dimanche 11 mai 2014

Piquons Giscard



Il est parfaitement inutile de dire du mal de Valery Giscard d’Estaing. Aux yeux des amnésiques, sa position d’ancien Président de la République lui confère la qualité de vieux sage, alors que son bilan personnel le range, aux yeux des autres, dans la catégorie des vieux cons. Valery Giscard d’Estaing, c’est une certaine idée de la médiocrité à la française. L’homme sait parler de tout mais ne comprend rien. Il brille dans le vide absolu. De l’avis de ceux qui l’ont fréquenté, on ne saurait trop le sous-estimer. Je mets d’ailleurs publiquement au défi le genre humain : qu’on me cite une chose excellente faite ou dite par ce crâne d’œuf, et je verse un an de salaire à la ligue mondiale pour le tatouage / piercing.

La dernière connerie de Giscard est révélatrice de cette médiocrité intellectuelle dont il est le parangon : il estime qu’en temps de crise, compte tenu de l’état merdique du pays, le 8 mai dernier, il aurait fallu travailler. Selon lui, pour redresser la France, cette vieille peau, ce jour ne devrait plus être chômé. Il n’y va pas assez franchement : il n’y a qu’un 8 mai par an, tandis que des dimanches, nous en avons plus de cinquante ! Si on veut redresser le pays, supprimons les dimanches chômés ! D’ailleurs, c’est ce que ses soi-disant adversaires socialistes sont en train de faire, en commençant par autoriser l’ouverture dominicale des camps d’achats de bricolage. Et en attendant pire… Le lundi de Pâques, quand on y pense, de combien de millions d’heures de taf il nous prive, l’ignoble ?



Balançant sa petite phrase, reprise comme de juste par la presse, le Giscard soutient que c’est la faute des gens si le pays est dans la merde, des gens qui ne travaillent pas assez. C’est simple. C’est logique. Ça passe bien dans les bistrots. Travaillons plus, que diable ! N’allons pas chercher du côté du système bancaire (dont il fut le bienfaiteur en 1973, en faisant passer une loi lui donnant un statut exorbitant : seul fournisseur d’argent de l’Etat, obligé depuis de passer par les banques pour emprunter. La dette de l’Etat a ainsi été multipliée par 22 entre 1979 et aujourd’hui…). N’allons pas chercher du côté de l’Europe, ni de la politique de rigueur, ni de l’abandon délibéré de l’industrie du temps de la présidence Giscard, ni du regroupement familial de la même époque, ni du dogme libre-échangiste, ni de l’euro, ni de l’épuisement de l’Etat-providence, ni des délocalisations, ni de l’impasse systémique où nous avons désormais les deux pieds, ni de rien : c’est les Français, ces phoques mous, qui n’en branlent pas une ! C’est un peu comme dans un vieux sketch de Smaïn, où il jouait le rôle du premier président arabe de la République française : pour risoudre li problime di recoul dimographique, disait-il lors de son discours inaugural, ben, faut niquer ! Le Giscard, c’est pareil : pour que le pays sorte de l’ornière, faut tra-va-iller. Du château où il roupille depuis des décennies, il n’a pas dû se rendre compte que travailler, il y a cinq millions de mecs qui demanderaient que ça…

Ségolène Royal proposait récemment que les intermittents du spectacle aillent donner des spectacles gratuits dans les maisons de retraite et les écoles. Curieuse façon de résoudre le problème d’emploi des gens, que de leur demander de travailler, mais sans être payés. Et puis, des gens donnent DEJA des spectacles dans les maisons de retraite, c’est leur boulot et ils sont payés pour le faire. On ne voit pas non plus en quoi faire bosser des gonzes gratos, mais en les gardant intermittents, pourrait régler les soucis de la caisse qui les indemnise… Enfin, il s’agissait de Ségolène Royal, tout le monde sait bien qu’elle a un problème neuronal, personne ne s’est affolé. Elle a pondu son idée géniale un peu avant le changement de gouvernement, histoire de bien faire comprendre à Hollande qu’elle était ministrable. Pour être ministre aujourd’hui, il faut être capable d’affirmer sans broncher une énorme connerie devant un micro, ça va pas plus loin. Giscard, à son tour, nous fait une tentative de retour ministériel, en proposant ni plus ni moins de redresser la France en un jour. Manuel Valz a certainement été impressionné.
Pour glaner les vannes de ses Brèves de comptoir, Jean-Marie Gourio a dû passer des centaines d’heures dans les bistrots, laissant traîner ses oreilles, à l’affût du truc drôle ou débile (ou les deux) qui ne manquerait pas de retentir. Aujourd’hui, il lui suffirait de lire le journal.

Moi qui prends chaque nouveauté sociétale avec les plus solides pincettes, j’avoue avoir été très opposé jusqu’ici à toute dérégulation de l’euthanasie. L’idée qu’on puisse filer une injection de mort-aux-rats aux vieillards et aux infirmes, je ne sais pas pourquoi, ça n’a jamais réussi à soulever l’enthousiasme dans ma conscience rétrograde. Mais plus j’entends Giscard, plus je comprends qu’il faut regarder l’inexorable en face, et ne pas s’acharner quand tout est foutu. Quand le cerveau est atteint, quand les fils se touchent et que le vieux part vraiment en couilles, y’a pas à tortiller, il faut piquer.