lundi 25 février 2013

Mon empire pour un cheval




Philippe Muray n’est plus là pour tenir la désespérante/désopilante chronique de la modernité en marche, mais nous pouvons nous inspirer de son effort et relever encore les attaques les plus dégueulasses contre le bon sens, les traditions et les modes de vie « rétrogrades ». Un bel exemple nous vient de Pologne, où des associations font, comme partout ailleurs, leur travail de flic. Là-bas, certains militants estiment que la foire de Skaryszew, datant pourtant du XVème siècle, doit cesser, tout simplement. Pourquoi ? parce qu’on y vend des chevaux. Ces militants prétendent qu’en plus de les vendre, les gens de la foire les maltraitent. C’est bien connu, avant de mettre en vente un animal, on le maltraite un bon coup, histoire d’y donner des couleurs. D’ailleurs, pour vendre son ordinateur portable sur Ebay, il est recommandé de l’assaisonner préalablement à coups de gourdin.


Baste ! Pour un esprit normal, il est toujours difficile de comprendre les motivations des gens qui estiment parler d’égal à égal avec une tradition de plusieurs siècles, c'est-à-dire avec tous ceux qui ont suivi cette tradition depuis. Avoir si peu de complexe, être aussi sûr de soi, reconnaissons-le, cela force le mépris. Pour cette affaire, il semble que les militants pro-dadas reprochent aux acheteurs d’en vouloir non pas aux chevaux, mais à leur viande. Horreur ! Des gens mangent du cheval ? C’est à peine croyable.

Le principe du militant, quel que soit son « combat » (mot déshonoré depuis longtemps, que je répugne beaucoup à employer), c’est de faire passer son point de vue avant celui des autres. Tous les discours, les pseudo-arguments, les déclarations humanistes ne changent rien à cette équation simple : j’ai raison, et je vais t’y plier. Le militant aspire au triomphe comme le virus à l’hécatombe. On ne discute plus, ou si on le fait, c’est qu’on n’a pas le pouvoir de s’en passer. Militant, c’est un peu le même mot que Enculé.
Mais il faut savoir être juste, le militant n’est pas seulement animé de cynisme, il est souvent aussi un simple imbécile. Il ne voit pas le mal, le faisant en toute candeur, en toute passion. Ainsi, celui qui souhaite abolir la consommation de viande de cheval, ou de celle du boeuf, n’est pas forcément assez intelligent pour comprendre que si on ne consommait plus leur viande, les chevaux ou les bovins n’existeraient plus. Si on n’exploitait plus la laine des moutons, tu veux me dire pourquoi on continuerait à les élever ? Eh bien ça, un militant « vegan » n’arrive pas à le comprendre. Il croit peut-être que les paysans se cassent le tronc et s’endettent juste pour que les vaches fassent joli dans le pré… Le militant-plein-d’amour-pour-les-bêtes a beau avoir l’histoire d’homo sapiens sous les yeux, il ne saisit pas que l’homme partout tolère les animaux qu’il juge utiles, et qu’il écarte les autres. Imagine-t-il, ce con, le futur rempli de vaches retournées à la vie sauvage, comme le chien des romans de Jack London ?

Prenons de la hauteur, comme dirait Yann Artus-Bertrand : puisque la production de la viande nécessite mille fois plus d’eau que la production de pommes de terre, la démographie mondiale interdit que l’on continue longtemps à manger de la viande. Les réserves d’eau et les terres n’y suffiraient pas. Admettons que le raisonnement soit vrai : si on renonçait à manger de la viande, que se passerait-t-il ? Les bêtes dites « à viande » disparaîtraient. Paradoxalement, c’est parce qu’on ne les consommerait plus qu’elles n’existeraient plus. En tant qu’espèce, le plus grand danger qui menace la vache, c’est donc de ne pas être mangée !
On ne connaît pas bien la psychologie de ces animaux, mais certains éthologues pensent qu’entre deux ruminements, ils ont une vision assez lucide de leur condition. Ils ont sans doute compris ce mécanisme qui les lie à l’homme. Espérons qu’un jour, l’une de ces vaches, plus prolixe que les autres, s’en aille l’expliquer aux militants-qui-aiment-les-bêtes.