Insulter une personne est un art dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Avant que l’Homme n’invente l’agriculture, avant qu’il n’invente l’élevage, la charrue, le feu et le rôti de bœuf, il insultait déjà les connards de la grotte d’en-face, c’est certain. En cette matière comme en tant d’autres, il est probable aussi que les Égyptiens et les Grecs antiques furent des insulteurs de première, et que les Romains les imitèrent sans jamais parvenir à égaler blabla blabla.
A une époque beaucoup plus récente, les Pieds noirs d’Algérie se distinguèrent non par un sens politique remarquable, mais par une inventivité dans l’insulte qu’on n’avait plus connue depuis la fin des guerres de religion. Hélas, nous vivons des temps modernes où l’insulte trop directe, trop efficace, trop imagée, trop poétique subit l’acharnement des puritains, des peine-à-jouir, des ligues de vertu et des avocats. L’arsenal des lois venant chaque jour renforcer le bras de ces censeurs, il est probable que le compliment et le léchage culier deviennent bientôt les seules façons légales d’apprécier l’action de nos contemporains. HELAS !
Devant ce recul civilisationnel, il est urgent de sauver les insultes qui peuvent encore l’être. Puisque nous ne pouvons plus insulter le tout-venant librement, insultons moins mais insultons mieux, insultons plus précisément, insultons qui l’on peut, insultons les faibles, insultons les enfants, insultons même les sourds, mais n’abandonnons pas notre passion d’insulter! Dans cette course à l’efficacité, essayons de définir des insultes qui puissent blesser uniquement les gens à qui on les destine. Posons-nous donc la question : des insultes sans dommages collatéraux, en quelque sorte, sont-elles possibles ?