lundi 29 juillet 2013

J.J. Cale n'est plus.




J.J. Cale parlait peu de lui-même. Il n'aimait ni les interviews, ni les lieux exposés, ni les emmerdeurs. Il a vécu pour son art, instruments en mains, à son rythme. Il devait bien rire des articles qu'il inspirait, où les mêmes choses sont répétées cent fois, son accès à une gloire discrète grâce aux reprises qu'Eric Clapton fit de ses chansons, l'influence qu'il eut sur tant de célèbres vendeurs de disques, mieux armés que lui pour plaire aux multitudes.

Ce qui saute aux oreilles, chez lui, c’est qu’il continue de comprendre ce qu’est le blues après qu’un siècle a passé dessus. Il y apporte sa note sans tomber dans les répétitions de formules convenues, que chaque nouveau gratteur de guitare apprend très tôt pour n’en plus sortir. Les formules, il a su créer les siennes, et les exploiter sur plusieurs décennies. On lui a reproché ça, d’ailleurs, cette propension à refaire les « mêmes » morceaux, comme si les bluesmen, comme si les musiciens de reggae faisaient autre chose que jouer les « mêmes » morceaux…
Mais J.J. Cale n’est pas seulement un chanteur de blues, sa musique est enrichie des nuances du jazz, du country folk et d’une forme personnelle de rock. Opération de mélange dans laquelle il a réussi à ne pas oublier le blues, à en conserver la structure et l’esprit, non les formes épuisées.


mardi 23 juillet 2013

Les gens qu'on aime : Denys de La Patellière.



Nonagénaire, Denys de La Patellière vient de mourir, ce 21 juillet. Un jour pas plus moche qu'un autre pour mourir. Il était un des derniers représentants du cinéma populaire français des années 1950 et 1960, conçu comme tel, pour la distraction du public. Comme tant d’autres, il fut attaqué par les champions de la Nouvelle vague, dont on ne peut soutenir la plupart des films aujourd’hui. Les Cahiers du cinéma écrivirent que ses "films valent ce que vaut Gabin, et Gabin ne vaut rien". Fallait oser...
René Château affirme que le cinéma commercial d’autrefois est le cinéma classique d’aujourd’hui. Le cinéma fait par des artisans fiers de l’être, qui cherchaient à plaire au plus grand nombre sans l’abrutir de spectacles idiots. Sans cette exigence-là, bien sûr, on sait le genre d’âneries que l’ambition commerciale est capable de produire. Ceux qui furent voués aux gémonies par un groupe d’idéologues, qualifiés d’archaïques, de poussiéreux, sont reconnus comme des grands par le suffrage du temps. Denys de La Patellière y a sa place, à côté des Verneuil, des Grangier, des Lautner, des Autant-Lara, des Granier-Defferre…

Il faut dire qu’il y a populaire et populaire. Dans un film de La Patellière, quand Jean Gabin cause vélo dans un bistrot, il le fait avec les mots de Michel Audiard. Il n’est pas laissé à lui-même, ni tenu d’imiter ce qu’il a pu entendre le dimanche d’avant en prenant l’apéro chez René. C'est une partition au mot près, servie par un interprète de génie. Tout est affaire de transposition. C’est l’exacte différence d’avec le cinéma d’un Abdellatif Kéchiche, par exemple, qui ne cherche pas à traduire les nouvelles façons d’être d’un certain peuple, mais à les mettre telles quelles dans ses films. Il fait passer dans ses films, mais sans se l’approprier, une langue d’analphabètes, une langue faite pour résister en milieu hostile, langue d’une pauvreté navrante, qui ne chante pas, qui n’évoque pas, une langue qui ne sait que cracher et mordre. D'où l'écrasante impression de vulgarité qui nous saisit. Certes, il donne une exposition aux gens qui la parlent, et qui sont censés être « le peuple ». Mais on peut se demander si cette exposition leur rend service.
Or, quand on revoit les films de La Patellière, grâce à la transposition artistique et à l’œil du cinéaste, on admire ce peuple, et on est fier d’en être.



Le conseil de tonton Beboper : si vous ne les connaissez pas, voyez sans tarder Retour de manivelle, Le bateau d'Emile, Un taxi pour Tobrouk, Le voyage du père, Les grandes familles, et Rue des prairies...