vendredi 28 décembre 2012

Education à balles réelles




Pour qu’une fête familiale soit réussie, un accord minimal tacite doit être passé entre les convives. Cet accord porte sur les sujets qu’il est interdit d’aborder. L’interdiction ne se fonde pas sur une précaution d’ordre moral, mais sur un constat pratique : pas moyen d’en parler sans s’engueuler. Ainsi, réunis à table, des gentlemen prudents n’aborderont jamais la question des religions, pas plus que celle de l’éducation des enfants, ni surtout celle de la conduite automobile. Une entorse à cette règle d’airain vous place mécaniquement sous la menace d’un grotesque pugilat consanguin. Il faut s’y faire : il existe des sujets dont il est simplement impossible de parler (sauf éventuellement entre personnes partageant les mêmes avis, mais il ne s’agit plus alors de ce qu’on appelle une conversation).

A cette courte mais implacable liste vient désormais s’ajouter la question des armes à feu, que la récente « tuerie de Newton » a mise au goût du jour. C’est un effet curieux de la domination : les problèmes de vie quotidienne des Américains deviennent des questions de société dans des pays tiers, non concernés a priori. A chaque élection présidentielle américaine, on trouve ainsi des partisans d’Obama habitant Clermont-Ferrand, des soutiens à Romney n’ayant jamais quitté la Moselle, et des déçus du programme démocrate incapables de comprendre trois mots d’anglais. Cette curieuse forme d’aliénation se rencontre désormais pour les faits divers. Qu’un boulanger du Missouri se fasse dévaliser et ce sont les boulangers brestois qui manifestent pour réclamer plus de sécurité. Que l’obésité des texans augmente, et ce sont les bordelais qui digèrent mal. Qu’une école du Connecticut se transforme en champ de tir, et ce sont les mères françaises qui tremblent pour leurs enfants !

Dans un pays où la vente des armes est libre, on peut comprendre que certaines questions se posent, notamment celle de son contrôle. Dans un pays comme la France, le problème paraît en revanche réglé. Il ne l’est pas : à en croire certains, encore faudrait-il que la France interdise la vente des armes y compris sur le territoire des États-Unis ! Se mêler de ce qui ne nous regarde pas est décidément une passion bien française… Quoi qu’il en soit, l’affaire Newton a au moins un avantage : elle permet qu’on se dispute dans le vide, sur un sujet qui ne nous concerne pas, sur lequel nous n’avons aucune prise, et qu’on aura oublié bientôt.
En attendant, tournant le dos aux offuscations franchouillardes, le Marché américain réagit : il met illico à disposition des écoliers des cartables pare-balles, parce que rien, décidément, ne saurait entraver la marche du profit. Il y a encore quelques années, seuls les plus fantaisistes comiques osaient envisager une telle mesure, plus par dérision qu'en vertu d'une anticipation sérieusement construite.
Mais, si Lénine disait que là où il y a une volonté, il y a un chemin, Obama répond que là où il y a un besoin, il y a un marché...

Le pragmatisme américain a longtemps fasciné les gens de droite (le pragmatisme a le double avantage de s’appuyer sur la réalité, et de ne lui attribuer aucune valeur morale : l’idéal des libéraux). Il s’illustre aujourd’hui d’une façon qui étonnera pourtant ses plus farouches partisans : le ministre de la justice d’Arizona vient en effet de proposer qu’on arme… les directeurs d’écoles, histoire de leur donner les moyens de riposter. Oui, dans un pays où l’on tire régulièrement à balles réelles sur des enfants de 8 ans, il paraît raisonnable de fournir aux directeurs d’école de quoi faire des trous dans le ventre des fauteurs de troubles. La logique américaine a au moins ici le mérite de s’accomplir dans toute sa rigueur : 1)notre loi fondamentale permet la possession d’armes (sous-entendu : nous ne modifierons pas la loi, car elle est bonne, puisque c’est la loi !) ; 2)certains s’en servent pour tuer des écoliers DONC 3)utilisons les armes contre eux. On est loin du pédagogisme à la française ! Quand on pense qu’en France, un prof a reçu 500 euros d’amende pour avoir giflé un cancre, on mesure le gouffre qui nous sépare du pays de la liberté !

Comment la mise en place de cette mesure se fera-t-elle ? Les directeurs d’école récemment armés devront évidemment suivre une formation. On les imagine sur un parcours façon parcours du combattant, devant progresser en abattant des cibles qui se dressent automatiquement face à aux. Et bien sûr, interdiction de tirer sur toutes les cibles : seules les menaçantes, figurant des agresseurs, doivent être neutralisées.
Interview du professeur Callaghan, qui vient de finir son premier parcours :
- Monsieur le directeur, vous avez abattu cinq cibles valides, représentant des tireurs fous, mais aussi deux cibles inoffensives, figurant des élèves de cinquième. Ne pensez-vous pas qu’il est encore imprudent de vous confier une arme ?
- Pas du tout ! J’ai tout contrôlé de A à Z. Les deux cibles inoffensives, comme vous dites, étaient deux salopards qui m’avaient tagué le mur des chiottes au premier trimestre. J’en ai profité pour leur rappeler le nouveau règlement !


mercredi 21 novembre 2012

Le mariage nu.





A la faveur de la récente prise de pouvoir par les socialistes (ne riez pas), nous assistons à une nouvelle offensive libérale sur les mœurs : on s’y attendait. Pour l’instant, la France n’en est encore qu’à la question du mariage homo et à ses dérivés (adoption etc.). La logique est toujours la même : après avoir abandonné toute prétention à dire ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, après avoir renoncé à toute hiérarchie morale, tout principe normatif, à toute autorité de la coutume, de la tradition, etc., au nom de quoi voudriez-vous vous opposer aux revendications nouvelles ? Au nom de quoi ? Cette question est devenu la forme la plus radicale du nihilisme moderne, en tout cas sa version la plus candide : au nom de quoi continuerions-nous à faire comme le reste de l’Humanité depuis la fin des pithécanthropes ? Contenant en elle-même sa propre réponse, cette question n’attend pas de répartie, puisqu’il est entendu que le libéralisme compte exactement pour rien les arguments qu’on pourrait lui opposer. Soutenez que le mariage concerne un homme et une femme depuis que l’institution existe, et ceci sous tous les régimes, sous toutes les latitudes et dans toutes les positions, et on vous reprochera encore de n’avoir pas de raison valable à opposer au bon vouloir des tantouzes, au droit des gouinasses, au désir d’enfant des pédoques. Évidemment, rien de libéral ne se ferait sans l’action souterraine des lobbies et autres minorités actives auxquels le pouvoir veut plaire : une clientèle, ça se bichonne.

Comme je le disais plus haut, nous n’en sommes pour l’instant qu’à la question du mariage des homos. D’autres lubies viendront, d’autres-faux débats-joués-d’avance agiteront les médias, d’autres principes seront renversés et d’autres limites seront franchies dans une ambiance de fête. Le principe est simple : qu’il soit économique ou culturel, le libéralisme ne s’impose pas de limite. Il ne se reconnaît qu’une règle, celle de ne pas nuire à autrui. Règle qu’il est bien entendu impossible de suivre puisque la notion de nuisance n’est jamais définie elle-même. Il procède d’ailleurs par étapes : souvenons-nous des partisans du pacs, il y a dix ans, qui juraient que la mesure nouvelle ne remettait pas en cause le mariage. Après avoir obtenu le pacs, c'est-à-dire la dissociation entre vie commune légale et différence de sexes, il leur est beaucoup plus facile aujourd’hui de franchir le pas définitif et de se payer le mariage.

Certains opposants entrevoient sans trop y croire les batailles du futur : le mariage entre un homme et un poulpe, le mariage avec des morts (on a déjà le mariage à titre posthume), le mariage entre un père et son fils, le mariage entre frère et sœurs, le mariage collectif, etc. Au nom de quoi les refuserions-nous ?

En matière de libéralisme sociétal, les Etats-Unis sont en avance sur nous (on parle ici d’avancée comme on peut dire qu’une putréfaction l’est). Comme toujours, il est possible de se faire une idée assez juste du futur en observant le présent ricain. Le présent ? Voici : le conseil municipal de l’ultra-libérale San Francisco vient d’interdire la nudité en ville. Oui, les idées progressistes y sont tellement vivaces qu’une municipalité en est réduite à interdire que les gens se baladent la queue à l’air quand ils font leurs courses ! Comment, interdire que j’exhibe mes roubignoles sous le nez des passants ? Au nom de quoi ?!






Les partisans du loilpé urbain arguent bizarrement que le droit d’être nu s’apparente au droit d’expression, garanti par la Constitution américaine. Vu d'ici, on a du mal à saisir en quoi une paire de miches, même splendide, constitue une quelconque expression, mais passons. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, devant la recrudescence de l’indécence, les élus locaux disent niet, en attendant un recours devant une juridiction plus importante, recours dont les libéraux ne se priveront pas, comme à leur habitude. Le maire du bled californien estime que les exhibitionnistes ont « dépassé les bornes », argument moral incompréhensible pour un libéral, pour qui les bornes n’ont pas à être fixées selon l’opinion privée d’un mec, fût-il maire. On verra ce que cette affaire donnera.

Lors du débat sur l’interdiction du voile intégral dans l’espace public, certains avaient justement rappelé qu’on ne peut pas se vêtir « comme on veut » en France, mais selon une tradition de règles parfois non écrites. Aussitôt, le kit argumentatif libéral fut dégainé : au nom de quoi m’interdirait on de voiler mon visage, puisque ce faisant, je ne dérange personne, et n’oblige personne à faire de même ? A cet égard, pour faire comprendre la vie aux extrémistes, il a été rappelé que si on interdisait le voile absolu, il n’était pas non plus légal de se promener tout nu dans les rues. Au final, le législateur n’a pas eu le courage de s’appuyer sur une tradition pour interdire la burqua. Il a simplement rappelé qu’utiliser l’espace public suppose qu’on puisse vous y reconnaître, que les forces de l’ordre puissent vous identifier. Ainsi, en faisant référence à une obligation sécuritaire plutôt qu’à une série de traditions de la vie en commun, la France a entériné le fait que ces traditions n’ont plus aucune autorité. Qu’un groupe quelconque les attaque, et c’en est fait d’elles.
Avis aux nudistes.

vendredi 16 novembre 2012

La presse française sauve l'honneur

C’est encore une fois la lecture des journaux qui nous donne la vision la plus exacte des événements. Parmi eux, nul mieux que le Figaro n’est susceptible de résumer la vigueur et l’impartialité des analyses, le froideur chirurgicale des faits. Les faits ! Rien que les faits !

Lisons le Figaro : qu’y apprend-on ? Encore une fois (et les hommes de bonne volonté s’affligent en le constatant), une organisation surarmée, disposant de moyens sans limite, forte de millions d’hommes et d’un réseau international de pays partenaires, s’attaque à un pays quasi désarmé. Encore une fois, la disproportion des forces en présence touche à l’obscène et encore une fois, nous y assistons impuissants. Encore une fois, Gaza agresse son pacifique voisin, tandis que les larmes coulent en fleuves amers sur les joues roses des innocents.



mercredi 5 septembre 2012

La noblesse




Je ne suis pas parti en vacances. Comme chaque fois, j’ai pu voir ma ville aux deux tiers vidée de ses gens. Ils sont allés fournir en grouillement bariolé des bleds ordinairement sinistres, accrochés comme arapèdes au flanc d’une mer quasi morte ou nichés sur un promontoire d’où l’on surplombe un réseau épatant de ronds-points, de car-wash et de Pizza Paï, qui répand ses commodités sur une très vieille terre modelée de restanques par les peuples qui vécurent là avant nous.

Moi, je suis resté ici. J’ai passé mes journées dans une lente nonchalance, d’un livre à l’autre, d’un ami à l’autre. Parfois, j’ai marché dans les rues en me disant que ça devrait être ça, une ville : l’espace conquis par un homme tranquille, un refuge où s’abriter encore. Au mois d’août, en ville, tout est plus grand, plus large, et l’air plus libre. Les voitures sont rares et se font supportables. Le bruit ambiant nous laisse un répit et permet quelques conversations non hurlées. Il semble alors possible de tenir une journée entière sans l’aide des antalgiques.


Une ville amputée quelques jours de ses emmerdeurs est le dernier cadeau que notre civilisation vorace peut faire à ses citoyens. Trop pauvres pour partir, occupées à autre chose ou simplement rétives aux distractions grégaires, les quelques personnes présentes semblent y vaquer dans un autre monde, comme on plonge parfois dans un souvenir ancien en quête de sensations mortes. Cette cité au ralenti est-elle l’image fossile d’un temps d’avant le grouillement urbain ? Ou annonce-t-elle la perte irrémédiable de la tranquillité, comme les derniers assiégés résistent au flux qui va bientôt vaincre ? Qu’importe, jouissons-en, en attendant.

Le hasard a semblé vouloir me plaire. Il m’a permis de voir une de ses œuvres les plus rares sur les bords de la Saône : sur plus de quatre cents mètres, aucune voiture. Pas de circulation ; les emplacements de parking vierges de toute ferraille. Rien d’autre que le quai, les platanes et, posé comme la pièce centrale d’un jeu géant, le masque des immeubles. Le fleuve retrouvait enfin des spectateurs à sa mesure. Ce que seul un arrêté municipal vigoureux aurait pu produire (ou, à la rigueur, un cataclysme nucléaire), le hasard l’avait fait, et moi, simple passant, j’en recueillis les fruits. Comme ces maisons m’ont parues plus hautes, plus pures ! Comme chaque volume a soudain repris sa place, et comme l’ensemble a pu me séduire ! Sous les bagnoles, la ville !


Le touriste croit voyager quand il part en Grèce, au Pérou, au Maroc. Il ne fait que déplacer sa névrose ailleurs où, par comparaison, les salaires inférieurs lui font goûter l’ivresse du privilège. C’est l’Appel du buffet à volonté. Sa transhumance permet à ceux qui restent chez eux d’accomplir un voyage moins coûteux et pourtant inestimable, dans le temps. L’espace de deux ou trois semaines, la ville débarrassée de ce qui l’encombre et de ses hystéries quotidiennes se révèle comme elle a pu être autrefois, quand les sept milliards d’humains n’étaient même pas encore une hypothèse vraisemblable. Les formes de la ville y retrouvent la santé des origines, le spectacle de son architecture s’y donne presque comme il fut conçu, et l’on comprend enfin ce qui impressionnait les voyageurs d’antan découvrant la cité : la noblesse.

lundi 27 août 2012

Riposte


N’en déplaise aux gens qui s’indignent, les Pussy riot, même dans leurs scènes d’enculage public, ne font rien de très nouveau. Elles reprennent à leur façon les procédés de Diogène qui, quatre siècles avant le Christ, se comportait comme un chien pour prouver aux gens distingués qu’ils en étaient, eux aussi, des chiens (on peut trouver la démarche des Cyniques parfaitement débile, sans nuance et à côté de la plaque, la question n’est pas là). Diogène se branlait la nouille en public, non pas au sens figuré, comme le ferait un publicitaire ou un type qui bosse dans un service RH, mais au sens premier de l’expression « se branler la nouille ». Il s’astiquait bel et bien le jonc ! Il se polissait le chinois, se faisait briller le Solitaire. Il se lustrait la tringle sous le regard des passants. Se comporter comme un chien était, au sens littéral, le mot d’ordre de sa philosophie. Rejeter toutes les conventions sociales, ligne de conduite simple et gonflée, permettait donc de se masturber en plein vent, de baiser sur la place du marché, de couler des bronzes comac au nez des bourgeois. Vieille affaire, donc.

Évidemment, il était écrit que l’occident entonnerait contre la Russie le couplet de la censure politique et de la réaction moyenâgeuse. Quoi que fasse Poutine de toute façon, c’est un crime. Quand un tribunal américain fout 5 millions de dollars d’amende à un type qui a arraché son foulard à une musulmane, c’est une justice ordinaire et bien menée. Respect de la religion, droit de l’homme, bla, bla, bla. Mais que la justice russe juge des citoyens russes en fonction des lois russes est un scandale à peine soutenable pour un Français et pour Madonna. On les comprend. Il faudrait d’ailleurs demander l’avis de toutes les consciences éclairées chaque fois qu’un tribunal rend un avis de par le monde : a-t-il bien jugé ? Demandons à Sting, à George Clooney ou à mister Bean ce qu’ils pensent de la condamnation d’un chauffeur de bus à Ouagadougou ! L’excès de vitesse méritait-il deux mois de taule, Votre Altesse ?

Mais les Pussy riot ne sont pas des chauffeurs de bus, elles sont des artistes. Mieux que ça : des femmes ! Or, on sait depuis un siècle par chez nous qu’un artiste, ça peut tout se permettre. L’art, c’est ça. Ce n’est même souvent plus que ça. Admettons. Nous n’avons d’ailleurs rien contre la liberté laissée à chacun de s’exprimer, fut-ce pour le faire d’une façon atroce, fut-ce pour rabâcher inlassablement les mêmes poncifs.

Ce qui étonne dès qu’on sort des pays d’occident, c’est que la liberté d’expression n’a pas totalement annihilé les capacités de défense des institutions. La liberté d’expression, quand elle existe, y est relative. C’est cela qui gêne et scandalise, même inconsciemment, les grandes consciences de notre envié show business : en Russie, les offensés rendent encore les coups. Nous avons tellement ressassé nos attaques contre des ennemis crevés depuis un siècle et plus, incapables de rien faire d’autre que de ridicules protestations condamnées d’avance par tous, que le sort des trois émeutières de la chatte nous paraît inconcevable : elles ont attaqué, ils ont riposté ! Comment une telle chose est-elle encore possible ? se demande l’humoriste français après avoir souligné pour la millième fois la petite taille de Sarkozy, traité son épouse de catin et assimilé leur descendance aux plus profonds débiles. Pourquoi le président russe ne rigole-t-il pas un bon coup avec ceux qui l’attaquent ? s’interroge l’aficionado des Guignols de l’info, habitué à la connivence de Chirac avec sa propre marionnette. La vraie différence, elle est là.

Théoriquement, la liberté d’expression est une arme précieuse pour les faibles. On ne se prive pas d’en user, jusque sur ce blog. Dans la pratique, certains faibles devenant intouchables, la liberté d’expression suppose soit le mutisme de celui qu’on attaque, soit une protestation de pure forme, vouée aux moqueries. Quel Président de la république se risquerait à répondre aux attaques sur son physique ? Si l’on en juge par le rapport de forces réel, ceux qui s’expriment sont donc rarement faibles.
La généralisation de la langue du marketing rend même la situation inédite : un connard tenant blog a toute liberté pour attaquer un Président de la république, mais ce dernier, au cas improbable où il voudrait répondre, se trouvera si engoncé dans les filets des agences de com’ qu’il ne pourra utiliser qu’un langage stérile, convenu, vidé de ses tripes : impuissant. Un humoriste payé par France Inter pour assassiner quotidiennement tout ce qui lui déplait ne risque donc rien, sauf bien sûr s’il s’attaque à des institutions ou groupes réellement vivants, capables non seulement de se défendre mais aussi de lui foutre une fatwa au cul. D’ailleurs, le procureur Didier Porte fut certes viré après avoir répété trente fois « J’encule Nicolas Sarkozy » à l’antenne, mais France Inter fut finalement condamné pour ça.


Le XIXème siècle croyait qu’une presse libre et une totale liberté d’expression étaient les conditions sine qua non de la démocratie. Le système où nous vivons s’est donc arrangé pour que ces deux notions ne signifient plus rien : la presse française est presque exclusivement détenue par des marchands d’armes liés au pouvoir ; la liberté d’expression ne sert plus qu’aux amuseurs, aux actrices rebelles, aux chanteurs engagés, ligués contre les chasseurs, contre les pêcheurs de baleines, les cardinaux de Rome, l’ordre patriarcal ou les nostalgiques de Vichy… Et malgré la disproportion des forces en présence, les assaillants exigent encore de leurs cibles une soumission, une immobilité totales !

Certes, les Pussy riot paient cher leur lancement médiatique international. Il y a trente-cinq ans, les Sex-Pistols, proto punks à svastika, avaient eux aussi réussi leur coup en profitant des cérémonies d’anniversaire de la reine pour lancer une chanson pleine de bon sens : God save the queen, the fascist regime. Ils n’ont pas duré longtemps en tant que groupe mais leur dénonciation du capitalisme leur a rapporté un gros pognon. C’est ce qui arrivera aux Pussy riot quand elles sortiront de taule, si elles émigrent ici.

jeudi 16 août 2012

A boulets rouges


La scène se passe au milieu du mois d’août, lors d’une beach party à la Grande Motte. Soudain, vous évoquez Soljenitsyne : vous avez de fortes chances d’entendre dire qu’il faudrait voir à passer à autre chose. Parlez de Rimbaud tant que vous voulez, de Bukowski ou de Paul Auster, parlez évidemment d’Anna Gavalda ou de Jean-Philippe Grangé, mais Soljenitsyne, non. On reconnaîtra éventuellement que c’est un auteur utile pour comprendre un monde révolu, le soviétisme de papa, mais personne n’interrompra jamais ses lectures de vacances pour se mettre à Soljenitsyne. Pourquoi pas la scolastique de Saint Thomas d’Aquin, tant qu’on y est ?

Pourtant, Soljenitsyne n’a pas seulement écrit sur la Russie, il a aussi exercé son génie critique sur notre système bien aimé. En 1978, dans un discours resté célèbre, prononcé à Harvard, il livre à un auditoire médusé sa vision de l’occident libéral, où il vit alors depuis quatre ans, exilé d’URSS. Il n’a pas eu besoin de plus de temps pour comprendre certains des vices délétères de notre système, et pour en faire un procès lapidaire dans une langue d’une troublante efficacité. Il y aurait beaucoup à dire sur le discours de Harvard, et c’est justement ce qui en fait la valeur. En six ou sept pages, et sans préliminaire, il relève et dénonce plus de scandales que ne le feraient en une vie quarante sociologues militant au Front de gauche. On peut ne pas partager l’aspiration spiritualiste ou chrétienne de Soljenitsyne, mais on serait bien en peine de nier que l’image qu’il donne de notre situation n’est pas juste.

Aujourd’hui, 34 ans plus tard, la distance qui nous en sépare nous rend ce discours encore plus prophétique : on a l’impression qu’il a été écrit la semaine dernière. Tout ou presque s’y trouve : notre appétit de consommer ; la dépression psychologique et morale qui s’ensuit ; l’enflure démesurée de l’individualisme, servie par la prolifération du droit ; la violence de nos vies quotidiennes ; les dérives impunies du pouvoir médiatique et, surtout, les impasses du matérialisme triomphant.


Il nous arrive de penser aux grands critiques de la modernité (Baudelaire, Villiers de l’Isle Adam, Flaubert, Thoreau etc.) et de se dire qu’ils ont au moins eu la chance de ne pas voir ce que le monde est devenu. Il est évident qu’un type comme Léon Bloy, par exemple, revenant soudain parmi nous et placé devant une télévision, se volatiliserait d’indignation en moins de trois minutes. Soljenitsyne est un peu dans ce cas : il arrive d’un autre monde, il a un regard neuf, il n’est pas blasé, il ne trouve rien « normal », il ne cherche pas d’excuse à tout, il est lucide et direct. Il nous offre une des plus précieuses méthodes d’analyse : la distance.

Évidemment, le discours de Harvard ne changea rien, si ce n'est qu'il aggrava encore la réputation de réactionnaire de l’écrivain. Nous pouvons heureusement continuer de dépenser notre treizième mois en famille, allongés sur des plages de crèmes protectrices, livrés à la patience du soleil, profitant des derniers jours avant récession, et du ballet des jet ski , que rythme un ressac épuisé.

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mercredi 8 août 2012

Les mauvaises pensées de Monsieur le Chien


Chose rare, ce qu’on remarque d’abord dans les BD du blog de Monsieur le Chien, à part le dessin, c’est l’excellent sort fait à l’orthographe, et à sa copine la grammaire. Le Chien est un classique, il parle comme il faut, c'est-à-dire en respectant suffisamment bien les règles pour obtenir le droit de s’en affranchir quand cela est nécessaire. On sent que contrairement à la quasi-totalité des auteurs de BD, il a lu aussi des livres ousqu’il n’y a pas d’images dedans.

Son humour repose autant sur l’efficacité de son trait que sur le décalage systématique entre l’image et son commentaire. Chose encore plus rare : dans cette veine, il arrive à ne pas s’épuiser. Son humour doit aussi beaucoup à une façon de ne pas rire des mêmes choses que tout le monde, surtout pas des mêmes choses que les auteurs de BD standard.

Le dessinateur de BD standard est un être généralement affreux, à la poitrine creuse à force d’être repliée sur un bureau, à la barbe systématiquement dégueulasse. Quand il est jeune, le dessinateur de BD est tatoué ou piercé. Aucune exception à ce déterminisme biologique n’a encore été officiellement constatée en France. Quand il est moins jeune, il s’arroge le droit de laisser ses cheveux poivre & sel pousser, filasses et raréfiés, jusqu’à la consécration : le catogan. Les dessinateurs à l’ancienne, façon E.P. Jacobs, portant cravate et chantant l’opéra, c’est fini.

Par essence, l’auteur de BD est un nerd, un maniaque capable de passer des centaines d’heures à gribouiller des choses tout seul dans son coin. L’évidence masturbatoire de son activité ne saurait du reste lui être reprochée : sans fignolage, sans polissage, sans travail de la main, rien de bien solide ne se fait. Soit. En revanche, cette abnégation à coups de paluche lui porte sur le jugement : à force de ne considérer les choses que par le petit bout (le sien), l’auteur de BD en vient à ne plus respecter que ce qui lui ressemble et « pense » comme lui. Pour l’aider dans cette ignoble voie, il dispose d’effigies repoussantes toute faites, qu’il utilise ad nauseam dans ses planches et dans sa vie privée : le beauf, le chasseur, le curé, le collabo, le père de famille, le lecteur du Figaro, l’aficionado, le macho, le flic, le militaire, le directeur d’école, l’opposant à l’avortement, le conservateur, l’épicier à blouse, le réac, etc. Ces affreux-là composent un bestiaire pratique qui dispense de réfléchir et permet, en plus, de se poser en s’y opposant, comme l’avait bien repéré Philippe Muray en son temps. Bestiaire méprisable, aux pensées immondes et pire, archaïques, qui forme un portrait inversé du gentil auteur de BD, homme de bien qui n’est qu’ouverture d’esprit et tolérance, amen. La figure ultime de cet indécrottable sûr-de-lui, c’est, bien sûr, Cabu : le monde peut changer, la Chine peut émerger, la pollution peut faire crever les sols, les glaces du Pôle peuvent fondre, le djihad peut embraser l’Afrique, la démographie peut s’affoler, la peste bubonique peut ravager Paris, les deux seuls dangers menaçant le monde selon Cabu, c’est le militarisme et le curé de campagne. Eh oui, l’auteur de BD ressemble à s’y méprendre à une autre icône du Bien : le chanteur de la Nouvelle Scène Française, mais en plus bête encore.

Il faut avoir jeté un œil sur les BD en vente dans les petits festivals, ces BD qui ne font pas la une des journaux spécialisés mais qui sont quand même passées par le filtre de l’édition, pour embrasser la torpeur intellectuelle qui touche la quasi totalité de ces cons-là. Ils n’évitent aucun cliché : en 2012, on ne sera pas surpris de la surpopulation nazie (et des néo nazie) dans les BD françaises, de la prolifération d’histoires lamentablement édifiantes sur les gentils et les méchants, de l’inquiétant désir d’Occupation que trahissent ces sempiternels ressassements, et du manichéisme comique qui règne à Débileland. Comme des Cabu insatiables, ils tartinent leurs chefs d’œuvres de dangers imaginaires, de terreurs passées dont ils ignorent tout, de courageuses dénonciations de crimes universellement connus, d’un prêchi-prêcha gauchisant qui range irrémédiablement la moitié du genre humain et la totalité de l’Histoire de France dans le camp du mal, comme on aligne les salauds contre un mur. Il est presque devenu inutile de lire une BD française : on sait ce qu’on y trouvera, et quel ordre y règne.

(Cliquez pour agrandir, tas de myopes)

Dans cette mare, Monsieur le Chien tranche d’une façon nette, quoiqu’il ne se spécialise pas non plus dans le propos politique. Simplement, en lisant ses BD, le lecteur averti constate très vite que les clichés en question ne s’y trouvent pas, que l’auteur n’essaye pas de se tailler un autoportrait en gloire en dénonçant avec audace les accords de Munich, la prise d’Alger ou celle de Jérusalem. La censure et l’autocensure nous ont amenés là : un juste sera désormais reconnu à ce qu’il ne dit pas, un brave aux lâchetés qu’il se refuse.

Le travail de Monsieur le Chien est (pour l’instant) essentiellement composé de choses drôles, distrayantes et très bien foutues. Mais le bonhomme est politique. Sa conscience est là, en parfaite opposition avec les valeurs grégaires de son milieu et son goût pour le lynchage. Et certains ont bien remarqué qu'au milieu de tous ses gags pour faire rire se trouvent de réelles attaques contre la bonne pensée, des piques contre ses pairs, si nombreux et si semblables, des propositions qui font tâche dans le bel unanimisme des promoteurs de la diversité.
A l’intérieur du business de la BD, le bougre est bien placé pour sentir la vague de dénigrement qui s’y répand sans obstacle : tout ce qui est français doit être sali, vu sous une lumière négative, et sans riposte possible. Dans une série de planches excellentes et déprimantes, mais que je recommande, il nous montre de façon très claire que la honte de soi gouverne ce monde-là, que le masochisme et l’irresponsabilité le disputent à l’ignorance, et que la mauvaise foi y pue librement de tous ses miasmes. Et comme un honnête homme égaré dans un monde incompréhensible, il se demande peut-être ce qui pousse un pays aussi admirable à se tremper dans la merde avec une telle ferveur.

jeudi 2 août 2012

Nouveau : la séducfion.


Il y a quelques jours, me promenant dans les rues d’Avignon pendant son festival, j’ai vécu l’expérience troublante de pouvoir poser le regard non seulement sur les femmes qui y déambulaient, mais aussi, quelquefois, directement sur la raie de leurs culs. En tant que citoyen moyen, je me suis dit que je tenais là un privilège jadis réservé aux conquérants.

Détaillons la chose et tâchons d’être précis : les exhibitions fessières sont le fait des femmes jeunes, parfois des très jeunes filles. Les femmes plus mûres, moins soumises à la compétition sexuelle que le libéralisme des mœurs répand partout, restent assez discrètes. Pour l’instant. Ou peut-être luttent-elles avec d’autres armes, plus à leur main ? Depuis quelques années, les premiers jours de soleil semblent libérer une fureur exhibitoire qui prend chaque printemps un tour nouveau, et chaque fois une intensité plus forte. Un esprit mesuré comme le mien n’ose plus se demander « jusqu’où iront-elles ? », de peur d’entrevoir mentalement les réponses, et de finir à l’asile.
Si les années 1990 furent celles d’un retour des robes à fleurs, légères, printanières, campagnardes et bigrement suggestives, robes qui rappelaient les images des jeunes femmes de 1945, la donne a radicalement changé depuis l’irruption du tatouage, du piercing et l’abandon consécutif de presque toute pudeur corporelle. Mécaniquement, la sotte donnant beaucoup de prix au tatouage qu’elle s’est fait faire sur la hanche, elle ne résistera pas à l’envie de le montrer, dévoilant par conséquent une partie d’elle-même habituellement cachée. Et comme l’esthétique des films de boules trouve dans la population jeune des réceptacles enthousiastes, le tatouage féminin se porte dorénavant au creux des reins, sur le précipice pubien et bientôt peut-être, au beau milieu du fion. D’où la rage de tout montrer que l’on constate.

Pour tout homme normal, c'est-à-dire pas encore blasé, non moderne, le spectacle de sillons fessiers inconnus est une torture. C’est d’abord une torture physique de nature sexuelle, une stimulation qui ne sera jamais suivie d’effet. Une femme t’expose la raie de son cul sous la moustache, ouvrant les vannes de la testostérone dans ton froc, mais sous la surveillance zélée de la Loi : pas touche ! Charme de la liberté d’aujourd’hui, toute tentation est légitime, toute consommation se paie cher. L’Antiquité, très au fait de la physiologie humaine, qualifiait au moins la technique de Tantale de supplice. C’est aussi par conséquent une torture morale, au sens où l’homme-spectateur-involontaire se voit rabaissé au rang du petit garçon dans un magasin de jouets, exposé à une offre toujours plus agressive sans avoir le moyen de participer réellement à la fête.

Sur une petite place remplie de monde, où l’on buvait une bière à l’ombre des platanes, quatre pimbêches à raies publiques passent entre les tables, à la recherche d’une place libre où poser leurs derches. Littéralement, les gens attablés se retrouvent avec un quatuor de culs presque nus au niveau du pif. Soudain, j’entends une de ces garces dire aux trois autres « c’est bon, ça me soule, y’en a qui matent ! ». S’ensuit une brève engueulade avec un des occupants d’une table, à qui l’une des filles annonce « c’est pas dans tes moyens, bouffon ». Elle parlait de son cul, après avoir parlé avec. Drôle en soi, la scène devint instructive au moment où l’une menace « d’appeler les flics, putain » si les regards du genre humain ne cessent pas immédiatement de se poser sur ce qu’elle montre pourtant avec ostentation.


Plus encore qu'un narcissisme débridé, c’est la schizophrénie de notre époque qui s’étale ici. Schizophrénie du système qui donne la liberté de montrer (au nom de quoi l’interdirions-nous ?) et qui traque comme jamais celui qui regarde, celui qui commente, celui qui s’indigne. L’actualité parlementaire nous a averti que la loi sur le harcèlement sexuel est de nouveau opérationnelle, prête à servir. Les harceleurs sont prévenus, très bien. Mais qui prendra en compte les plaintes des gens ordinaires qui se considèrent harcelés par les adolescentes en débardeurs, les jeunes au nombril à l’air, aux hanches débordantes, ou celles qui déballent en public leur petit trésor culier ? Quelle cellule de soutien psychologique aidera les victimes des stimulations publicitaires, celles des unes de magazines, les gens agressés quand ils regardent un film réputé grand public avec leur grand-mère, et qu’apparaît subitement une paire de fesses en action, au milieu de gémissements surjoués ?

Notre situation s’apparente à la montée aux extrêmes de Clausewitz :
1) la liberté individuelle repousse sans cesse les limites de ce qui est permis,
2) après que la publicité et la mode ont fourni des modèles, le marché assure à chacun les moyens de faire ce qu’il veut (micro jupe, string, tatouage fessier, piercing vaginal)
3) le fond anthropologique de l’homme restant cependant le même, il se voit sans cesse contrainte de contrôler et retenir ses désirs, alors que tout vient en permanence les exciter
4) les partisans de la liberté, et surtout ses praticiens, réclament donc toujours plus de protection pour eux-mêmes, et de sanctions contre les salauds.

Nous en sommes même arrivés à ce qu’une apprentie ministre envisage d’abolir la prostitution dans un pays où le porno est illimité, gratuit et accessible en un clic sur Internet. Liberté des pornocrates et de leur impressionnant business ; sanction de l’utilisateur qui veut se faire faire une turlute, comme dans le film ! Quand on retrouve aussi souvent la schizophrénie dans un système, c’est qu’elle en est une perversion intrinsèque, comme celle qui consiste à autoriser la vente de véhicules dépassant le 200 km/h, en installant partout des radars tarés à 130…


Le libéralisme des mœurs offre énormément d’avantages. Il a aussi des inconvénients mais, pour des raisons de correction politique, il est interdit d’y faire allusion, sauf à dénoncer les cochons qui ne jouent pas selon les règles.
Une étudiante belge fait en ce moment parler d’elle avec un film présentant l’ignoble attitude de certains hommes à son égard, quand elle se promène par les rues de Bruxelles. Le film la montre victime d’insultes, d’insinuations, harcelée par des dizaines d’emmanchés en pleine rue. Les apostrophes sont tellement dégueulasses que beaucoup en viennent à douter de leur authenticité, et que ces choses-là n’arrivent pas en France. Ces choses-là arrivent, hélas, partout où il y a des hommes, des femmes, et de la frustration.

Entre les femmes qu’on agresse verbalement et les hommes qu’on excite incessamment, il ne reste bientôt plus de place pour la raison, pour un équilibre, une décence commune qui permettrait qu’on profite de l’incomparable spectacle des femmes, et qu’elles jouissent tranquillement d’être regardées, comme la nature les y dispose.



lundi 23 juillet 2012

Tatouage contre emploi




« Evitons de sombrer dans l’antinazisme primaire », demandait monsieur Cyclopède il y a quelques années. Hélas, les paroles du sage se perdent dans la fureur combattante du nouveau siècle, et les dénicheurs d’affreux les pourchassent jusque dans les chiottes, où ils se trouvent chez eux.

Devant jouer à Bayreuth le rôle principal du Vaisseau fantôme, de Wagner, un chanteur russe vient de renoncer parce qu’une télévision a révélé qu’il porte une croix gammée tatouée sur le torse. Bigre ! Le petit reportage qui lui est consacré montre en effet le chanteur à tête de tortionnaire sous toutes les coutures, notamment celle de son ancien métier : batteur dans un groupe de heavy metal. Le type se met à la batterie, évidemment torse nu (les musicologues sont formels : le son est meilleur quand le batteur ôte son gilet), et là, horreur, une croix gammée comac apparaît, mal dissimulée sous un tatouage plus affreux encore ! En fait, le nazillon est recouvert d’une collection de trucs moches, des croix mal fichues, des flammes noires, des symboles pour demeurés, des toiles d’araignées, des saloperies fourmillantes. Sur sa main gauche, l’ancien intellectuel a trouvé judicieux d’orner chacun de ses doigts d’un chiffre ; l’ensemble donne une date mystérieuse et qui mérite sûrement qu’on ne l’oublie pas : 1972 ( ?) Il s’est même fait poser une merde sur le côté du crâne, espace de cerveau disponible. On en vient à se demander s’il n’a pas suivi l’exemple du führer desprogien, mais le reportage ne montre rien de l’arrière-cul du Ruskoff…

On trouvera sûrement des gens pour dénoncer le sort fait à ce guignol, et se moquer des chasseurs de faux nazi. On objectera que la jeunesse excuse ceci, explique cela, et que se couvrir de tatouages n’est pas un crime. Pour ma part, je trouve très morale, très méritée et très drôle la mésaventure du métalleux.

Encouragé par un business local qui rapporte, l’infantilisme ambiant refuse de voir que se tatouer la peau n’est pas anodin, et bientôt, au train où vont les conneries, chaque citoyen aura son dragon sur la cuisse, sa ronce sur le mollet, son Spider man entre les omoplates. Chaque boulangère aura sa devise philosophique tatouée sur l’épaule (« connais-toi toi-même », « stand up for your rights », « le changement c’est maintenant »), chaque fraiseur mouliste s’ornera d’une tête de chef indien, chaque chômeur de longue durée aura son arabesque dépassant du cou, chaque poinçonneur des Lilas clamera « BORN FREE » en lettres bleues sur sa poitrine d’insecte. On a beau alerter, on a beau argumenter, on a beau en appeler à la raison, à la prudence, à l’esthétique, rien n’y fait : le tatouage, c’est cool. Qu’un de ces bousilleurs d’épiderme soit rattrapé par son mauvais goût est donc une des meilleures leçons qu’il puisse donner sur son cas.


En matière de tatouage, le tatouage rebelle est la catégorie supérieure, celle qui veut marquer que décidément, le tatoué n’appartient pas au troupeau commun. Le rebelle qui s’estampille comme tel a bien dans l’intention que ça ne s’arrête pas de sitôt. Sinon, pourquoi recourir à une technique aussi radicale ? Je suis un insoumis, je suis un méchant, je suis une mauvaise herbe, je veux que ça se sache, merde, se dit le Che assujetti à l’assurance sociale. Loin de chercher à « faire joli », comme ces connes à fleurs colorées artistement arrangées au creux de leurs reins, le tatoué concerné milite avec sa peau et s’en sert d’étendard. La persistance du tatouage implique que le parti pris le reste éternellement, et que le rebelle ne change pas d’avis. Il ne s’agit pas d’écrire « ni dieu, ni maître » quand on a vingt ans et de se faire ordonner prêtre à quarante. Il ne s’agit pas de se tatouer « resistanza » et de se retrouver, les études finies, spécialiste des RH et des licenciements de masse. Avec ses sentences définitives et ses symboles guerriers, le tatoué militant compte bien que son radicalisme dérange le bourgeois et l’empêche de ronronner tranquilos. Le légionnaire de la chanson s’était fait graver sur le cœur « ici, personne », et il s’y tenait. Hélas, les rebelles modernes ont parfaitement intégré les possibilités sans limite de la société de consommation. Ils peuvent dire je veux tout ! en exigeant à la fois un look à faire détaler les vielles dames ET une vie de famille pépère, des piercings à affoler les ferrailleurs ET une existence réglée par le bio, des fringues paraissant empruntées à des zombies ET un CDI dans une super boîte.
Nous avons même aujourd’hui un batteur russe à svastika qui cherche une place, mine de rien, dans un des plus prestigieux conservatoires du monde…

En cette période estivale, des milliers de benêts profitent du temps pour exhiber enfin le tatouage qu’ils se sont payé pour Noël (un mollet orné d’un révolver, oh ! qui aurait pu croire que l’intérimaire employé à l’expédition du courrier était un tel bad guy ?). L’invraisemblable pantacourt a été inventé pour eux, pour qu’ils puissent montrer leur laideur jambière augmentée de leurs choix ornementaux. Leur déferlement ne connaît ni limite, ni d’obstacle. Tant qu’il reste de l’encre pour s’esquinter le derme, ils persévèreront, fiers d’eux-mêmes, exposant toujours plus crânement ce qu’ils considèrent comme beau, joli, intime ou que sais-je. Qu’un de ces peinturlurés se fasse virer d’une bonne place après une petite polémique offuscatoire, voilà au moins de quoi consoler les minoritaires dans mon genre, qui n’ont qu’une peau pâle et virginale à se mettre.


samedi 14 juillet 2012

Faciès of the world




Juin 2012 : le ministre de l’Intérieur se dit soucieux de lutter contre les « contrôles au faciès », car c’est un homme de gauche. Il lance l’idée d’un récépissé que les policiers remettraient aux gens qu’ils contrôlent, de façon à éviter qu’une même personne se retrouve avec huit récépissés en fin de journée. Dans ce cas, en effet, il pourrait être assez facile de porter plainte contre la police pour « harcèlement », notion à la mode.

Juillet 2012 : le ministre affirme qu’il renonce à mettre en place cette mesure. Les flics vont donc pouvoir continuer de faire comme avant. Le changement, c’est pour plus tard.

Il est évident que la France ne peut pas persister sur cette voie menant au fachisme et qui rappelle les heures les plus basanées de notre histoire. Soucieux d’apporter notre pierre à la déconstruction de l’édifice de domination policière appelé France, nous proposons donc que l’on rende obligatoire le port du tchador. Considérant que les hommes sont les principales cibles des contrôles policiers, la mesure leur est d’abord destinée : qu’on les voile ! Ainsi dissimulés aux regards de l’Inquisition, les visages ne seront plus suspectés pour ce qu’ils expriment et les personnes recherchées pourront vaquer librement, parce qu’un délinquant est aussi un citoyen.

Sans faciès, plus de délit de faciès !

La libre circulation est un droit de l’homme, messieurs les policiers !

14 juillet à l'ancienne


- Nous retrouvons immédiatement Jean-Michel Traitriz sur la place de la Concorde où, depuis maintenant cinq heures, une foule immense est rassemblée. Jean-Michel, pouvez-vous nous donner des précisions sur les rumeurs folles entendues depuis ce matin ?
- Oui, Gilbert, je peux hélas vous confirmer de façon certaine que des exactions se déroulent ici depuis plusieurs heures, dans une ambiance de kermesse, ce qui renforce encore le sentiment de fin du monde, de fin de la civilisation…
- Soyez plus précis, Jean-Michel, qu’avez-vous vu ?
- J’ai vu la voiture de Chris Viehbacher, le PDG de Sanofi, bloquée par la foule au moment où elle traversait la place. Chris Viehbacher devait se rendre au Ritz pour un petit déjeuner intime avec sa nièce, semble-t-il. On ignore qui a reconnu le PDG du groupe dans cette grosse berline aux vitres teintées. Toujours est-il que le véhicule a été bloqué par des badauds venus ici fêter la prise de la Bastille, et que des cris hostiles ont très vite fait monter la tension.
- Que faisaient les forces de police à ce moment-là ?
- Elles ne faisaient rien puisque rien de particulier n’était signalé. Dans tout Paris, des groupes de taille plus ou moins grande se dirigent vers les lieux principaux où l’on fête le 14 juillet, et la police ne peut pas être partout en nombre à la fois. Les choses sont allées très vite : la voiture a été renversée sur le flanc, Chris Viehbacher et son chauffeur ont été extraits de l’habitacle, ainsi que Nicolas Cartier, le Directeur Général de Sanofi France, qui s’était dissimulé dans la boîte à gants. Sous les gifles, Monsieur Viehbacher a tenté de calmer la foule mais hélas, il n’a pas été compris par le peuple.
- Il parle pourtant le français !
- Tout à fait Gilbert, mais ses mots ne semblaient pas avoir le sens habituel. On a reconnu quelques mots, comme « progrès », « valeur ajoutée » et « ressources humaines », mais la syntaxe, peut-être trop chargée de notions marketing, n’a eu comme effet que de d’amplifier la colère générale.
- C’est insensé !
- Tout à fait Gilbert… J’ai été témoin d’une scène de lynchage atroce, vous avez bien entendu, un lynchage en plein XXIème siècle, place de la Concorde à Paris ! A l’heure où je parle, monsieur Viehbacher est mort. Il a été mis en pièce par la foule et sa tête a été fichée au bout d’une pique.
- On se croit revenu en plein moyen âge !
- Je suis au regret de vous dire que Nicolas Cartier a subi le même sort que son patron. Tout est allé très vite. Après les avoir abondamment giflés, la foule a décapité les deux dirigeants, non sans leur avoir introduit leurs légions d’honneur dans le cul. Puis ce fut le tour du chauffeur, un homme parlant polonais et qui n’a sans doute pas compris ce qui lui arrivait. Il a pourtant su dire quelques mots en français, une formule probablement apprise par cœur, mais qui ne l’a pas sauvé : « sans papier ! sans papier ! » En ce moment sur la place qui fait face à l’Assemblée Nationale, la foule danse en promenant trois piques macabres au son d’un orchestre de reggae !
- Merci Jean-Michel. Nous avons réussi à joindre le ministre du redressement productif, qui réagit à ces événements. Monsieur Montebourg, vous avez la parole.
- Je tiens à exprimer ma solidarité avec les familles de messieurs Viehbacher et Cartier, victimes d’un assassinat qui rappelle les heures les plus sombres de notre histoire.
- La foule se réclame de la Révolution française, dit-on…
- C’est bien ce que je dis ! En ce moment même, les forces de police se mettent en position autour de la place. J’invite tous les parisiens à éviter le secteur de la Concorde et à se rendre en nombre, comme d’habitude si j’ose dire, aux réjouissances du 14 juillet. Plus nous serons nombreux à marquer notre attachement à un 14 juillet festif, citoyen et solidaire, plus nous marquerons notre refus de la violence, de l’injustice et du populisme.
- Monsieur le ministre, pensez-vous que l’annonce de milliers de licenciements par un groupe qui compte ses bénéfices en milliards puisse avoir un rapport avec les faits ?
- Absolument pas. Par ma voix, le gouvernement avait courageusement exprimé son opposition aux décisions de Sanofi. Toute autre action est illégitime au regard des lois de la République, du commerce de la libre concurrence.
- La situation peut-elle changer après ce massacre ?
- Non. Le gouvernement garantit que les décisions du groupe Sanofi seront respectées, et qu’il n’y aura pas de confusion des rôles quant à la gestion de son destin. Nous sommes dans un Etat de droit. Les marchés et les entreprises doivent être rassurés sur ce point !
- A propos du plan de licenciement de 8000 personnes chez PSA, le Président de la République vient d’affirmer que « l’Etat ne laissera pas faire ». Pouvez-vous nous dire comment ?
- Une commission d’experts va être nommée, composée de dirigeants des principales entreprises françaises et d’économistes reconnus, ainsi que de représentants de l’Etat. Elle devra définir les mesures d’accompagnement propres à garantir la pérennité de l’entreprise dans la transparence et le respect de l’autre.
- Formidable ! Les salariés de PSA vont être rassurés de l’apprendre.
- Cette commission sera présidée par Ségolène Royal. Elle devra rendre ses conclusions au début du deuxième semestre 2013. Nous serons très attentifs au respect des délais ! Afin de rassurer encore nos concitoyens, je précise que cette commission respectera une stricte parité hommes - femmes.
- Monsieur le ministre, une dépêche de l’étranger nous apprend que le patron de la banque HSBC vient à son tour d’être lynché par la foule dans les rues de Londres. Ça ne peut pas être un hasard ! Monsieur Stuart Gulliver avait fait parler de lui l’an dernier en annonçant 30 000 licenciements dans le monde, alors que sa banque faisait près de 10 milliards de dollars de bénéfices.
- Je tiens à exprimer mes condoléances à la famille de monsieur Gulliver, qui fut un géant de l’esprit bancaire et qui restera dans l’histoire comme le martyr de la modernité. Si les Anglais ne respectent plus la banque, je ne donne pas cher de la survie de notre système !
- Monsieur le ministre, à l’instant même, une autre dépêche nous apprend que Vladimir Poutine s’est félicité d’apprendre l’épisode de la Concorde… Il précise même que le gouvernement devrait, ce sont ses mots, encourager ses citoyens à « faire le ménage ».
- Monsieur Poutine fait encore une fois preuve de son mépris pour la démocratie et l’esprit d’entreprise. De toute façon, nous n’avons pas de leçon à recevoir d’un homme qui met des milliardaires en prison !
- Merci monsieur le ministre. Il fallait que ce soit dit.


samedi 26 mai 2012

Bukowski sur la route



Financièrement parlant, la meilleure chose qui puisse arriver à un artiste, c’est de devenir un mythe. Pour son oeuvre, c’est ce qu’il y a de pire. Jack Kerouac en savait quelque chose, lui qui maudissait les hippies en adressant ses prières à sainte Jeanne d’Arc. Le mythe, c’est ce qui permet à des millions de saligauds de se frotter à une chose qui n’a pas été faite pour eux.

Charles Bukowski n’avait rien contre l’idée de célébrité. Il en voyait les aspects concrets, pratiques : argent, femmes, sécurité. Après douze ans d’un emploi débile au bureau de poste du coin, à écrire le soir avant de sombrer dans l’ivresse, il prit la célébrité comme une reconnaissance, une façon plus confortable de brûler ses années. Il devint lui-même un mythe de son vivant, attirant les cinglés, les nymphomanes, les ivrognes, les maniaques, et continuant son œuvre malgré cela, chose rare. Buk a toujours l’air de s’en foutre, de prendre ce qui lui arrive comme allant de soi. Finalement, que des amateurs de littérature traversent les Etats-Unis pour venir le rencontrer, quoi de plus normal ? Quoi de plus mérité ?

En 1978, ses éditeurs allemands et français lui payent un voyage en Europe, où on le lit déjà plus qu’en son pays. Bien qu’il déteste voyager, il accepte : occasion pour lui de revenir en sa ville natale, Andernach, et de voir son vieil oncle nonagénaire… Ce sera aussi l’occasion d’un passage remarqué à Apostrophes, qui fit beaucoup pour sa légende, du moins de ce côté-ci du monde. Bernard Pivot avait intitulé l'émission : « En marge de la société ? ». Avec Buk, la marge prit soudain toute la feuille.


De ce voyage restent de belles photos, prises par son ami Michael Montfort, et une sorte de journal de bord, en fait un récit écrit après coup. C’est amusant, vivant, drôle, poétique. C’est bien dans le ton de Buk, ce mélange de sérieux, d’ironie et d’une incroyable capacité à toucher juste, sans s'attarder.

« (…) il a fallu qu’un jeune type m’agite encore son micro sous le pif(…)
- Pensez-vous que la vie vaille la peine d’être vécue,
- Pas avec ce micro dans la tronche, enfoiré…
- Est-ce que vous détestez les femmes ?
- Pas autant que je déteste les enfants.
- Quel est le sens de la vie ?
- La négation.
- Le secret de la joie ?
- La masturbation.
- L’essentiel ?
- Cinquante pour cent sur les ventes. »

Shakespeare n'a jamais fait ça. 13E note éditions. Éditeur épatant.

dimanche 20 mai 2012

Un jour, je tuerai.



Un jour, je tuerai. Un jour, à bout de patience, probablement après une attaque ordinaire, mais qui s’ajoutera d’une façon insupportable à toutes les précédentes, je ferai payer à quelqu’un ce que d’autres auraient mérité de payer avec lui. Oui, un jour, je tuerai de mes propres mains un de ces fumiers, un salopard qui aura salopé devant moi la langue française. Je donnerai à cet ignoble l’honneur de mourir pour un mot.

Je n’ai aucun doute sur la façon de m’y prendre, car une seule convient : je l’étranglerai. Je couperai la chique à ce bavard, je lui ôterai le souffle, je lui réduirai la voilure, je lui phagocyterai la pompe, je lui chierai dans le ventilo. Mes paluches se refermeront sur son cou de poulet et serreront, implacables, insensibles à la pitié, jusqu’à ce qu’il ferme définitivement sa gueule. Ce gosier de tous les barbarismes finira dans un gros couic.

Je lui ferai payer les espaces rencontre, les résidences étudiantes, les personnes en situation de handicap, les benchmarking, je lui ferai payer les engagements performance, les petits-déjeuners malins, les mousses coloration, les spectacles enfants, les exigences qualité, je lui ferai rendre gorge pour les managers réseau, pour les accès clients, la compétence béton, l’impact environnement, l’engagement distributeur, la filière bois, les codes couleurs, les concepts flagship, les branches proximité, le directeur groupe, je l’estourbirai en vengeance des opérateurs entreprises, des objectifs maintenance, des directeurs logistique, des suivis individuels de professionnalisation et de progrès. Il mourra pour les référents clientèle, les animateurs sécurité, l’insupportable info consommateurs.

Un jour, je perdrai le contrôle.
J’abandonnerai tout surmoi, j’ouvrirai les vannes de la haine retenue. Je démentirai le vivre-ensemble.
Un jour, enfin, je défendrai ma langue comme il se doit.

vendredi 11 mai 2012

Le futur pour les nuls


En observant comment nos ancêtres avaient imaginé notre époque actuelle, l’impression qui domine est la naïveté. Tout le monde ne peut pas s’appeler Orwell, ni Huxley. Règle absolue : la naïveté est toujours plus grande quand l’anticipation se fonde sur le Progrès, domaine où l’idiotie peut avancer sans obstacle. Les petits malins qui pensaient que l’an 2000 serait stupéfiant parce que les citoyens disposeraient d’avions personnels, par exemple, ne pouvaient pas imaginer, en même temps, que les avions servent à lâcher des bombes, à espionner les gens, qu’ils contribuent de façon considérable à la pollution, qu’ils coûtent une fortune, qu’ils font un raffut du diable, qu’ils amplifient les épidémies, etc. Ils n’imaginaient pas non plus que les individus pourvus d’avions personnels puissent continuer d’être malheureux, jaloux, envieux, éjaculateurs précoces, violents ou cons comme des manches. Oui, l’optimiste progressiste croit, au moins de façon induite, qu’un avantage technique change la donne anthropologique. Bien sûr, il le nie lorsqu’on lui en fait la remarque. Mais si l’on pense que les femmes sont malheureuses parce qu’elles lavent le linge à la main, on en déduit peu ou prou que la machine à laver leur ouvrira la porte du bonheur. Logique mécanique.


Après les deux guerres mondiales, et surtout à partir de la fin des Trente glorieuses, il est devenu très difficile de continuer à « croire au progrès ». Le moindre employé des Postes avait compris que son automobile, censée lui faire gagner du temps, lui en faisait bel et bien perdre chaque matin sur ce putain de périph. L’extraordinaire développement du confort domestique se révélait pour ce qu’il est réellement : un détail. Curieusement, le temps dégagé grâce aux robots ménagers, aux machines diverses, aux surgelés et aux couches-culottes n’amena ni le bonheur conjugal, ni l’émancipation, ni la jouissance effrénée d’un temps libre proliférant, ni l’harmonie entre les générations, ni le développement de savoirs nouveaux. Rien d’autre que du vent.

Pourtant, depuis le début de l’ère informatique, les nouveaux positivistes repartent à l’attaque. Chaque progrès technique est redevenu cette parcelle de bonheur humain qui, ajoutée à d’autres, devra bien finir par nous rendre heureux, bordel de merde. A la différence d’avec le temps d’Auguste Comte, les philosophes et les intellectuels ne participent plus au rêve, mais ils sont efficacement remplacés par les publicitaires, les journalistes et les relais d’opinions qui n’existaient pas il y a un siècle et demi. Il n’y a pas d’écran plat, de souris sans fil ni de clé USB II qui ne porte, en soi et grâce au zèle de ces nouveaux prophètes, la promesse d’un bonheur toujours plus hilare.

Google et les principaux acteurs de cette révolution hi-tech n’en sont pas à un mensonge près. La chose s’est même institutionnalisée à travers les petits films qu’ils nous délivrent désormais avant de lancer un nouveau produit. Ce genre de clip nous présente toujours une version parfaite de la merdouille à venir, dans un univers totalement contrôlé d’où ont disparu les bugs, les couacs, les tilts et les flops. Un exemple fameux est le clip pour l’Iphone 4S, censé comprendre les ordres vocaux et, partant de là, nous faire atteindre le statut indépassable de maîtres ordonnant, mais qui s’est avéré être une considérable bouse. De la même façon, depuis plus de vingt-cinq ans mais avec une intensité faible, on nous présente la voiture électrique comme un petit miracle sur roulettes, un truc qui va nous rendre non seulement silencieux, vertueux, propres, mais aussi heureux, puisqu’il est entendu que le bonheur n'est qu'une extrapolation méthodique de l’hygiène.


Dernière propagande en date : les lunettes de Google. Au-delà des lunettes à « réalité augmentée », au-delà de l’expression elle-même, qui est un non-sens comique, je veux m’attarder sur le clip d’endoctrinement qui présente la nouvelle merveille aux myopes que nous sommes. Qu’y a-t-il dans ce clip ?




D’abord, de la musique. Une musique particulièrement insane, mais présente dès le début de l’épisode. Nous sommes en mode « caméra subjective, et pour cause, puisqu’on nous propose de voir à travers les fameuses lunettes du pauvre con servant de modèle à notre futur.
La journée du blaireau commence à 9H10. Il s’étire, comme sortant du lit, mais est déjà devant un écran d’ordinateur. Sa lunette-agenda lui indique le programme de la journée : il doit voir Jess, à 18H30. On en déduit que le reste de la journée sera consacré à glander, ce que le film confirmera.
Le naze boit son café seul, et mange un hamburger chez lui, seul, comme une merde. Mais ce n’est pas grave car soudain, oh, un appel d’un pote pour un rendez-vous (pas par téléphone, bande de ringards, mais par sms-sur-lunette, ce qui change tout) ! Ok, le rendez-vous est donné, à 14 heures devant une librairie. On note donc que l’homme du futur est jeune (comme son pote), qu’il habite seul (pourquoi s’emmerder avec une famille), qu’il peut se trouver devant une librairie à 14H, ce qui indique qu’il ne travaille pas. Ce dernier point me semble aussi important que peu prémonitoire : des millions de gens n’ont pas de travail, rien de bien nouveau à ça… Si Google compte là-dessus pour nous faire rêver, c’est raté !

Notre couillon désœuvré traverse un square, caresse un chien qu’une domestique promène, car il aime les bêtes. C’est bien. Il est sur le point de prendre le métro (voiture = caca) lorsque, Oh man, really ? le métro est hors service (probablement des grèves). Tant pis, il ira à pied ! C’est si agréable de traverser une grande ville moderne quand on n’est pas pressé… D’ailleurs, les lunettes-GPS lui indiquent la route à prendre. On note donc que l’homme du futur donne des rendez-vous à des endroits dont il semble ignorer le chemin. Détail.
Oh ! encore une surprise ! Décidément, la vie future c’est cool : il tombe devant l’affiche d’un superconcert ce soir : Monsieur Gayno (encore un connard à ukulélé), dont il commande une place aussi vite que la lumière : pas de temps à perdre.
Nous retrouvons notre feignant à la librairie Strand Books. A ce stade, si vous n’avez pas compris que ce bonhomme est un mec cool, c’est que vous êtes incurable : il fréquente des endroits où il y a des liiiivres, des vrais, avec des pages en papier. Preuve qu’il ne menace ni l’ordre ancien, ni la connaissance, ni le romantisme de ces lieux dédiés à l’esprit et à l’acquisition lente, solitaire et heureuse, du savoir. Sitôt entré, il demande à ses lunettes-employées-de-librairie où se trouve la section musique : pas de temps à perdre. Un plan lui indique illico la route à suivre, comme dans une jungle : le rayon musique est à 12 mètres, ce que n’importe quel con du siècle précédent aurait vu de ses propres yeux. Et là, merveille, il trouve le livre convoité : « Apprendre le ukulélé en une journée ». On vous l’a dit : pas de temps à perdre ! Dans le futur comme dans le passé, apprendre à jouer d’un instrument en un jour reste et demeure l’idéal du crétin. Personnellement, ça me rassure.



Comme prévu, son pote Paul arrive au rendez-vous. Sa géo-localisation indique même qu’il est à « 402 feet away from Strand Books », précision utile s’il en est. Son pote est jeune, trentenaire et probablement célibataire, car dans le monde libéré des contraintes que les lunettes Google nous promettent, il ne s’agit pas de se faire chier avec les gonzesses. Pourquoi pas des mômes, tant qu’on y est ? LOL !!!

Les deux saligauds, qui ont prévu de se voir depuis le matin, vont-ils prendre cinq minutes pour causer un peu ? Niet ! Ils se prennent une boisson indéterminée mais probablement équitable au « Mug Truck », et… ils se disent au revoir. Chacun repart avec sa boisson en main, pour se la boire tout seul, en hypocrite ! Oui, dans le futur, toi aussi tu donneras rendez-vous à des gonzes pour NE PAS boire un verre avec. Pas-de-temps-à-perdre, on te dit ! Dans le monde de demain, tu auras tellement d’opportunités géniales chaque jour que tu ne gaspilleras pas du temps avec ce connard de Paul !

Reprenant sa route vers nulle part, notre peigne-fion tombe en arrêt devant une beauté rare : un tag. Ça ne m’étonne pas. Notre mélomane est aussi un amateur d’art. Entreprenant et décidé, il prend non seulement une putain de porte taguée en photo, mais il envoie l’image à ses amis. Dans le futur, avec tous tes amis amateurs d’art qui parcourent les rues la truffe en l’air, tu seras tellement assailli de photos géniales que tu regretteras les soirées diapo des années 80 !

Mais soudain, alors que l’enflure est monté sur un toit (comme un chat de gouttière, il est libre, il prend de la hauteur, il ne fréquente pas les sentiers battus, vous pigez?), un changement anthropologique majeur se réalise sous nos yeux : d’une voix décidée, il commande « music, stop ». Oui, la musique s’arrête ! Alors que le soleil se couche romantiquement, alors que la journée a déroulé ses heures palpitantes, le binoclard décide que, pour un moment au moins, sa vie se passera de musique. Dans le futur, cette chose ignoble sera encore possible ! Qu’est-ce qui peut bien pousser un homme heureux à une telle extrémité ? Réponse : c’est sa copine Jessica, la Jess du début de journée, qui l’appelle. Affaire sérieuse. Le museau de fouine de Jessica apparaît soudain, trop génial ! Tu veux voir un truc cool, Jessy ? Le Stakhanov de la glandouille sort alors son ukulélé de sa poche, et lui joue les trois accords qu’il a pu apprendre en une journée décidément bien remplie, la journée du futur.

Ces trois accords minables suffiront à faire rire d’admiration la pauvre Jessica, ce qui est le seul objectif de toute cette technologie, de toute cette propagande, et finalement de toute activité humaine.

mercredi 11 avril 2012

Civilisés anonymes.


C’est une mécanique très répandue : un ivrogne repenti se mue souvent en adversaire de l’alcool, mais aussi des alcooliques, des fêtards y allant du coude, et finalement des plaisirs eux-mêmes. Rien n’est plus opposé à la cigarette qu’un ancien fumeur, et personne ne poursuit avec autant de zèle les clopeurs passant à sa portée. Le même phénomène touche les grandes salopes qui, devenues vieilles, ont tendance à déconseiller les plaisirs de la bite, quand elles ne s’abîment pas complètement dans la carrière bigote. L’homme est ainsi : il a l’excès en lui. Lorsqu’il a dépassé une borne, il croit que dépasser la borne opposée le remettra sur le bon chemin, et annulera sa première erreur. Aveuglement symétrique, rédemption illusoire. Dans le dédale des façons de vivre, il court les chemins dangereux, les sentiers à précipices. Les petites balades en sous-bois lui sont inconnues, aussi profitables pourraient-elle être.

Le plus joli paradoxe, chez ces égarés, c’est la prétention à indiquer la voie juste. De s’être perdu, ils estiment avoir tiré un enseignement et regardent de haut ceux qui cheminent, peinards, depuis toujours, sur le bon chemin. Imitez-moi car j’ai beaucoup péché ! Suivez-moi car je me suis beaucoup perdu ! Ecoutez-moi car j’ai fait beaucoup d’erreurs !

Psychologiquement, c’est dans ce même travers que foncent aujourd’hui ceux qui non seulement refusent la moindre comparaison entre les civilisations, mais qui refusent même d’en débattre. Comme un ancien fumeur converti à l’ascèse, on se punit d’avoir trop joui : notre civilisation s’est tellement auto glorifiée par le passé, qu’elle évite aujourd’hui de revendiquer une place (si ce n’est la dernière). Elle a tellement abusé de sa supériorité morale et technique qu’elle rejette, pour ne pas s’y voir, l’idée même d’une hiérarchie morale (ça se défend) ou technique (c’est grotesque). Elle s’est tellement vue en guide du monde, en phare du Progrès, elle s’est tellement contemplée au sommet de sa puissance qu’aujourd’hui, dégrisée et revenue de tout, comme une vieille pocharde reniant sa place dans les orgies passées, elle n’ose même plus rappeler ses hauts faits. D’orgueilleuse, elle veut se faire passer pour modeste, mais pas n’importe quelle modeste : la plus modeste de toutes. Elle a le leadership dans le sang : toujours la première place, même dans la modestie !

Nous avons inventé les droits de l’homme, la démocratie ? Meu non ! Aboli l’esclavage, établi le suffrage universel ? Petits riens ! La physique quantique, l’aviation spatiale, la biologie, le cœur artificiel, le cinéma ? Foutaises ! La chirurgie de l’œil, l’informatique, l’athéisme, le piano-forte, l’ethnologie, l’énergie nucléaire, la retraite à 60 ans ? Détails, miettes ! Nous avons exploré et unifié le monde, conquis les fonds marins, décodé le génome humain, fait renaître l’Egypte antique, nous avons rallié Mars ? C’est si peu de choses, voyons ! Rien qui nous permette de revendiquer la moindre supériorité civilisationnelle sur les cueilleurs des Moluques, les pygmées, les Inuits, le mollah Omar et sa mobylette !


Etablir une hiérarchie est évidemment impossible dans un domaine aussi complet. Il ne s’agit pas de désigner le vainqueur d’un cent mètres en se fiant à une « photo finish ». Il reste néanmoins possible d’établir des comparaisons entre les modes d’organisation des sociétés, comme il est possible de constater qu’au moment où finit l’Empire romain, les techniques des sculpteurs sont en net déclin par rapport à ce qu’elles ont été cinq cents ans plus tôt. Il est possible d’affirmer que la civilisation moderne a porté l’art de bâtir plus loin et plus haut que toutes les civilisations qui nous ont précédé. Il est possible de dire que nous utilisons l’énergie de façon bien plus efficace que nos ancêtres et que tous les domaines des sciences que nous avons abordés ont livré des secrets ignorés jusqu’alors. Mais bien sûr, la comparaison s’arrête là : aussi admirable soit-il, il n’y a pas de progrès moral dans le viaduc de Millau, par exemple, pas plus que dans l’accélérateur de particules du Cern.

Au-delà du mécanisme psychologique qui empêche nos français contemporains de s’affirmer héritiers d’une civilisation sans ciller, il reste que cette polémique à la con révèle une névrose collective bien connue : la honte de soi. Que des civilisations soient ou non « meilleures que d’autres », la nôtre mérite qu’on s’y attache, qu’on cherche à l’améliorer encore, et qu’on la défende. Au lieu de ça, on affirme que tout se vaut, et par conséquent, que rien ne mérite qu’on se batte pour. Mais alors, où va-t-on aller chercher des arguments contre l’esclavage, contre l’excision des fillettes, la lapidation des garces et la pendaison des voleurs de poules ? Dans nos valeurs, dans notre civilisation. Où va-t-on trouver l’arme morale contre les régimes dictatoriaux ? Dans nos valeurs. Comment va-t-on justifier qu’il est injuste de traiter les gens selon leur race ou de les réduire à une caste avant même leur naissance ? En piochant dans nos valeurs, notre civilisation universaliste, et pas une autre. C’est comme ça, mais chut… il ne faut pas le dire.

Le fait amusant, qui échappe à ceux qui nient les hiérarchies, c’est que nier les hiérarchies, c’est aussi agir en occidental ! Penser que sa civilisation n’est pas « meilleure » que les autres, c’est un trait spécifique que les autres cultures ont largement ignoré. S’intéresser à autrui, s’efforcer de penser au-delà de l’ethnocentrisme, hé oui, il a fallu ces cons d’occidentaux pour y penser ! Mais passons.

Le diable, tout le monde le sert mais personne n’y croit, disait Baudelaire. On peut en dire autant de la civilisation occidentale, à l’heure où elle accomplit sa mondialisation, et où il est interdit de prétendre qu’elle a tout supplanté. Tout le monde s’en sert, mais personne n’y croit plus.

samedi 3 mars 2012

Pas de Pride pour Poutine.

Tout le monde l’a certainement remarqué, la presse française, surtout la presse la plus libérale (c'est-à-dire TOUTE la presse), fait depuis quelque temps une campagne de propagande contre Vladimir Poutine et le système qu’il représente. Rien de bien nouveau, sauf un phénomène qu’il faudra analyser un jour : la propagande ne se donne même plus la peine d’être habile.
Par exemple, les manifestations anti-Poutine nous sont présentées comme massives alors que rapportées au nombre d’habitants, elles témoignent de l’inverse. On nous dit qu’une importante manifestation contre la « triche » des dernières législatives a rassemblé à Moscou entre 11 et 30 000 manifestants, complaisamment présentés comme sympathiques et populaires. Formidable ! Mais voilà, Moscou compte dix millions d’habitants. Sans compter la banlieue. Dans la réalité, les manifestants ont du se sentir bien seuls… Pour comparaison, en 2010, les très petites manifs contre la réforme des retraites en France avaient quand même rassemblé, à Lyon (dix fois moins peuplée que Moscou), deux fois plus de monde… Mais qu’importe : si c’est l’Express, Libé ou le Figaro qui le disent, c’est que c’est vrai !

On se souvient avec émotion du scandale qu’a représenté jadis, dans la même presse libre, l’emprisonnement du milliardaire Khodorkovski. Un pays où un milliardaire va en prison, vous n’y pensez pas ! Et la prison pour quoi, je vous le demande ? Fraude fiscale. Peuh ! Trois fois rien. En France, pays civilisé, on n’emprisonne plus un milliardaire pour ça : il suffit qu’il s’excuse.
A l’heure d’Internet, que la presse établie présente volontiers comme le creuset des plus infâmes rumeurs, il est assez logique que les propagandes de presse se simplifient : pourquoi se casser le tronc à imaginer des montages complexes quand on sait que toute information, même fantaisiste, sera relayée par une Toile de millions d’abrutis ? La presse lance ses scuds, Internet reprend et discutaille sur la base de ses éléments, et l’éventuel honnête homme qui veut comprendre se trouve noyé dans le brouillard, ce qui, avouons-le, est un mode de noyade bien nouveau. L’effet recherché est garanti : il ne s’agit pas de faire croire à quelque chose de solidement construit, mais de semer les graines du trouble, de rendre confuse une situation qui l’est de toute façon déjà, et de décourager l’esprit critique, du moins les quelques rogatons de ce qu’il fut.

Sur l’exemple de Khodorkovski, nous sommes dans un cas typique de double pesée. Deux poids, deux mesures. Quand un milliardaire français est emprisonné pour fraude, comme Bernard Tapie en son temps, c’est justice. Quand ça se passe en Russie, c’est un crime contre les Droits de l’Homme et du Milliardaire. Dans le monde Bien, Madoff et Wisley Snipes peuvent aller en taule. Chez les Méchants, Khodorkovski est un martyr sur qui on fait des films, un homme dont le destin est « lié au sort démocratique de la Russie », rien de moins ! Ha, la presse libérale…

Le dernier exemple, plus drôle encore, est donné par cette campagne pour enfants que le Figaro et Libé, mains dans la main, lancent ces derniers jours. Il s’agit de montrer que Poutine est un gros con, c'est-à-dire un homme viril, et qui le montre. Depuis des décennies, il est en effet établi qu’en dehors de Yannick Noah, seuls les très gros cons prennent la liberté d’exhiber leur virilité. On ne peut utiliser cette vieille valeur que dans le cas où l’on vend des slips, des crèmes à raser, des bagnoles ou des assurances pour la famille. Si c’est pour faire du fric, c’est bien.
C’est normal.
C’est moral.
OK.
C’est pour la bonne cause.
Mais en tant que dirigeant politique, surtout Poutine, potentat autocratique repoussant, il est interdit de se montrer séduisant, séducteur, bien conservé, fonceur, actif, athlétique. Plus grave encore que l’interdiction prononcée par Libé et le Fig, avoir une image virile serait ridicule. Et en ces temps de médiacratie, être ridicule équivaut à peu près à la fosse commune. Poutine le sportif est ri-di-cule ! Hououou !


La propagande ne va pas plus loin, elle ne s’embarrasse pas de théorie complexe, elle n’imagine pas de procédé plus sophistiqué que ça, elle ne pisse finalement pas plus haut : il lui suffit de montrer quelques images du dictateur en cavalier, en pilote d’avion ou en judoka pour que des millions d’idiots oublient les photos d’Obama et de Sarkozy, que je livre donc en conclusion.