samedi 26 novembre 2011

Violenzfétofam : le scandale

A l'heure où nous publions cet appel, nous apprenons que la quasi totalité des femmes de France sont battues en permanence par des hommes.
Ce scandale doit cesser !



dimanche 20 novembre 2011

Guerre Totale: l'interview

Guerre totale a un ton tellement personnel, il sort tellement des conventions que j'ai voulu rencontrer son auteur.
Au milieu des romans autofictifs de trentenaires urbains mi- dépressifs, mi-concernés, et de choses vaguement écrites n'aspirant qu'à l'adaptation "série télé", ce roman remet de la littérature dans les épinards.

lundi 7 novembre 2011

Guerre totale, putain de roman


Qui ça intéresse, la rentrée littéraire ? A part quelques libraires, quelques rombières, quelques quinquagénaires, qui a encore assez de temps libre à consacrer à l’élagage de cette absurde jungle ? Combien de romans ? 600 ? 700 ? 654, très officiellement, à ce qu’il paraît…
Est-ce qu’on se figure bien ce que ça représente ? Il n’y a peut-être pas, dans l’histoire du monde, sept cents livres qui méritent d’être lus, et voilà que chaque année, en France, la littérature industrialisée déverse sur nos têtes un coulis romanesque toujours plus épais. La littérature est entrée dans l’âge massif.
Heureusement, des éditeurs continuent de publier des livres à leur rythme, et sans calcul. L’Editeur, par exemple.

Guerre Totale, premier roman de Jean-Luc Marret, est ce que les journalistes ont coutume d’appeler un « ovni littéraire », pour éviter d’avoir à trouver une meilleure définition. Un « ovni littéraire », en bon français, c’est un livre qui surprend, qui n’adopte pas les codes habituels et s’empare d’un sujet en créant sa propre partition. C’est aussi, peut-être, un livre qui paraît si éloigné des canons du succès public qu’on le croirait chu d’une autre planète. D’où l’image de l’ovni… C’est que Guerre totale n’est pas, comme on pourrait le craindre, un énième réquisitoire contre la guerre, pas plus que son apologie, d’ailleurs. C’est plutôt la version littéraire d’une réflexion sur cette activité fondamentalement humaine, l’auto violence globale, et l’exploration très fine de ses variantes. Un auteur qui ne pose pas sa morale comme un CV (avec ce que cela comporte de dénonciations convenues, d’offuscations de bon goût et de position morale supérieure), c’est devenu suffisamment rare pour être remarqué.

« Des limousines, de vieilles limousines popofs, des Volga, achetées à un trafiquant ukrainien, se garèrent face à l’entrée, autour d’un grand arbre calciné, et en faisant crisser le gravier gelé. Le Chef du Parti – la fonction officielle du mâle alpha du pays, le Phallus supérieur – se fit attendre. Comme toute dictature digne de ce nom, n’est-ce pas, mes chéris, le pays se trouvait sous le contrôle d’un parti unique, lui-même commandé par un seul homme, lequel à son tour était la proie d’un vertige. »


Il ne s’agit pas d’une guerre, mais de la guerre. L’action, s’il faut résumer, se passe partout, c'est-à-dire ici même. Partout en même temps, de façons différentes mais avec une remarquable constance, des hommes se battent. Le théâtre principal est l’Albanistan, pays de merde comme on en fait de plus en plus, conjuguant archaïsmes mentaux et moyens de destruction sales. Tout est ringard en Albanistan, les matériels comme les combattants, les communications comme le régime politique. La seule chose qui fonctionne encore, c’est la boucherie humaine, mélange hallucinant de violence crue, d’à peu près méthodiques, d’improvisations martiales et d’un burlesque à se pisser dessus. L’humanité en guerre totale ne fonctionne d’ailleurs plus qu’en deux modes simultanés : la haine active et le grotesque. Le héros peu reluisant de cette fresque n’a plus comme dernière religion que la volonté de s’en sortir. Passer entre les balles lui semble une raison de vivre bien suffisante. Dans la galerie de personnages inquiétants qu’il croisera, une femme incarne la guerre des sexes, qui se répand sous le feu de la guerre globale : Manjola, cinglée totale. C’est évidemment une hystérique, c'est-à-dire le pendant féminin du génie destructeur des hommes, avec son charme si particulier…

Une précision : la violence mise en scène ici n’a rien à voir avec celle que l’on trouve, par exemple, chez un Bret Easton Ellis, avec sa monotonie dans l’immonde, sa complaisance sadique et son esthétique de série Z.

Dans ce premier roman, Jean-Luc Marret réussit le coup de maître de conjuguer les tons, les rythmes, les plans narratifs, de superposer les modes lyrique, technique, comique, psychologique, poétique, de multiplier les angles de vue, d’embrasser le génie violent de l’humanité jusque dans ses implications sexuelles, pour nous donner une odyssée d’images fantastiques (explosion nucléaire vécue, parachutage de millions d’êtres, invasion atomique finale, etc). Le récit est haché, coupé, tronçonné d’interruptions impressionnistes ou d’informations qui forment un tout haletant, angoissant et drôle à la fois, et même poétique. C’est comme si l'on suivait les opérations d’une guerre devenue générale en étant soi-même dépassé par le rythme du monstrueux bordel. C’est une littérature qui pétarade de partout, qui bondit, s’affale et détale dans un même mouvement, qui zappe et s’hystérise en conservant une profonde compassion pour ceux qui font ce qu’ils peuvent. Mais ici, à la différence d’une certaine littérature contemporaine confite en mode compassionnel et devenue aussi chiante qu'une armée de bigotes, l’énergie de la langue, féroce, drôle, baroque, barbare, déferle sur un monde qui reste à plaindre, même s’il est habité par la démence.

mercredi 2 novembre 2011

Les transgresseurs mis à nus par leurs apologistes mêmes


En ce moment même, mes chers concitoyens, tandis que vous dormez sur vos vastes oreilles de sourds, la bête immonde rôde autour de la civilisation et fait peser sur cette partie du globe une menace qui rappelle les heures les plus soirs de notre histombre.
Des intégristes catholiques ont perturbé une pièce de Roméo Castellucci, variation scatologique sur le visage du Fils de Dieu. Attention, je précise que n’ayant pas vu la pièce et n’ayant aucun désir de la voir, je ne porterai ici aucun jugement sur cette merde ! Que ce soit bien clair : on ne badine pas avec la déontologie chez Beboper !

Il y a bien plus amusant à faire, par exemple écouter comment France culture relate la chose.
(cliquer ici pour écouter)
zSHARE - France cult.mp3

Le 24 octobre 2011, dans l’émission La dispute, d’Arnaud Laporte, une présentation des échauffourées nous est impartialement faite. Le chroniqueur Antoine Guillot évoque le courageux dramaturge, champion de la transgression, comme de juste. A l’heure où même les chanteuses de variété française renversent les tabous, où un animateur télé peut-être « dérangeant », où un T-shirt est « subversif », où un billet d’avion est « révolutionnaire et où ma boulangère « déplace les lignes », il serait étonnant qu’un artiste subventionné par l’Etat ne soit pas, au minimum, transgressif. Passons.

Le Guillot raconte donc l’histoire des perturbations cathos et évoque une autre pièce «dérangeante », Golgotha Picnic , de Rodrigo Garcia, bientôt donnée à Paris, et qui risque d’être à son tour attaquée ! A cette occasion, Rodrigo Garcia est présenté comme un artiste…devinez quoi : transgressif ! Bigre, encore un !!
On apprend même qu’il « bouscule protocoles et tabous » et que « les vociférations et images chocs sont ici assumées ». Bien...

Jusqu’ici, me direz-vous, nous sommes dans la parole ordinaire de l’élite cuculturelle, bien dans son rôle, ma foi, quand elle défend les artistes (surtout les transgressifs subventionnés) contre ces connards de Cathos. Mais là où la chose prend un tour cocasse, impayable et pour tout dire murrayien, c’est quand Joëlle Gayot, qui anime une autre émission sur France Culture, se fend de son commentaire outragé. Elle crie au scandale devant ces groupes qui « participent de l’extrême » et « qui n’ont plus de surmoi » et qui « au grand jour, se permettent d’intervenir sur tel ou tel artiste ». En trois mots, cette inepte reproche aux Cathos ce qu'elle applaudissait chez Castellucci. Extrême, sans tabous (plus de surmoi) et qui se permet d’intervenir sur tel ou tel Dieu, c’est bien le portrait que son collègue Guillot venait de faire du Roméo ! Elle se prend les pieds dans le tapis. La transgression oui, mais pas touche à mon théâtre subventionné ! Les tabous c’est caca, mais respecte mon statut ! La religion, je lui piétine la face mais j’appelle les flics si tu n’es pas d’accord. Ha, les braves…

Ce qui est beau, dans cette bouffonnerie, c’est de voir des usurpateurs pris à leur propre piège. De courageux compisseurs du Christ en 2011 (alors qu’il est mort depuis 1882) ressassent des attaques contre un ennemi déjà en putréfaction. La charogne a fini de puer depuis un siècle qu’ils en sont encore aux insultes. Leurs excès de retardataires sont tout désignés pour soulever le cœur de quelques nonagénaires, au mieux de quelques scouts. Mais dès que ces artistes "radicaux" trouvent en face d'eux des cathos tout aussi radicaux, on crie pouce ! On veut bien être radical, mais tout seul ! C’est à devenir fou : si l’on veut soutenir la transgression comme valeur, faut-il tresser des couronnes à un Castellucci, ou adhérer au combat des cathos intégristes qui « participent de l’extrême », selon le mot immortel de la Gayot ? L’un transgresse un tabou depuis longtemps tombé au sol. Les autres transgressent le tabou de l’artiste contemporain, supposé libre de clamer sa vérité tout en exigeant un désert critique. Faut-il applaudir l’esprit libre de Rodrigo Garcia qui " bouscule protocoles et tabous ", ou celui des scouts à cheveux courts qui n’ont carrément « plus de surmoi » ? Et, ce faisant, n’ont-ils pas atteint le nirvana contemporain que tout artiste cherche, le moment où le surmoi étant dépassé, enfin libre, on défonce les conventions bourgeoises ?


Quand Voltaire défendait Callas, il prenait des risques. Il ne combattait pas l’Inquisition pour obtenir un bon papier dans les Inrock, ni une chronique hagiographique sur France Culture. Les artistes contemporains pourraient tout à fait décider de ne pas se ranger dans la tradition voltairienne, mais voilà, il semble que la transgression et le combat militant soient devenus l’alpha et l’oméga de toute création. Eh bien, qu’ils transgressent vraiment, qu’ils se battent contre des dangers réels, et qu’ils laissent tranquille ce pauvre Christ auquel plus personne ne croit, puisque plus personne n’est prêt à mourir ni à tuer pour lui. Au lieu de chercher des poux dans la dépouille momifiée de la morale chrétienne, dont tout le monde se cogne depuis un siècle au moins, pourquoi aucun théâtre subventionné ne se penche-t-il, par exemple, sur les implications psychosociales du personnage d’AÏcha, troisième épouse et favorite de Mahomet ? La tradition nous rapporte des choses bien étranges sur ce modèle d’union proposé aux croyants : épousée à six ans, devenue femme à neuf… (Références ici)

Qu'attendent donc les transgresseurs ? L'autorisation de leur ministre de tutelle ?