement, dans ce XXIème siècle qui débute, ce siècle de la miniaturisation de la technologie, des communications immédiates, des nano particules et de l’expansion spatiale, de la globalisation de tous les rapports humains, le plus important pour un canadien, c’est peut-être de savoir comment ses ancêtres africains fabriquaient le pain, comment ils portaient l’eau et faisaient allégeance à leur monarque local ? En tous cas, si les élèves de cette école invraisemblable rencontraient quelque difficulté à s’imposer dans la compétition généralisée qui les attend, autant dans leurs carrières que dans leurs vies, dans la confrontation avec « le reste du monde » (et pas seulement étudiant), ils sauraient aisément à qui s’en prendre.


Le plus inquiétant dans cette affaire est bien sûr le caractère exemplaire qu’elle pourrait avoir pour les esprits tordus qui, en France, ont le vent en poupe. Les racialistes sont parmi nous, ils n’ont aucun complexe à dérouler leur discrimination positive et leur enseignement épidermo-différentialiste sur les ventres chétifs de la Constitution et de la désuète vieille dame Egalité. Pire, il semble bien que le courage manque partout pour leur dire merde et les foutre en cabane (lieu idéal entre tous pour goûter les charmes du communautarisme ethno racial). On les a déjà entendu, par exemple, réclamer que l’enseignement en France fasse une plus grande part à l’histoire personnelle des élèves, c'est-à-dire qu’on enseigne l’histoire des pays d’origine de leurs parents et ancêtres. Ainsi, au lieu d’apprendre simplement l’histoire du pays où ils vivent, comme partout dans le monde, les enfants de demain seraient forcés à patauger dans le déterminisme de leurs origines en ressassant éternellement l’histoire de leurs supposés ancêtres d’au-delà des mers… Idéal pour construire l’idée d’appartenance à la France... L’école enseigne-t-elle l’histoire de la Pologne depuis que des immigrés Polonais sont venus s’installer en France ? A-t-on appris l’histoire de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal au motif que des millions de travailleurs de ces pays se sont installés ici ? Niet ! Au nom de quoi faudrait-il agir différemment pour les enfants d’immigrés actuels ? Au nom de la couleur de leur peau ? De leur race ? Allez, dites-le ce mot qui occupe toutes vos pensées !
Quoi qu’on pense de l’immigration, de la préservation des modes de vie ou de la persistance de la foire au poulet à Saint-Hilaire-Cusson-la-Valmitte (Loire), on est bien forcé de constater que des millions d’êtres humains n’habitent pas dans le même pays que leurs grands-parents. Je ne suis pas le dernier à remarquer que ça pose des problèmes ni à souhaiter qu’on maîtrise ces flux, mais le bon sens indique que la situation est ce qu’elle est, et qu’il faut faire à partir d’elle. Autrement dit, les populations qui sont en France, pour la plus grande part d’entre elles, y resteront. Dans cette perspective, la situation est celle-ci :
1)Soit on veut que la France reste essentiellement peuplée de Français, c'est-à-dire de gens qui se disent, se sentent et se revendiquent comme tels (quelles que soient leurs putain d’origines), et dans ce cas, on travaille à l’union, à l’intégration et à l’assimilation (gros mot !) de tous dans un ensemble cohérent (ce qui n’exclut pas les fameuses « différences », mais les subordonne à la « ressemblance », ce qui, au passage, suppose aussi un métissage naturel) ;
2) Soit on pense que c’est impossible, on veut conserver des choses incompatibles ou qui braqueront immanquablement chacun contre son voisin, on refuse de se considérer comme un Français parce qu’on est noir de peau ou on refuse au Noir la qualité de français, on met en avant les histoires personnelles de chaque péquin pour mieux enterrer celle qui a fait le pays, on se revendique ontologiquement Indigène de la Républiqueou de Souche, on vise un développement séparé de peuplades étanches et, dans ce cas, si on veut suivre mon conseil, on peut d’ors et déjà prendre son visa pour le Canada.

mardi 8 décembre 2009

218 ans et trois jours

Il y a 218 ans et trois jours claquait Mozart dans une Vienne indifférente. Le plus bel hommage à ce grand homme qui n’en n’a pas besoin, c’est Bertrand Blier qu’il le fit, en 1978, par la voix de Gérard Depardieu et de Patrick Dewaere, dans Préparez vos mouchoirs, dans une des trois plus belles scènes du cinéma français. Littérairement dans la lignée d’un Marcel Aymé, la scène qui illustre peut-être le mieux ce que signifie, aux yeux de quelques uns dont je suis, l’expression cinéma populaire.