mardi 23 février 2010

Les fellateurs meurent prématurément.


Dans les bons westerns, mes personnages préférés sont ces bigotes agressives qui défilent, habillées de noir, pour la moralisation des bistrots, l’interdiction du jeu ou la lapidation des putains. Ces mères la pudeur ont une phrase qui fait mouche à tous les coups, et qui revient comme un slogan publicitaire : « ce n’est pas ce que nous voulons pour nos enfants ». Sésame censé ouvrir toutes les portes du Progrès, cette phrase-sentence ne saurait recevoir de contradiction. C’est probablement pour ça qu’elle continue de faire partie du vocabulaire courant des Américains, qui savent aller au plus court quand il le faut.
Les représentants français de ces pies morales sont au travail depuis des lustres pour éradiquer la cigarette de la surface du globe, mais s'y prennent toujours plus mal. D’année en année, elles inventent et renouvellent l’art de s’enliser au service de la bonne santé. Leurs campagnes de propagande sont stupides, ce qui ne saurait être reproché à une campagne de propagande : les pubs du camp adverse le sont tout autant. Seulement, les fabricants de clopes, eux, ne prétendent pas s’adresser à la raison, ils ne prétendent pas proposer le résultat d’études, de réflexions, d’une subtile prise de conscience. Ils disent des choses aussi simples que « Hum, la clope, c’est bon » en pensant que ça va suffire à faire aimer la clope (et ça marche !). Ils montrent Lauren Bacall en train de fumer et, aussitôt, des laideronnes s’y mettent en pensant devenir séduisantes. C’est de la pub, c’est bête. De leur côté, en revanche, les militants anti tabac se présentent comme des gens ayant mené une réflexion, ayant analysé un phénomène et repéré ses dangers, mais se comportent toujours de la même façon que ces imbéciles de pubards. On se souvient tous du ridicule de certaines campagnes célèbres. Une question se pose alors : est-il possible de réaliser une publicité quelconque qui ne soit pas débile ? La réponse est non.

Les militants anti tabac se mêlent de ce qui ne les regardent pas : c’est le propre des militants, toujours portés à militer sur les pieds des autres. Ils essayent désormais de faire disparaître une pratique dangereuse, honteuse, abominable et « qu’on ne veut pas léguer à nos enfants » : la fellation. Leur dernière campagne montre en effet qu’avaler la fumée est une pratique menant à la mort, quelle que soit la nature de la fumée. Très peu gay friendly, manifestement mal renseignée aussi, cette campagne associe une bonne vieille pipe à l’esclavage, à la plus grande surprise des pompeurs de dards volontaires (PDV, association reconnue d’utilité publique par le Président Félix Faure, en son temps). Si on ne les connaissait pas si bien, on pourrait encore se demander dans quel monde vivent ces militants-là, et ce qu’ils font de leurs longues soirées d’hiver. Au vu de la campagne et de ce qu’elle dit des phobies de ses auteurs, on déduit qu’ils sont plus à plaindre qu’à blâmer. On comprend aussi qu’il est nécessaire de leur expliquer deux ou trois choses sur la sexualité, et d’abord celle-ci : elle ne regarde pas la ligue anti-tabac.


La filiation entre les thèmes abordés successivement par les « militantitabas » (néologisme que je propose à la Postérité), dessine le tableau de la société hygiéniste parfaite qu’ils appellent de leurs vœux, de moins en moins obscurément. Entre l’injonction de ne pas mourir de tabagie, celle de conserver des dents saines et celle, inattendue, de ne pas mettre de quiquette dans sa bouche, il y a là un programme propre à rassembler les bigots au-delà des différences millénaires, au-delà des schismes, au-delà des mythologies ! Qu’on ne s’y trompe pas, ce rapprochement soudain entre sexualité et tabagisme montre que les militantitabas se sentent acculés : malgré la montée vers le trash, ils constatent que leurs messages ne sont pas efficaces, alors ils décident d’affirmer ce qu’ils pensaient secrètement depuis le début. Ne jouissez pas ! Ne vous faites pas plaisir, et surtout, ne faites pas plaisir aux autres !

N’étant pas fumeur, je m’accommodais sans peine des interdictions frappant les accros de la tige. Solidaire dans le principe mais me fichant concrètement de leur sort, j’écoutais d’une oreille distraite le constat de fascisme mou qu’il appliquaient à cette société d’interdits bien pensants, chaque fois qu’une campagne ou qu’une mesure contraignante frappait leur petit plaisir fumeux. En toute franchise, je trouvais qu’ils poussaient un peu mémé dans les cendriers. Mais la prévisible criminalisation de la pipe me fait entrevoir la chose d’une façon différente, et j’avoue que la perspective de voir débarouler une M.A.B. (milice anti bouffarde) dans ma chambre à coucher risque d’avoir des effets désastreux sur mon aptitude virile. Oh, bien sûr, on peut passer sa vie sans bander, les militantitabas en sont la preuve vivante, mais enfin, quand on a certaines habitudes, et l’âge venant, abandonner des loisirs si doux pour faire plaisir à ceux qui ne s’en donnent jamais serait ressenti comme une punition pour une faute qu’on n’a pas commise, et qui n'en est pas une.

lundi 22 février 2010

Halal limite


J’apprends à l’instant qu’il existe encore des gens (homo sapiens-sapiens) qui continuent de fréquenter les Quick. Il paraît même qu’ils vont y manger, oui. Mon dernier souvenir d’un sandwich Quick doit bien remonter à 1990, et j’ai l’impression qu’en y pensant un peu fort, la diarrhée d’époque reviendrait. C’est ça, Quick, le Quick paradoxe, un truc insignifiant et insipide mais qu’on n’oublie pourtant jamais. Manger chez Quick, c’est comme cueillir une fleur en plastique dans un vieux pot réformé des cimetières. C’est comme faire du bateau dans un égout. C’est comme foutre un quignon rassis dans l’eau de vaisselle en espérant qu’il retrouve sa souplesse perdue. Quick, c’est le désespoir sept jours sur sept. Réponse française à Mac Do, Quick est capable de transformer un authentique patriote en renégat : à l’étranger, on ne compte plus les Français qui se font passer pour Suisses, ou Belges, de peur d’être associés à cet attentat. Il paraît même que certains pays ont tenté de faire condamner la France auprès du tribunal de La Haye, pour mauvais traitement à populations désarmées. Mordre dans un Quick est impossible : tout y est mou, tout colle et s’affaisse comme dans un vieux porno spécial matures XXL. Contrairement à ce qu’on pourrait croire à la première bouchée, Quick ne vend pas de la merde : il rehausse, par comparaison, la merde au rang de mets assez correct, reconnaissons-le. Certains prétendent que les mangeurs de Quick ont moins souvent le cancer que le reste de la population. C’est vrai : la dépression les fait mourir tellement jeunes que le cancer lui-même est sans effet sur eux.
Ceci dit, je suis abasourdi qu’on veuille absolument garantir que tout individu, musulman ou pas, puisse aller y dépenser son fric et sa santé, comme si l'accès au Quick était un droit citoyen de plus. Autant le dire tout de suite, je suis à 100% pour que tous les Quick de France deviennent halal dès demain matin : les musulmans étant très minoritaires en France, le nombre des clients devrait donc mathématiquement diminuer, et tout ce qui peut réduire le nombre des clients de Quick est un bénéfice pour le genre humain.
Depuis les années 50, le quartier de la Guillotière est, à Lyon, un quartier arabe. Avec la mondialisation, des extrêmes orientaux et des Turcs sont venus s’y installer aussi mais la population arabe, comme les commerces du même nom, y restent majoritaires. De nombreuses boucheries sont halal et l’affichent en lettres énormes. Qui aurait le culot de prétendre les obliger à servir du boudin ? Depuis quand les magasins, les restaurants, sont-ils tenus de proposer des produits convenant à tout le monde ? Au nom de quoi une enseigne comme Quick, ou un vrai restau quelconque, devrait-elle se soumettre à une sorte de cahier des charges républicain et laïc ? On nage en pleine fiction.
Le maire de Roubaix a porté plainte contre Quick et j’ai du mal à imaginer qu’il puisse gagner son procès. Mais enfin, nous sommes en France, tout peut arriver. N’étant pas un service public, Quick est libre de décider ce qu’il propose à ses clients, merde ! La preuve : ça fait trente ans qu’il leur propose de la merde, personne ne s’en est offusqué à coups de procès ! Est-ce qu’on va demander à un restau de poissons de servir aussi de la viande parce que des clients viandards seraient discriminés ? A-t-on décidé, dans ce pays qui part en couilles, de détourner le sens de tous les mots ? La discrimination est devenu l’aire de jeu des cancres, qui n’ont aucune idée de ce que le mot désigne précisément. Alors chacun y va de son procès, puisqu’il est établi désormais qu’on ne peut agir les uns sur les autres que par voie de justice, et la moindre « nouveauté » est désignée discriminante avant même qu’elle ait eu le temps de naître.
Bien sûr, il serait peut-être préférable que Quick propose des merdes halal et aussi des merdes pas halal du tout à ses imbéciles de clients. Ce serait ce qu’on appelle une carte plus complète. Mais à ce compte-là, on pourrait exiger (exiger, sous peine de procès) qu’il propose aussi un truc pour les végétariens, les végétaliens, les fétichistes du pied, les bonzes au régime, les rabbins en goguette, les néo mandraquiens (qui ne mangent que des œufs en neige, sauf le jeudi, évidemment), les bourgifissiens orientaux (qui déjeunent de sauterelles revenues dans du beurre de cacahuètes rance, et de pain trop cuit), les vikings mordorés (poissons cru et cervelle d’ennemis), les abstinentistes (qui ne mangent jamais rien, mais exigent qu’on leur serve des assiettes vides trois fois par jour), les enculés mondains (olives bio matin, midi et soir, plus un thé vert) et ma propre grand-mère, qui ne termine jamais sans fromage bleu ! Où s’arrêtera-t-on dans le dirigisme ? Et, n’oublions pas que si un Quick est condamné à proposer du non-halal pour éviter cette putain de discrimination imaginaire, le lendemain matin, des milliers de plaintes seront déposées contre TOUS les restaurants du pays qui ne proposent PAS de bouffe halal ! Réciprocité ! C’est comme si c’était déjà fait.


On nous présente une scène édifiante, un dilemme cornélien : un mec veut se taper un Quick mais ne veut pas manger halal, il erre dans Roubaix à la recherche d’un comptoir ami où il pourra se satisfaire, mais n’en trouve point. Bientôt, acculé par la faim, ce con se jettera sur le cadavre d’un chien pour s’en repaître, sous les regards désapprobateurs des bourgeois repus. C’est atroce. S’il avait profité de la circonstance pour ouvrir les yeux, il se serait rendu compte que Quick vend des trucs immangeables, halal ou pas, et serait simplement allé manger son sandwich à la boulangerie du coin, laissant les halal addicted s’empoisonner le bide à coups d’éponges tièdes parfumées au Viandox.

mercredi 17 février 2010

Réforme de l'enseignement


Hayek contre Keynes - VOSTfr
envoyé par Liberte_Cherie. - Cliquez pour voir plus de vidéos marrantes.

Yo! Spéciale dédicace à Clarence Boddicker, notre libéral préféré!
Un peu de rap, mais cette fois sans borborygmes, sans coups de feu, sans séances de gonflette préalables (mais avec des bimbos, tradition oblige). Un fight entre Hayek et Keynes, qui semble tourner à l'avantage du premier pour les réalisateurs de cette belle chose. Qu'importe ! C'est tellement bien fait...

Penchard n'en guadeloupe pas une


Dans le monde tel qu’il va, il est devenu de plus en plus difficile d’être d’accord avec le parti socialiste français. Je connais même pas mal de gens pour qui cette hypothèse relève de la science-fiction la plus débridée. A part le cas peu probable de l’annonce publique de sa propre dissolution, personne ne comprend plus en quoi ce parti vermoulu peut être utile au peuple. Ce constat valait jusqu’à hier soir, avant que ne se révèlent les penchants de Penchard.
Marie-Luce Penchard est ministre de l’Outre-mer, rien que de très banal. Mais, génie sarkozien oblige, on a trouvé moderne de nommer à ce poste important une personne née elle-même outre-mer : la Penchard est Guadeloupéenne. L’idée était peut-être qu’un habitant de l’Outre-mer serait plus qualifié pour traiter la politique qui doit s’y appliquer. Un peu comme si on nommait un boxeur au ministère des Sports, un vacher à l’Agriculture, un fraiseur mouliste à l’Industrie, etc. Ou alors, on a peut-être pensé que pour être ministre, il était préférable d’être fille de ministre, ce qui est le cas de Penchard. Mystère.
Enfin, pour éviter rivalités et favoritisme, penchants bien naturels quand on est aux commandes d’un ministère, la tradition voulait qu’on ne nomme pas d’ultramarin à ce ministère-là. On pensait qu’un Guadeloupéen aurait du mal à résister aux pressions et à la tentation de favoriser la Guadeloupe, idem pour un Réunionnais ou un Martiniquais. Fidèle au bon sens désarmant qui fait à la fois sa réputation et notre honte nationale, le Pèzident a décidé que ces précautions étaient dépassées : on n’a pas eu à attendre un an pour voir ce qu’il en est.
Evidemment, à quelques semaines des élections régionales, la demande du P.S. est intéressée. Un gros scandale touchant le gouvernement serait plutôt bien pour toute l’opposition, et le P.S. essaye de mener la charge pour en tirer tout le bénéfice. Malgré ça, sur le fond de l’affaire, Penchard est prise la main dans le sac du clientélisme, elle montre au grand jour qu’elle se soucie avant tout des intérêts des Guadeloupéens (c'est-à-dire du sien), ce qui est indigne d’un ministre français. Elle montre aussi sa grande sottise : les ministres, qui sont souvent des députés ou des maires, ont l’habitude de privilégier leur département d’origine, histoire de faire plaisir à de futurs électeurs locaux. Ils essayent en général d’être discrets là-dessus et il est même possible que certains n’en abusent pas. Penchard n’ayant jamais été élue nulle part, elle s'imagine dans le futur à la tête d’une ville ou du Conseil Régional de la Guadeloupe, pourquoi pas ? Mais voilà, elle n'est pas députée de la Guadeloupe, elle n'a pas été élue, elle ne peut pas, comme un ministre maire, ou ancien député, profiter de la période électorale pour étaler tout ce qu'elle a fait pour "son" département. Pourtant, aussi décomplexée que celui qui l’avait nommée ministre, elle utilise les gros moyens, elle annonce publiquement que son action vise à favoriser ses futurs électeurs, définition même du clientélisme. C’est exactement ce qui lui est reproché. Elle doit démissionner. Aussi invraisemblable que ça paraisse, le parti socialiste a raison !!!

mardi 9 février 2010

Variations sur un (ana)thème



"La majorité des Polonais sont antisémites" (Philippe Teysson)
La majorité des polysémiques sont remplis d'monnaie
La majorité des gens qui s'limitent sont anti-lyonnais
La majorité des Antillais ont la poliomyélite
La majorité des niais sont mités aux antipodes
La majorité des polos sont partis très vite
La majorité des ampoulés-nés sautent en mountain bike
La majorité des épaules sont systématiques
La majorité des ermites d’Interpol hennissent
La majorité de Népalais sont gentils et s’évitent
La majorité des poneys lorgnent les stalagmites
Y’a ma joue ridée de peau en glissant qui s’invite
L’homme ajoute l’idée et Paulo met son tantrisme en mythe
L’âme nage Ô raté des polypes mais songe à Gombrowitz
L’hommage aux ratés dépoile mais son emphysème irrite
Tu baves aux bridés t'es pas à l'unisson: t’es gentil, t’évite
Y’avait Lou Reed et Paul MacCartney sur MTV 8
etc.
etc.
etc.
(Sur une idée de William S. Burroughs)

lundi 8 février 2010

Presque trop laid pour être vrai


(Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Je me souviens de « La cathédrale invisible », cette bande dessinée de François Boucq, sur un scénario de Jodorowsky, où un peuple vivant de la mer s’oblige à combattre les plus grosses baleines au harpon, dans de petites barques fragiles, pour obtenir non pas sa chair, mais la gloire de les avoir vaincues. Et, quand le combat se déroule « bien », c'est-à-dire quand la baleine ne tue aucun d’eux, ils s’infligent volontairement des blessures en guise de sacrifice : l’un se coupe un bras, l’autre se crève un œil, un troisième se sacrifie même en se jetant à l’eau, et sombre corps et biens à la recherche de la gloire. Un tel adversaire mérite qu’on souffre pour lui, et ne peut se donner sans contrepartie. Les pêcheurs se mortifient donc pour que personne ne puisse dire qu’il n’est pas dangereux d’affronter les monstres, même si c’est le cas. Cette histoire m’est revenue ce matin, quand j’ai appris que la mosquée de Saint-Étienne avait été souillée de croix gammées.
Evidemment, comme chacun ici-bas (à part les auteurs des faits), je ne sais rien de cette affaire. Je ne dirai donc rien de ses circonstances, la presse s’en chargera. Je veux simplement témoigner d’une pensée qui m’est venue spontanément, toute seule, presque contre mon gré : ça tombe à pic. Survenant moins d’une semaine après le dîner du Crif (où, semble-t-il, on évoque beaucoup plus le déferlant antisémitisme franchouillard que les milliards de raisons qui font qu’il est doux et magnifique d’habiter en France quand on est juif), ce fait divers donne l’impression de rappeler que les Juifs ne sont pas les seuls à affronter le danger fasciste, et que les Musulmans aussi ont leur part de persécutions. C’est assez connu, d’ailleurs : les non catholiques sont en danger en France, il en meurt des cohortes chaque jour et les trains de marchandises en sont pleins. Comme la guerre victimaire est devenue chez nous le seul moyen de se faire plaindre, c’est aussi le seul moyen d’exister. Si vous n’êtes pas victime d’une quelconque oppression, allez mourir ! Le titre de victime fut longtemps une malédiction, un coup du sort, il est devenu une dignité à laquelle on accède à coups de croix gammées, de discrimination (négative uniquement), d’opprobre silencieux et de phobies aux préfixes changeants.
Le Crif est une institution suffisamment puissante pour faire défiler Président de la République ou Premier Ministre chaque année dans un concert de louanges tellement énormes qu’elles puent le faux-jetonnisme : même quand on est Juif depuis Abraham, on ne déclare pas autant d’amour pour les Juifs que François Fillon l’a fait. Dire que « la sécurité d’Israël est une priorité absolue de la France », c’est évidemment mentir, et un peu se foutre des Juifs. « Priorité absolue » signifie qui passe avant toute chose, or pour un premier ministre français, c’est la sécurité de la France qui est une priorité absolue, et pas celle d’un quelconque Etat lointain, fût-il aussi proche de nous qu’Israël. Mais comme on sait que les mots et les promesses n’engagent désormais que ceux qui les écoutent, comme on a pris l’habitude chiraquo-sarkozienne d’entendre les déclarations les plus extravagantes sans réagir, Fillon s’est sûrement cru autorisé à l’éloquence. Je connais quelques personnes concernées qui n’en sont pas dupes du tout, et qui se marrent bien.



Cette attitude des dirigeants est rendue possible par le danger antisémite, mais aussi beaucoup par la véritable priorité absolue : qu’on ne les croit pas capables de passer l’antisémitisme lui-même au crible de la critique ! Soixante-quinze ans après Léon Blum, la France élit un Président fils d’immigré (dont la mère est à moitié juive), adule Yannick Noah et met Jamel Debouze au pinacle des acteurs les mieux payés, mais qu’importe : l’antisémitisme nous est toujours présenté comme absolu, total, proliférant, au moins autant que le racisme. Evidemment, si on crie à l’antisémitisme chaque fois qu’un type peu orthodoxe en traite un autre de pas très catholique, nous aurons rapidement des chiffres épouvantables sur le sujet, épouvantables et faux. Et les affaires de racisme ou d’antisémitisme ont de plus en plus tendance à tomber à pic, comme je le disais plus haut (profanation du cimetière juif de Strasbourg- Cronenbourg deux jours avant le dîner du Crif). Ça ne signifie pas qu’elles soient fausses ni montées de toutes pièces, ça signifie qu’elles semblent opportunément appuyer un discours, une posture et des revendications communautaristes. C’est presque trop laid pour être vrai. Comme cette histoire de braquage à la burqua qui survient comme par miracle au moment où le pays tout entier s’avise que dissimuler son visage en public n’est pas uniquement une affaire de croyance archaïque. On voudrait démontrer les dangers potentiels de la burqua pour la sécurité publique, on ne s’y prendrait pas autrement… Et c’est un anti burqua déclaré qui le pense.
Comme on sait que les médias sont très prompts à relayer les affaires de croix gammées, il est assez légitime de se demander, à chaque fleuraison, si ces croix sont bien naturelles. Après tout, deux coups de pinceaux et hop, le journal de 20 heures ! On a connu des manipulations plus compliquées que ça, on se souvient de l’affaire du RER D, des fausses menaces antisémites contre Alex Moïse, de l’ignoble incendie d’un centre social juif (par un juif) et d’autres affaires du même tonneau. Comme pour les pêcheurs de Jodorowsy qui s’écharpent pour faire comme si le combat avait été meurtrier, j’ai imaginé (pure imagination en l’occurrence) qu’on puisse faire de même à coups de tags racistes, pour faire croire que les nazis sont un danger imminent dans la France de Fillon, et que ceux qui en sont victimes méritent le traitement particulier que les Premiers Ministres réservent désormais aux victimes du mal.

mardi 2 février 2010

Un ennui sérieux


Le cinéma est une invention géniale, la seule qui nécessite qu’on paye pour se faire chier. Dans mon enfance, il m’arrivait assez souvent de m’ennuyer, mais c’était gratuit. C’était même obligatoire, jusqu’à l’âge de 16 ans. Je me souviens bien que l’un des enjeux de l’âge adulte, pour moi, c’était la liberté, la liberté de faire ce que je voulais et surtout celle de ne pas faire ce que je ne voulais pas, c'est-à-dire l’impossibilité de l’ennui. Je m’ennuyais à l’école et elle était obligatoire : comme les adultes n’avaient pas ce genre d’obligation, je pensais qu’ils ne s’ennuyaient jamais. Bien sûr, je me trompais. Quoi qu’on imagine quand on est gosse, il existe bel et bien des moments et même des périodes assez longues où l’on s’ennuie, et dont on ne sort pas comme on veut, tout adulte libre qu’on soit. C’est ce qui m’est arrivé ce soir : je suis allé voir A serious man, le dernier film ennuyeux des frères Coen.
Malgré tous ses défauts, le cinéma a quand même des qualités indéniables, notamment celle de savoir renouveler les façons de s’y emmerder. Quand on y pense, ce n’est pas si facile. On est tous comme ça, on croit avoir tout vu en matière d’œuvre chiante, on croit tout connaître du soporifique, on pense qu’un film assommant est semblable à un autre et puis voilà que les frères Coen sortent un nouveau film, et l’on découvre qu’on peut s’emmerder d’une façon originale. Renouveler les formes possibles de l’ennui est l’apanage des grands réalisateurs.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le piège principal qui menace un cinéaste, c’est de se croire plus intelligent que ses spectateurs. C’est ce qui est en train d’arriver aux frangins. Comme ils ont compris que leur style plait, ils croient qu’ils vont pouvoir en faire la caricature ad libitum et qu’on fera semblant de ne rien remarquer. Comme ils ont un peuple de fans réjouis, dont je suis, ils escomptent qu’on leur passera tout, y compris de mauvais films, et ils n’ont pas tout à fait tort, d’ailleurs : on entend ou on lit souvent qu’un mauvais film des Coen, c’est encore un bon film par rapport à d’autres. C’est une connerie comme seuls les fans réjouis ont le front d’en faire. Je m’en garderais bien.
A serious man n’est ni une comédie ni une tragédie ni une dramatique, c’est un film raté. Il ne distrait pas, ne fait pas rire, ni réfléchir, ni penser, il n’évoque rien, n’apporte rien, ne renouvelle rien, ne fait pas plaisir à voir, il s’étale comme un restant de beurre allégé dont on essaye vainement de couvrir une tartine trop vaste. Contrairement à la tradition, il est recommandé de ne pas aller pisser avant la projection : avec un peu de chance, l’envie vous en prendra au milieu du film, vous donnant enfin un semblant de frisson, réveillant enfin une partie de votre corps engourdi. La seule aventure possible.
L’histoire est simple : un mec, parfait trou du cul gentil avec ses voisins, gentil avec les rabbins, prof de maths (oui, le parfait trou du cul), incapable d’avoir la moindre autorité sur qui que ce soit, voit sa vie partir en couilles quand sa femme décide de le quitter. S’en suivront une série de micros événements qui renforceront encore l’incapacité à agir de ce triste sire.
Pour mener leur récit à bien, les Coen ne reculent devant aucun cliché, ni devant aucune auto imitation : on a droit, successivement et dans le désordre :
1) Au coup des enfants adolescents du héros qui ne sont qu’égocentrisme niais et bruyant. L’un fume de la beuh et l’autre ne pense que coiffure et rhinoplastie (j’ai l’impression que c’est un détail qui est pompé sans vergogne d’un vieux Woody Allen). Les adolescents, dans les comédies navet, font toujours irruption dans le champ de la caméra en se disputant ou en récriminant. Je décrète solennellement que tout film se permettant encore ce cliché est définitivement raté, et que son auteur sera maudit à jamais.
2) Au coup des acteurs moches. C’est une spécialité des Coen, depuis leurs débuts. Leur science du casting fait des merveilles, et ils sont toujours capables de nous sortir des tronches invraisemblables dont on se demande où ils vont les chercher. Dans A serious man, ça ne loupe pas, nous avons notre lot de mochetés filmées en contre plongée, de paquets de rides et de gros plans sur des plis graisseux. Evidemment, après quinze films, ça ne suffit plus, ras le bol !
3) Au coup des dialogues absurdes. On se souvient tous avec émotion des dialogues hilarants de connerie dans Fargo, ce film à la fois atroce et drôle qui semble avoir été fait il y a mille ans. A serious man remet le couvert, mais ça ne prend plus, l’absurdité semble forcée, les silences ne signifient plus rien, ils pèsent de tout leur poids, ils écrasent la mécanique. Le héros médiocre de ce film qui l’est encore plus va chercher des explications à son désordre familial auprès de rabbins tous plus nuls les uns que les autres. Encore un immense cliché qu’on voit venir de loin, le coup du bigot bon teint qui ne trouve aucun secours auprès de ses guides traditionnels, tournés évidemment en ridicule.
4) Au coup du voisin zarbi. Dans cette communauté qui semble exclusivement juive, deux personnages font exception : un élève coréen qui cherche à corrompre le héros pour obtenir une bonne note, et un voisin américain 100% pur beurre, évidemment raciste, qui joue au baseball avec son fiston, chasse et rapporte son gibier sanguinolent ficelé à même le toit du gros break familial, et empiète en hypocrite sur la pelouse du héros. Un détail qu’on n’attendait pas du tout : ce voisin a toutes les apparences d’un abruti irrécupérable.
5) Au coup de la cérémonie guindée (bar-mitsva du fils) et hyper codifiée, mais que le principal intéressé vit en état d’hallucination totale. Le fils, devine un peu, a fumé un putain de joint avant d’y aller, et c’est trop marrant comme il voit double !!!
Fermez le ban.
Après le calamiteux Burn after reading, il serait peut-être temps de se rendre à l’évidence : les frères Coen sont susceptibles de rater totalement un film, ils sont même capables d’en rater deux de suite. Autre révélation : un mauvais film des Coen reste un mauvais film, tout aussi mauvais qu’un mauvais film d’un mauvais réalisateur.