mercredi 18 mai 2011

Une femme, toutes les femmes


"Comment voulez-vous croire qu'une simple femme de ménage, noire, mère célibataire de surcroît, ne dise pas la vérité ?" Gisèle Halimi. Le Monde.fr du 18/05/2011.

Oh, je sais qu’on peut se laisser entraîner à dire les choses de façon maladroite, surtout quand on est presque sommé d’avoir un avis sur une question dont on ne sait, en fait, rien. Oh, je sais que les paroles dépassent parfois la stricte mesure de ce que leur auteur voulait dire. Malgré tout ce que je sais, je ne peux pas m’empêcher de goûter comme un nectar la perle halimienne ci-dessus. Nectar d’une bien curieuse nature, car il cumule deux caractères contraires : il est à la fois précieux et très répandu.
Gisèle Halimi n’a peut-être jamais fréquenté de femme de ménage, noire, mère célibataire. Qu’importe ! elle aurait quand même pu se renseigner avant de parler… En effet, la science est formelle sur ce point : les femmes noires, mère célibataires, et qui font des ménages pour gagner leur vie peuvent et savent mentir. C’est scientifique, c’est établi, c’est du solide. Les plus grands spécialistes de la question convergent même vers l’idée qu’en fait, tout le monde est capable de mentir. La profession d’un individu, son sexe, sa couleur de peau (fût-elle noire, oui !) n’entravent manifestement pas sa capacité à mentir et il semble bien qu’en ce domaine, les individus « faibles », ou « dominés », enfin les individus qui ont en général à rendre des comptes, développent leur compétence bobardienne de façon encore plus satisfaisante.
Ainsi, hélas, les victimes-nées que sont les pauvres, les femmes battues ou non, les sanpapiers, les sans grade, les ramasseurs de fruits, les chiffonniers du Caire, les pestiférés de la Garenne-Colombe, les moinqueriens de Ouagadougou, les plongeurs de chez Quick-Hallal, les précaires, les cédédés de la Barbade et même les trous du cul du Yang Tsé Qiang, tous sont potentiellement de remarquables baratineurs. Sur ce point, on me rétorquera que les ministres et les D.G. d’institutions internationales sont de vrais champions : certes !

« Gisèle Halimi dérape !», auraient pu titrer les médias s’ils n’étaient pas en ce domaine focalisés sur les têtes de Turc consacrées. Elle prend ses désirs pour des réalités, ses fantasmes pour chose certaine. La militante milite comme tous les militants le font : dans la lourdeur. Si les militants se mettaient à peser les arguments et les accusations, où irions-nous ? Par ailleurs, Gisèle Ha-la-limite est avocate. Il serait étonnant que son expérience d’avocate ne lui ait jamais fourni l’exemple de gens qui mentent, accusés, accusateurs, femmes, hommes, Blancs et même Noirs (si !). Mais la militante en elle est la plus forte, et débarrasse l’avocate des scrupules qu’elle devrait avoir.

Dans une conversation télévisée récente portant sur l’affaire DSK, Clémentine Autain remarquait que les réactions publiques se focalisaient sur la personne de l’accusé (elle ignore sans doute qu’un patron du FMI mis en taule pour viol est bigrement plus susceptible de soulever l’étonnement public qu’une malheureuse femme de chambre maltraitée, même noire). Elle s’étonnait et regrettait que l’on déplore la situation de DSK tout en ignorant celles de l’accusatrice et des femmes violées. En cette occasion comme en tant d’autres, elle parlait en parfaite militante, c'est-à-dire en utilisant des expressions toutes faites : les fameuses (et déplorables) « violences faites aux femmes ». Pour cette soldate des femmes, nous avons DSK d’une part (encore présumé innocent bien qu’il soit un homme) et, dans l’autre plateau de la balance, les violenzfètzofam. Or, quelle que soit l’énergie sexuelle du mari d’Anne Sinclair, on ne peut quand même pas le tenir responsable des violences faites à toutes les femmes ! Dites-moi que ce mec est un tombeur de première, un satyre forcené, un queutard d’exception, un militant du gland, dites-moi qu’il crapahute de fesses en fesses depuis trente ans, qu’il bouscule ma tante dans les rosiers, qu’il force les premières communiantes et d’insoutenables génuflexions et même qu’il DSKise© les réticentes, mais ne venez pas me dire qu’il épuise à lui seul le genre féminin sous les assauts !! Il doit bien avoir quelques complices, ce mec ! Il ne peut pas faire partout à la fois ! En l’occurrence, donc, on l’accuse de violence faite à UNE femme, une seulement ! Toute la différence entre une exaltée de la militance et une personne sensée tient à cette nuance.

Un conseil à tous les hommes : dans un tribunal présidé par Clémentine Autain, évitez d’être défendus par Gisèle Halimi.